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Notre-Dame de Grâce à Honfleur, la chapelle thaumaturge

Notre-Dame de Grâce à Honfleur

© Isogood_patrick I Shutterstock

Notre-Dame de Grâce à Honfleur.

Anne Bernet - publié le 09/07/23

Sur les hauteurs de Honfleur, Notre-Dame de Grâce veille sur les gens de mer et sur tous les pèlerins qui lui confient leurs angoisses et leurs demandes. C’est l’un des sanctuaires marins les plus renommés construits par les Normands.

La traversée de la Manche, même aujourd’hui, peut s’avérer dangereuse ; et ce n’est rien comparé au temps jadis… Cela n’a jamais empêché les échanges intenses entre la France et la Grande-Bretagne. En ce début du XIe siècle, les ducs de Normandie commencent à lorgner avec insistance vers la couronne anglaise, sur laquelle, en raison d’alliances familiales, ils ont des droits. Cette année 1034, le duc est Robert II. Ses ennemis le surnomment “Robert le diable” et il est vrai que le jeune homme n’a rien d’un enfant de chœur ni d’un parangon de vertu ; ses amis préfèrent l’appeler « Robert le Magnifique » et ce surnom est aussi mérité que le précédent tant ce prince sait se montrer large et généreux. La suite de notre histoire le prouve.

Le duc ne voit jamais petit

Donc, en cet automne, Robert a embarqué pour rentrer en France avec ses chevaliers. Voilà que la tempête se lève, violente, et met sa nef en extrême péril de se perdre. D’ordinaire, ceux qui en ont les moyens savent ce qu’il leur reste à faire : en appeler à Notre-Dame et lui promettre d’élever en son honneur, selon leurs possibilités, un oratoire, une chapelle, une église. Robert ne voit jamais petit. Ce n’est ni dans son caractère ni dans ses habitudes, et, dans l’un de ces élans de foi dont ce mauvais sujet est capable, qui le conduiront dans quelques années à aller mourir d’épuisement, en pauvre pèlerin, au retour de Jérusalem, il s’écrie :

“Benoîte Dame Marie, si nous gagnons le port, je bâtirai pour Vous trois sanctuaires !”

Et la nef, soudain poussée par un vent favorable, les flots apaisés, rejoint sans encombre la côte normande. Bien entendu, le duc tient parole et, parmi les trois églises qu’il fera édifier, la plus importante, baptisée Notre-Dame de Grâce, surplombe le port de Honfleur où sa nef a accosté. Auréolée de ce miracle, elle acquiert d’emblée la réputation, qu’elle ne perdra jamais, de protéger les gens de mer qui affluent au pied de sa belle statue.

Un violent séisme

Le sanctuaire a-t-il, au lendemain de la Guerre de Cent ans, souffert du long conflit ? Les pèlerins l’ont-ils déserté ? En 1478, pour lui assurer les revenus nécessaires à son entretien, Louis XI, grand dévot de Marie, fait don de l’église d’Honfleur au prieuré de Notre-Dame de Cléry, cher à la monarchie française, afin qu’il en assume la charge. Cléry ne sera pas encombré longtemps de ce cadeau royal. En 1538, l’Ouest est secoué par un séisme violent et la falaise sur laquelle est bâtie Notre-Dame de Grâce s’effondre, entraînant dans sa chute les trois quarts du sanctuaire ; n’en subsiste que le mur du fond, contre lequel s’appuie l’autel supportant la statue, réputée miraculeuse, de la Vierge protectrice des marins.

En toute logique, Cléry qui bénéficie des revenus attachés au sanctuaire normand, devrait œuvrer à sa reconstruction mais ce n’est pas à l’ordre du jour et Notre-Dame de Grâce est abandonnée à son triste sort, au grand désespoir de ses fidèles. Ceux-ci, d’ailleurs, ne se résignent pas et, en dépit du danger qu’il y a à se rendre jusqu’aux ruines, ils continuent, obstinément, à venir prier devant la statue. Cela va durer jusqu’en 1602, date à laquelle les autorités, de crainte d’une catastrophe, font démolir les derniers vestiges de l’église médiévale après avoir transporté l’image sainte en sécurité.

