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Construire la paix en osant la confiance

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Benoist de Sinety - publié le 24/12/23
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L’absence de paix se nourrit des slogans partisans et mensongers, déplore le père Benoist de Sinety, curé-doyen de Lille. À Bethléem, le Prince de la Paix se manifeste au regard de tous les hommes en faisant appel à leurs mémoires et à leurs capacités à discerner pour oser la confiance.

Il y a longtemps sans doute que ne s’était fait à ce point ressentir l’absence de paix dans notre quotidien. Les guerres qui déchirent notre plus proche horizon, en Ukraine comme à Gaza. Les discours violents qui submergent nos débats politiques et médiatiques ou le contradicteur devient aussitôt un ennemi et où la discussion s’est désormais effacée devant l’invective. Le mensonge qui suinte de toute part lorsque l’information se fait de plus en plus argumentaire d’une cause à vendre au plus grand nombre... Et la litanie pourrait continuer comme cela.

Jusqu’à ce que les hasards de la vie me donnent de tomber sur un passage d’une interview télévisée de Jean Viard, sociologue éminent, au sujet des éructations en cascade que la loi votée à l’Assemblée nationale a provoqué. Pour avoir la paix, la plupart préfèrent se cacher la tête dans le sable, refusant de parler davantage d’un sujet qui manifestement divise. On se tait et on passe à autre chose, laissant ainsi le champ libre à ceux qui hurlent le plus fort et ne vivent que par la propagande. Tant pis si du coup tout s’écroule, que les digues morales explosent les unes après les autres, pourvu qu’on puisse être tranquille chez soi ! Refusons toute discussion et évitons de nous fâcher.

Les bonnes clés de compréhension

Il y a pourtant une autre option, essayer de travailler un peu ces sujets qui clivent d’autant plus facilement qu’ils sont traités de manière simpliste, afin que, par la discussion et le partage d’intelligences, on puisse défricher de nouveaux sentiers sur lesquels avancer ensemble. C’est ce que fit Jean Viard pendant de longues et belles minutes. S’étonnant qu’on ne parle jamais de chiffres sourcés dans ce pugilat au sujet des migrants, s’interrogeant aussi sur le fait que jamais on ne puise dans le passé un moyen de comprendre le présent plutôt que d’écraser le futur par une nostalgie morbide. 

Si l’on veut être justes, et donc efficace, il faut traiter le mal à la racine, et pas à ses manifestations simplement.

Ainsi, par exemple, de l’insécurité que l’immense majorité de nos concitoyens considèrent plus prégnante que jamais. N’est-ce pas notamment dû au fait que notre société moderne a vu prospérer deux populations plus fragiles, les personnes âgées, plus nombreuses, et les femmes, plus autonomes que jamais ? Autant de proies pour les agresseurs potentiels : on s’attaque plus facilement à un octogénaire qui fait ses courses qu’à un OS de chez Renault qui rentre de l’usine. Et les gestes salaces dont une femme peut être victime dans le métro à toute heure, sont plus faciles à réaliser qu’à l’époque où la majorité de la gent féminine demeurait dans un environnement proche du domicile familial. L’usage des drogues étaient infiniment moins répandus dans les années 1950 qu’aujourd’hui, pour ne rien dire de la pornographie. Cela ne résout rien, mais cela permet de comprendre d’une manière un peu plus intelligente que par le seul biais du slogan "la France aux Français" et ses avatars. Et c’est bien en utilisant les bonnes clés de compréhension que l’on pourra espérer progresser vers des solutions. Sinon, on brasse du vent.

Les bonnes clés de compréhension

Si l’on veut être justes, et donc efficace, il faut traiter le mal à la racine, et pas à ses manifestations simplement. Comment parler de chiffres migratoires si l’on ne fait qu’énoncer le nombre de personnes "entrantes" sur le territoire national sans jamais en retrancher ceux qui en partent ? Comment se rengorger en expliquant que l’arrêt du regroupement familial est une des mesures les plus urgentes à prendre lorsque les chiffres officiels constatables par tous indiquent qu’il n’a concerné que 14.000 personnes l’an passé ?

La démocratie exige que les citoyens travaillent et réfléchissent, qu’ils s’informent non pas simplement auprès d’éditorialistes qui construisent leurs audiences en flattant les peurs et les réflexes paranoïaques qui nous habitent tous. Bref, la construction de la paix ne se fera pas par décret et par soumission à celui qui hurle le plus fort. Elle se fera par la mise en commun de nos intelligences, éclairées et curieuses. À Bethléem, le Prince de la Paix se manifeste au regard des hommes, les plus pauvres comme les plus riches, en faisant appel à leurs mémoires, à leurs recherches, à leurs capacités à discerner, reconnaître, oser la confiance. Il n’y a aucune raison pour qu’il en aille autrement pour nous et pour notre époque. Et c’est la condition d’un vrai joyeux Noël !

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