Elle n’est pas sans rappeler le bâton du berger qui guide son troupeau vers les pâturages : le pedum, ou houlette, ce bâton recourbé dont se servaient les bergers pour attraper le bétail par l’encolure. La comparaison n’est pas anodine, puisque c’est de celui-ci que la crosse épiscopale tire son origine, depuis le bâton que Dieu donne à Moïse pour guider son peuple vers la Terre Promise. Dans de nombreuses cultures antiques, d’ailleurs, le pedum est éminemment lié au pouvoir divin : pour les Étrusques (du IXe au Ier siècle av. J.-C.), il était l’attribut des augures dans le culte païen. Le bâton devient alors l’insigne du guide ou du chef, jusqu’au bâton cantoral qu’utilise le chef de chœur dans les monastères, ancêtre de la baguette du chef d’orchestre.
Guider le peuple de Dieu et ramener à Lui les égarés
Ce n’est qu’au Ve siècle que les évêques se l’approprient, avant de devenir au fil des siècles un attribut incontournable de la charge épiscopale, avec l'anneau, la mitre et la croix pectorale. La crosse épiscopale manifeste également la juridiction des abbés sur leurs monastères et terres environnantes. Si elle peut rappeler le sceptre, ses origines sont d’une signification plus humble : celle du pasteur qui guide son troupeau. Ainsi, lors de sa consécration épiscopale, l’évêque reçoit la crosse selon la formule : "Recevez le bâton de pasteur, signe de votre charge : prenez soin de tout le troupeau du Seigneur, dans lequel l’Esprit Saint vous a établi comme évêque pour gouverner l’Église de Dieu".
Ainsi, l’évêque utilise sa crosse uniquement lors des célébrations au sein de son propre diocèse, afin de rappeler le lien qui l’unit, en tant que pasteur, au troupeau qui lui a été confié : si plusieurs évêques concélèbrent l’office divin, seul celui qui le préside porte la crosse. Dans le rite byzantin, la forme de la crosse épiscopale n’est pas tout à fait similaire puisque le bâton se termine en son sommet par deux serpents se faisant face et séparés par une croix pour symboliser les vertus de force et de prudence, ainsi que les serpents confondus par Moïse. La crosse du pape nommée "férule papale", est quant à elle en forme de croix. Ses deux parties rappellent elles aussi sa fonction symbolique : tandis que le bâton manifeste la gouvernance ecclésiastique de celui qui doit guider les fidèles au salut, le crosseron symbolise le devoir de ramener à Dieu les pécheurs et les égarés, comme le berger saisissant le bétail sans le blesser. La crosse, ici, rappelle précisément le psaume 22 : "Le Seigneur est mon berger : je ne manque de rien. […] Si je traverse les ravins de la mort, je ne crains aucun mal, car tu es avec moi : ton bâton me guide et me rassure".