"Le sang des martyrs est une semence de chrétiens." Cette phrase régulièrement répétée par les différents papes au fil des ans est attribuée à Tertullien (160 – 220), prophète de cette longue lignée d’hommes, de femmes et d’enfants qui ont scellé dans leur sang leur foi en Jésus-Christ depuis 20 siècles et encore – voire plus – aujourd’hui. Parce que nous avons "une grande dette envers les martyrs", et que "nous ne pouvons pas les oublier", le pape François a décidé d’instituer en vue du Jubilé 2025 une “Commission des nouveaux martyrs – témoins de la foi” au sein du dicastère pour les Causes des saints. Il a annoncé cette initiative dans une lettre publiée ce mercredi 5 juillet 2023. Les martyrs "sont plus nombreux à notre époque que dans les premiers siècles", rappelle à juste titre le pape François dans ce document.
L’objectif de cette structure d’une quinzaine de membres sera d’élaborer un "catalogue" des chrétiens qui partagent donc le même baptême et qui sont morts pour leur foi, de l’an 2000 à nos jours, sans pour autant que leur cause de béatification ne soit ouverte à Rome. Cette commission, précise le Pape dans sa lettre, "n’entend pas établir de nouveaux critères pour la vérification canonique du martyre", mais devra répertorier les noms de "ceux qui, aujourd’hui, continuent à être tués seulement parce que chrétiens". Les travaux historiques permettront donc de dresser une liste de baptisés qui ont vécu "le martyre chrétien" mais ne sont pas reconnus officiellement martyrs par l’Église catholique.
Appel à la contribution active des Églises particulières
"Nombreux sont ceux", écrit François "qui, bien que conscients des dangers qu’ils encourent, manifestent leur foi ou participent à l’Eucharistie dominicale. D’autres sont tués dans leurs efforts pour aider, par la charité, la vie des pauvres, pour prendre soin de ceux qui sont rejetés par la société, pour chérir et promouvoir le don de la paix et la force du pardon. D’autres encore sont les victimes silencieuses, individuelles ou collectives, des bouleversements de l’histoire." Sont ici concernés, par exemple, le père Jacques Hamel en France, sœur Maria De Coppi au Mozambique, sœur Marie-Sylvie sauvagement tuée dans l’attaque d’un hôpital par des islamistes en RDC en 2022, sœur Lucia Dell’Orto, « l’ange des enfants des rues », tuée à Haïti la même année ou encore les victimes des attentats de Pâques au Sri Lanka en 2019. Comment ne pas penser, non plus, aux 21 martyrs chrétiens de Libye (20 coptes orthodoxes et un Ghanéen) décapités par Daech en 2015.
La Commission, explique le Pape, "devra faire appel à la contribution active des Églises particulières", "des Instituts religieux et de toutes les autres réalités chrétiennes, selon les critères que la Commission elle-même élaborera". La commission, sous la houlette du cardinal Marcello Semeraro, préfet du dicastère pour les Causes des saints, aura pour président Mgr Fabio Fabene, secrétaire du dicastère, et pour vice-président Andrea Riccardi, fondateur de la communauté Sant’Egidio, qui anime la basilique dédiée aux martyrs du XXe siècle, sur l’île Tiberina à Rome. Mgr Marco Gnavi, curé de la paroisse Santa Maria in Trastevere, en sera le secrétaire. Parmi les dix membres de la commission, deux sont Français : le père Dominique Arnauld, missionnaire d’Afrique, et le diacre historien Didier Rance, ancien directeur de l’Aide à l’Église en détresse France, auteur d’ouvrages sur des martyrs contemporains.
Continuité de la commission de l’An 2000
Cette structure n’est pas une nouveauté : une telle initiative avait déjà vu le jour au moment du Grand jubilé de l’An 2000. De 1996 à 2000, les chercheurs avaient alors reçu plus de 20.000 signalements du monde entier, à partir desquels ils avaient constitué une fresque de 3.400 noms, précise à I.MEDIA le père Marco Gnavi, qui était déjà le secrétaire de cette première commission.
La liste qui sera élaborée à présent pour le premier quart du XXIe siècle est "un premier recensement" qui ne saurait être exhaustif, explique le père Gnavi. Ce travail permet une "reconnaissance historique" envers des chrétiens qui sans cela resteraient anonymes, poursuit-il, mentionnant à titre d’exemple les "martyrs de la prière du dimanche", terme désignant ceux qui ont perdu leur vie en allant à la messe.
Une célébration œcuménique pendant le Jubilé
Les recherches de la commission ne concerneront pas seulement les catholiques mais s’étendront à toutes les confessions chrétiennes. Car ce phénomène touche "tous les chrétiens, anglicans, évangéliques, orthodoxes, etc", plaide le père Gnavi. En créant cette commission, le pape François indique aussi qu’une célébration œcuménique aura lieu pendant le Jubilé 2025, sur le modèle de celle du 7 mai 2000 à laquelle avait participé Jean Paul II au Colisée avec des représentants d’Églises et de communautés ecclésiales du monde entier, en signe de l’ « œcuménisme du sang".
"Dans un monde où le mal semble parfois prévaloir, je suis certain que l’élaboration de ce catalogue, également dans le contexte du Jubilé imminent, aidera les croyants à lire notre époque à la lumière de Pâques", conclut le pape François. Les fidèles le feront "en puisant les raisons de vivre et de faire du bien dans le trésor de tant de fidélité généreuse au Christ."