Pour les Normands, cette prudente décision est insupportable et, prenant la tête d’un comité de reconstruction de Notre-Dame de Grâce, un notable, M. de Fontenay, assaille le pouvoir royal de pétitions pour décrocher les fonds et les autorisations nécessaires. Ses efforts acharnés paient puisque les permissions sont accordées et qu’une noble dame, Mlle de Montpensier, fait don d’un terrain, à une centaine de toises de la chapelle disparue, et de huit grands chênes de la forêt de Touques pour la charpente. En 1613, la chapelle reconstruite est consacrée, et, au terme d’une procédure judiciaire comme les Normands, grands plaideurs, savent les mener, Cléry, qui a manqué à ses obligations, est déchu de ses privilèges et le sanctuaire confié à des capucins. 

Une chapelle de répit

Une intervention de Notre-Dame en faveur de M. de Fontenay, son chargé d’affaires, fera beaucoup pour relancer le pèlerinage. En 1610, alors qu’il se trouve à Paris, l’excellent homme tombe malade, sombre dans le coma, et le médecin constate son décès. On le couds dans son linceul, on va l’inhumer lorsque le faux défunt se réveille, guéri ; il vivra encore plus de dix ans. Sans rien perdre de sa réputation de patronne des marins, Notre-Dame de Grâce y gagne une réputation nouvelle de thaumaturge, confirmée par des miracles spectaculaires. En 1623, des parents éplorés lui apportent le corps sans vie de leur nouveau-né, mort sans avoir reçu le baptême. À peine déposé sur l’autel, le bébé se ranime, le temps de devenir enfant de Dieu, ce qui fait du sanctuaire une “chapelle de répit”, lieu rare et très prisé.

Vitraux Notre-Dame de grâce à Honfleur

En 1624, Lisieux, désolée par la peste, fait un vœu à Notre-Dame de Grâce réclamant l’arrêt de l’épidémie, qui cesse aussitôt et ne revient pas. L’histoire fera le tour de la France, au point qu’à un siècle de là, l’archevêque de Marseille, Mgr de Belsunce, se rendra pieds nus au sanctuaire afin de remercier la Vierge normande d’avoir obtenu du cœur de son divin Fils la fin de l’épouvantable épidémie qui a dévasté plus de deux ans la Provence.

La reine Marie-Amélie et Thérèse Martin

En dépit de la désaffection grandissante envers Notre-Dame qui marque le XVIIIe siècle, le pèlerinage perdure à Honfleur, et attire les foules à la Pentecôte, sa fête patronale, tant et si bien que la Révolution, dont le personnel se montre, en Normandie, plus modéré qu’ailleurs, ne met pas un zèle extraordinaire à détruire ce “repaire de la superstition”. Certes, l’église est fermée, mise en vente comme bien national, mais elle est rachetée par le maire d’Honfleur, qui veut la mettre à l’abri des démolisseurs. S’il la sauve de la destruction, il ne peut cependant empêcher qu’elle soit profanée aux pires heures de la Terreur et transformée en cabaret…

Pis encore, la statue vénérée est détruite. La paix religieuse revenue, une autre, aussi ressemblante que possible, très jolie d’ailleurs, prendra sa place au cœur de la nef rouverte au culte. C’est elle que l’on sort, chaque année, lors de la procession qui traverse la ville. Nombre de pèlerins viennent lui confier leurs angoisses et leurs demandes, telle la reine Marie-Amélie qui, en février 1848, à l’instant de quitter définitivement la France, demandera à Notre-Dame de Grâce de veiller sur sa nombreuse famille dont elle est séparée par les événements révolutionnaires et sans nouvelles. Elle sera exaucée. Thérèse Martin viendra, elle aussi, l’implorer.

Enfin, mais tous ceux qui ont visité la ville s’en rendent compte, Notre-Dame de Grâce, attentive aux prières de ses fidèles, a permis en leur faveur un miracle peut-être plus éclatant que tous les autres ; alors que la Normandie est, en juin 1944, écrasée sous les bombes, Honfleur sera l’une des seules villes entièrement préservées de toute destruction.

Tags:
SanctuairesVierge Marie
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