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Quand saint Louis voulait évangéliser la Mongolie

Saint Louis, Mongolie

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Camille Dalmas - publié le 25/08/23

C'est un versant peu connu de l'histoire de France : au milieu du XIIIe siècle, saint Louis a tenté de nouer une alliance avec les Mongols, comptant sur leur conversion au christianisme. Une entreprise menée par un franciscain, Guillaume de Rubrouck, qui la raconte dans son méconnu Voyage dans l'empire mongol.

“Au troisième jour, nous trouvâmes les Tartares ; et quand je les eu vus et considérés, il me sembla que j’entrais dans un nouveau monde”. En l’an 1253, le franciscain Guillaume de Rubrouck, envoyé de saint Louis, écrit ces lignes alors que pour la première fois, il entre en contact avec les Mongols — appelés Tartares en son temps — sur les rives de la mer Noire.

Tels jadis les Huns, les Mongols viennent de déferler sur l’Europe, emportant la Hongrie en 1241, et rien ne semble alors pouvoir les arrêter. Le pape Innocent IV, voyant arriver ce nouveau peuple, leur a dépêché plusieurs ambassades, menées par des frères franciscains et dominicains. Mais il reçut en réponse de la part du khan Güyük une cinglante demande de soumission : “Si vous ne suivez pas l’ordre de Dieu, et si vous allez à l’encontre de nos ordres, nous vous reconnaîtrons comme notre ennemi”.

En protestation, le pontife publie en 1248 une bulle, Viam agnoscere veritatis, dans laquelle il demande aux envahisseurs de cesser leurs menaces. Mais les Mongols posent un autre problème aux chrétiens, qui tentent de sauver Jérusalem. Cette dernière a en effet été reprise en 1229 par Frédéric II Hohenstaufen, mais perdue en 1244 après le siège de la ville par les Kwarazm-Shahs, un peuple persan allié aux Mamelouks d’Égypte… qui vient d’être chassé de son territoire par les Mongols.

Je représenterai à votre Majesté la façon de vie et mœurs de ces gens-là le mieux qu’il me sera possible.

C’est à cette période que le pieux saint Louis décide de prendre la croix et de se porter en Terre sainte la septième croisade (1248-1254). Alors qu’il prépare son action militaire depuis Chypre, il reçoit une missive inattendue : un chef de guerre mongol nommé Altigidaï propose au « roi des Francs » une alliance contre la dynastie ayyubide en Égypte, demandant à ce qu’il attaque les Mamelouks directement dans leur pays. Afin d’évaluer l’alliance, Louis IX envoie un dominicain, André de Longjumeau, en ambassadeur auprès de cet Altigidaï et de son chef, le redouté khan Güyük. Mais ce dernier est mort quand le prêtre arrive dans sa capitale en Mongolie, Karakorum.

Une mission loin d’être un échec

Mais la mission n’est pas un échec pour autant : André de Longjumeau revient auprès de son roi en affirmant que des chrétiens vivent en terre mongole, et qu’un certain khan nommé Sartaq serait baptisé. Saint Louis, défait entre-temps par les Égyptiens à Damiette, s’est replié en Terre Sainte sans avoir repris Jérusalem. Il envoie alors une nouvelle ambassade au khan supposé chrétien ainsi qu’au nouveau chef de l’empire mongol, Möngke, dans l’espoir d’une nouvelle alliance.

C’est dans ces conditions que Guillaume de Rubrouck est dépêché. Sa mission : instruire le peuple mongol et ses chefs afin de les amener à la foi chrétienne. Une fois cette mission remplie, il pourra les convaincre de prendre eux aussi la croix contre les Mamelouks.

En serviteur zélé du saint roi, Guillaume de Rubrouck fait preuve, dans son rapport sur la situation religieuse de l’empire mongol, d’une honnêteté sans illusion.

“Je représenterai à votre Majesté la façon de vie et mœurs de ces gens-là le mieux qu’il me sera possible”, annonce au roi le franciscain au début de son long compte-rendu. Le franciscain, de fait, s’acquitte de sa tâche avec un grand talent et livre à la postérité un témoignage unique sur la vie des Mongols.

On lui doit notamment une description avisée du Grand Jeu géopolitique qui agite l’empire, de son histoire depuis l’ascension de Gengis. Il s’émerveille devant ces princes, fils du grand khan, “qui tous ont aujourd’hui de grandes cours, et tous les jours étendent un peu plus leurs habitations dans cette vaste solitude, qui est comme une grande mer”.

Des anecdotes invraisemblables

Bien avant Marco Polo, il rapporte aussi les anecdotes parfois invraisemblables qu’on lui raconte sur sa route : le royaume chrétien du roi Jean, les Montagnes des Assassins, des chiens géants, et “mille autres étranges et horribles histoires”.

