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Dominique Bernard est-il mort en martyr ?

Dominique Bernard

Sameer Al-Doumy / AFP

Obsèques de Dominique Bernard le 19 octobre 2023 à Arras.

Henri Quantin - publié le 25/10/23

Le professeur Dominique Bernard est-il mort en martyr ? Si les mots ont un sens, il n’est pas mort en témoin de la vérité de la foi, mais mort assurément comme témoin héroïque d’un dévouement aux autres fait de don de soi, note l’écrivain Henri Quantin.

“Te voilà élevé au rang des martyrs, toi l’homme discret, a soutenu une collègue du professeur lors des hommages.” En citant ces mots dans l’homélie des obsèques de Dominique Bernard, le professeur assassiné à Arras le 13 octobre, Mgr Olivier Leborgne a sans doute voulu rappeler l’hommage suprême que peut recevoir un chrétien, tout en ayant la prudence de ne pas le reprendre à son compte pour une canonisation hâtive. L’heure, certes, n’était pas aux nuances théologiques.

Le mot “martyre”, bien sûr, connaît un sens large, qui va jusqu’à ignorer entièrement son étymologie renvoyant au témoignage. Qui n’a jamais dit d’un blessé ou d’un malade qu’il souffre le martyre, du seul fait que sa douleur est intense ? Léon Bloy, dans son Journal, vociférait souvent — charitablement, bien sûr — contre cet usage indu qui repeignait tout mort avec des palmes à la main. Le vrai martyre semblait à Bloy aussi difficile que désirable, désirable parce que difficile : “On parlait du bonheur, très médiocrement. — Mais le bonheur, ai-je crié, c’est le Martyre, le bonheur suprême en ce monde, le seul bien enviable et désirable. Être coupé en morceaux, être brûlé vif, avaler du plomb fondu pour l’amour de Jésus-Christ”, écrit-il dans L’Invendable. 

La vérité de la foi

Certains mettront le propos sur le compte d’un supposé dolorisme. Le cri de Bloy, toutefois, cherchait avant tout à réveiller des âmes endormies par l’idéologie du bien-être personnel, en passe de devenir dominante. Pour qui fait d’épanouissement un synonyme de bonheur, le don de soi passera toujours pour une perte de temps, voire une erreur de parcours ou une régression. Le Catéchisme de l’Église catholique ne dit d’ailleurs pas autre chose que Bloy, même si c’est en termes apparemment plus mesurés (n. 2473) :

Le martyre est le suprême témoignage rendu à la vérité de la foi ; il désigne un témoignage qui va jusqu’à la mort. Le martyr rend témoignage au Christ, mort et ressuscité, auquel il est uni par la charité. Il rend témoignage à la vérité de la foi et de la doctrine chrétienne.

Témoin du don de soi

Le Christ, la vérité de la foi et la doctrine chrétienne. Ce n’est pas exactement ce que défendent les ministres de l’Éducation Nationale, quand ils font de la fidélité à l’esprit des Lumières la valeur suprême (ce qui, au passage, exclut de facto Corneille, Racine, Pascal et tant d’autres des auteurs à lire). Le Christ, la vérité de la foi et la doctrine chrétienne. Ce n’est sans doute pas non plus pour cela qu’enseignait Dominique Bernard. Il y a donc sûrement meilleure manière d’honorer sa mémoire que de lui attribuer, même au nom d’une incertaine unité, des combats qui n’étaient pas les siens. Professeur de lettres, il était certainement sensible à l’emploi du mot juste. Pas martyr, donc, mais sûrement témoin d’un dévouement aux autres fait de don de soi, y compris jusqu’à la mort. Pas martyr, mais témoin de la grandeur d’une culture qui révèle que l’homme passe infiniment l’homme.

Un chrétien sait qu’il est dans le monde pour rendre témoignage à la Vérité et que trahir l’auteur de la Vie est une mort plus terrible que celle du corps.

En guise d’exemple de martyr figurant sur les “archives de la Vérité écrites en lettres de sang”, le Catéchisme cite saint Polycarpe, qui priait le Christ ainsi : “Je Te bénis pour m’avoir jugé digne de ce jour et de cette heure, digne d’être compté au nombre des martyrs.” Recevoir le martyre comme une bénédiction, tel pourrait être le critère qui distingue le martyr du héros, et plus encore de l’homme qui s’est trouvé au mauvais endroit au mauvais moment (le martyr dirait au bon endroit au bon moment). C’est sans doute à cette condition qu’il y a, aussi paradoxal que cela puisse paraître à l’esprit du monde, une “grâce du martyre”. Peut-on parler de cette grâce, si on ne la lie pas à la fécondité surnaturelle de la mort et de la résurrection du Christ ? Et peut-on, par ailleurs, en parler sans confusion avec un terrorisme fanatique, si on ne rappelle pas que l’Église a toujours condamné la volonté d’aller au-devant du martyre dans l’espoir de “gagner le Ciel” plus vite ?

Subi et choisi

Les deux critères de la théologie traditionnelle relevaient du même esprit, puisqu’il s’agissait d’être tué en haine de la foi et de ne pas avoir renié le Christ sous la menace. Chacun admettra que ce sens précis ne peut guère s’adapter à la plupart des victimes de l’islamisme, qu’elles se soient montrées héroïques ou non. En somme, le vrai martyre est à la fois subi et choisi : subi, car un chrétien n’est pas propriétaire de sa vie et qu’il ne peut donc décider ni le jour, ni l’heure, ni les circonstances de sa mort ; choisi, car un chrétien sait qu’il est dans le monde pour rendre témoignage à la Vérité et que trahir l’auteur de la Vie est une mort plus terrible que celle du corps. Dominique Bernard n’est pas un martyr au sens strict, donc. Cela n’empêche en rien les disciples du Christ de prendre son courage et son dévouement en exemple, pour témoigner de la Vérité qui leur a fait la grâce de leur révéler Son nom.

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FoiMartyrsvie
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