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Mathieu Lours : “Il y a un véritable enjeu d’évangélisation avec la réouverture de Notre-Dame”

ROSE-NOTRE-DAME

Rose nord de Notre-Dame de Paris

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Morgane Afif - publié le 07/12/23 - mis à jour le 09/08/24
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À quatre mois de la réouverture de Notre-Dame de Paris, le 8 décembre 2024, Mathieu Lours, historien de l’art, revient pour Aleteia sur la place toute particulière des cathédrales dans l’Eglise et dans la ville.

Aleteia : Vous venez de publier La Grâce des Cathédrales, Une esthétique du sacré. Si les cathédrales ne sont plus les lieux de vie qu’elles étaient, comment expliquer l’attachement des Français à leur égard ?
Mathieu Lours : Ce livre s’inscrit dans un diptyque avec La Grâce des Cathédrales, Trésors des régions de France. C’est une œuvre en deux parties : dans la première, je présente l’histoire des cathédrales et l’évolution des styles ; dans la deuxième, je tente d’expliquer la cathédrale dans ses dimensions technique, liturgique et spirituelle. On ne peut pas aimer sans connaître et on ne peut pas connaître sans aimer. En France, même dans les grandes villes, les cathédrales sont parfois délaissées. Pendant plusieurs années, il n’y a eu que quatre messes par an dans la cathédrale de Marseille et à Verdun, il n’y avait qu’une petite messe dans la crypte le dimanche… En France, on se retrouve parfois face à des vaisseaux un peu vides. C’est une conséquence de la Révolution Française a supprimé les chapitres dans les cathédrales.

Les cathédrales étaient au Moyen Âge un lieu grouillant de vie, on y trouve aujourd'hui le silence et la paix, mais elles ont toujours une place particulière dans la vie spirituelle de la cité. 

Avant, les chanoines, ces prêtres qui desservaient exclusivement les cathédrales, venaient y prier sept fois par jour la liturgie des heures et y célébraient deux messes quotidiennes. Ce creux s’explique aussi par la crise des vocations : à Laon, il y avait 84 chanoines ; aujourd'hui, il n’y a pas autant de prêtres dans tout le diocèse de Soissons. Les cathédrales ne peuvent plus vivre comme au Moyen Âge, simplement car on n’a plus le clergé nécessaire. En revanche, les usages culturels, eux, se sont développés et il y a eu un double mouvement dans l’appropriation des cathédrales. Elles sont moins habitées, mais elles donnent aujourd'hui plus de place au silence, à la déambulation personnelle et à l’immersion dans les œuvres. Elles étaient au Moyen Âge un lieu grouillant de vie, on y trouve aujourd'hui le silence et la paix, mais elles ont toujours une place particulière dans la vie spirituelle de la cité. 

Aleteia : Les cathédrales ont une place particulière au cœur de nos villes : comment rayonnent-elles, que disent-elles du monde ?
La cathédrale rayonne par sa masse monumentale : on la voit de loin. Son architecture nous dit quelque chose de sa fonction, puisqu’elle associe des éléments horizontaux, sa surface, car elle rassemble, et des éléments verticaux, les flèches et les tours, qui indiquent le ciel. C’est le lieu où les hommes se ressemblent pour regarder ensemble vers le ciel ; c’est l’endroit où le ciel descend sur la terre. Dans la ville, elle est aussi un ancrage historique car elle rappelle que la ville a un passé et esthétiquement, avec le château, c’est souvent son plus beau monument. La cathédrale réintroduit aussi la beauté dans la cité, et cette beauté dit quelque chose de la transcendance.

Il y a incontestablement un véritable enjeu d’évangélisation massive avec la réouverture de Notre-Dame puisqu’on ne peut pas délier le cultuel et le culturel.

Aujourd'hui, si la pratique et la connaissance religieuses s’effacent, l’attachement demeure par le biais de l’émotion. Comme dans la rhétorique antique, la cathédrale instruisait, mais elle continue de plaire et d’émouvoir. Quand quelqu'un rentre dans une cathédrale, même s’il n’est pas croyant, il peut être touché par la beauté, et pourquoi pas entrer dans une démarche de conversion. C’est pourquoi la médiation est très importante dans les cathédrales, car il ne faut pas dissocier le patrimoine de sa fonction sacrée : en expliquant, on suscite le questionnement. On évangélise en répondant à des questions, pas par des discours, sinon on endoctrine. 

Aleteia : Notre-Dame doit ouvrir dans un an jour pour jour, à quoi s’attendre ? 
Déjà, il faut s’attendre à une ruée des visiteurs sur Notre-Dame. Il faut absolument réfléchir à l’accueil pour en faire une expérience spirituelle importante : l’aménagement intérieur doit refléter cette dimension catéchétique. Sur ce point, le diocèse a les mains parfaitement libres et tout est conçu dans cette optique : c’est l’Église qui accueille dans la cathédrale, même si elle appartient à l’État. Il y a incontestablement un véritable enjeu d’évangélisation massive avec la réouverture de Notre-Dame puisqu’on ne peut pas délier le cultuel et le culturel. Quant à l’aspect même de Notre-Dame, il faut bien garder en tête que nous étions restés 160 ans sans nettoyer les murs, et que ce sont donc 160 ans de crasse qui s’en vont. Il y aura un choc esthétique, c’est certain, et ça ne plaira pas à tout le monde car nous étions habitués à ses murs sombres, mais le travail est superbe.

Pratique

La Grâce des Cathédrales, Une esthétique du sacré, Mathieu Lours, Éditions Place des Victoires, 318 pages, 49 euros.
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