Il se fait aussi anthropologue avant l’heure, décrivant toutes les coutumes, tous les rites funéraires et matrimoniaux, toutes les habitudes culinaires qu’il observe sur sa route. Il rend compte aussi du riche commerce qui fait vivre cette terre marchande, avide de sel et de bêtes, de papiers de coton et d’étoffes de soie de Cathay et de Perse, de métaux rares et travaillés, et de fourrures, particulièrement nécessaires pour affronter le froid “si grand que souvent il faisait fendre les arbres et les pierres”, mais qu’il traverse pieds-nus.

Malgré les difficultés, craignant parfois de mourir de faim ou de froid, le franciscain parcourt les grandes plaines et surmonte ses obstacles, telle cette rivière “quatre fois plus grande que la Seine”. Accompagnant la longue marche des villes mouvantes mongoles, il atteint enfin la capitale Karakorum, rencontrant sur son chemin les nombreux peuples qui séjournent dans ces terres immenses : Naymans, Goths, Comans, Turcs, Alains, Russiens, Valans, Arméniens, Moals, Turcs…

En serviteur zélé du saint roi, Guillaume de Rubrouck fait preuve, dans son rapport sur la situation religieuse de l’empire mongol, d’une honnêteté sans illusion. Il raconte avec déception ses contacts houleux avec les nestoriens – chrétiens appartenant à un groupe considéré comme hérétique par l’Église qui se sont installés dans toute cette partie de l’Asie depuis le VIIe-VIIIe siècle. Lorsqu’il rencontre Sartak, le chef de guerre qui se prétend baptisé, il est encore amer : “Je ne saurais dire, réellement, s’il est chrétien ou non”, affirme-t-il, avant de donner son avis personnel : “il me semble qu’il se moque des chrétiens et les méprise”.

Une route semée d’embuches 

Sur sa route, le franciscain se fait des ennemis, et doit se confronter par exemple à un “devin sarrasin” qui l’importune et selon lui empoisonne des malades en se prétendant médecin. Il est aussi horripilé de devoir partager son habitation pendant de longs mois avec un “faux moine” nestorien, qui s’avère être menteur, ignare et paillard : “J’avais grand déplaisir à ne le point pouvoir quitter”.

Dans la capitale Karakorum, le représentant de saint Louis rencontre aussi Guillaume, un orfèvre Parisien capturé par les Mongols alors qu’il séjournait à Belgrade. Cet artisan, rapporte-t-il, a construit pour le khan Mongkok une étrange machine-fontaine en argent pour verser quatre breuvages différents en même temps. Échangeant avec des Chinois, il s’émerveille qu’ils “écrivent avec un pinceau fait comme celui des peintres ” sur du papier de coton.

À Karakorum, Guillaume de Rubrouck se rend aussi compte que Mongkok Khan profite cyniquement de la concurrence entre le clergé bouddhiste – dont il est un des premiers à raconter les rites – musulman et chrétien. Le souverain, constate-t-il, force les membres des différents clergés à l’assister dans une forme de paganisme syncrétique, puis s’adonne à d’interminables beuveries et vénère des idoles. Le franciscain est indigné par ces “superstitions et folies “.

L’alliance franco-mongole ne se fera jamais. Et ce malgré l’insistance des Mongols, qui, des années plus tard, combattront avec des chrétiens en Terre Sainte contre les sultans d’Égypte.

Déçu de n’avoir point eu la foi nécessaire pour faire des “miracles” et convertir le khan, Guillaume de Rubrouck finit par reconnaître son échec. Quand il repart, le khan lui donne une lettre dans laquelle il demande au roi Louis de se soumettre à son autorité avant d’envisager toute forme d’alliance. Le prêtre déconseille saint Louis de poursuivre les discussions : selon lui, les Mongols ne vainquent jamais “par la force des armes, mais seulement par ruses et tromperies”. Il met en garde son souverain contre leur “beau semblant et prétexte de paix et d’amitié”.

Guillaume de Rubrouck quitte finalement l’empire mongol et retourne en France, Dans son récit, l’aventurier franciscain adresse ces derniers mots à son roi “La paix de Dieu, qui surpasse toute intelligence et toute connaissance des hommes, veuille éclairer de sa lumière votre cœur et votre entendement”.

L’alliance franco-mongole ne se fera jamais. Et ce malgré l’insistance des Mongols, qui, des années plus tard, combattront avec des chrétiens en Terre Sainte contre les sultans d’Égypte. Ils finissent par être défaits à Aïn Djalout en 1260, premier coup d’arrêt historique pour les Mongols, mais aussi chant du cygne pour les Royaumes latins d’Orient.

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