Pour qu’ils viennent plus souvent à la messe, j’ai demandé à deux jeunes époux dont j’allais baptiser l’enfant quels seraient les thèmes qu’ils aimeraient voir traités en homélie. Elle a dit : "Pourquoi il n’y a pas de femmes prêtres ?" Au lendemain de la fête du Cœur sacré de Jésus, journée mondiale de prière pour les prêtres, et en ce jour de fête des pères, voici deux ou trois éléments de réflexion sur le sujet, en écho à l’évangile de ce 11e dimanche du temps ordinaire où Jésus n’appelle que des hommes parmi les douze apôtres. Sa compassion envers les foules désemparées et abattues comme des brebis sans berger montre que ce n’est pas au nom d’une quelconque virilité. On peut être bergère aussi bien que berger.
La prêtrise n’est pas un métier
C’est un choix de Dieu. C’est une décision divine, reçue de Dieu, prise par Jésus avec son Père, que relate ainsi l’évangile de saint Luc : "Jésus s’en alla dans la montagne pour prier et il passa toute la nuit à prier Dieu. Le jour venu, il appela ses disciples et en choisit douze auxquels il donna le nom d’Apôtres" (Lc 6, 12). Ne prendre que des hommes comme prêtres est bien un choix de Dieu. Il fait partie de la Révélation. Nous l’accueillons dans l’obéissance de la foi. Il est un mystère. Puis-je vous rappeler qu’il y a infiniment plus de choses que nous ne comprenons pas que de choses que nous comprenons ?
Les changements de la société depuis deux mille ans nécessitent pourtant d’y réfléchir pour pouvoir en rendre compte, pourquoi il n’y a pas de femmes prêtres dans l’Église catholique. La prêtrise n’est pas un métier. Si c’était un métier, de techniques et de pratiques, de choses à faire et à savoir, il n’y aurait aucune raison de ne pas l’ouvrir aux femmes, au contraire. Ce n’est pas un métier, c’est un sacerdoce, un service divin, que nul ne s’arroge à soi-même, on y est appelé par Dieu, dit la Lettre aux Hébreux qui ajoute très curieusement : "comme Aaron" (He 5, 4). Non pas comme Moïse, ce qui aurait été plus logique, mais comme Aaron son second, celui qui est chargé de le seconder au cœur de l’Alliance et de la Révélation de l’amour de Dieu pour son peuple. Le prophète Osée en révèlera la nature profonde, conjugale, ce lien quasiment d’épousailles de Dieu avec l’humanité.
Par nécessité de ressemblance…
Tout l’Ancien Testament prépare et préfigure son accomplissement dans le Christ : le refus de la domination humaine et la désignation d’un seul Époux, Jésus-Christ. C’est Jésus-Christ que le prêtre a pour mission de représenter dans l’Église. C’est l’explication que l’Église donne à l’impossibilité d’ouvrir le sacerdoce à des femmes : seuls des hommes peuvent devenir prêtres par nécessité de "ressemblance naturelle" entre le Christ et son ministre. "Si le rôle du Christ n'était pas tenu par un homme, on verrait difficilement dans le ministre l'image du Christ. Car le Christ lui-même fut et demeure un homme" dit la déclaration Inter Insigniores du 15 octobre 1976 de la Congrégation pour la doctrine de la Foi "sur la question de l'admission des femmes au sacerdoce ministériel". Concrètement, vous pouvez toujours imaginer que pour représenter une personne dans un film ou au théâtre, on prenne une personne indépendamment de son sexe, un homme pour représenter Jeanne d’Arc par exemple, mais personnellement j’en doute.
… et de vérité historique
Il y a là surtout une nécessité de vérité historique au même titre que le pain et le vin pour la messe. Pourquoi célébrons-nous uniquement avec du pain et du vin ? Parce que le Christ a pris du pain, a dit : Ceci est mon corps, a pris du vin, a dit : Ceci est mon sang. Et le Christ a pris du pain en souvenir de la manne au désert quand son Père a nourri le peuple affamé, de même que l’agneau pascal préfigurait son propre sacrifice, "comme un agneau conduit à l’abattoir, comme une brebis muette devant les tondeurs, il n’ouvrait pas la bouche" (Is 53, 7). Car, qui a conduit Jésus à la mort, qui l’a, jusque parmi les apôtres, trahi, renié, abandonné ? Des hommes, ces hommes à qui Jésus s’est livré lui-même. Voilà ce qui devrait empêcher toute sacralisation excessive du prêtre ! Et nous amener nous prêtres en permanence à la conversion, pour que le prêtre représente le Christ et n’imite pas le grand Prêtre qui l’a fait condamner !
Il faut garder à l’esprit que nous ne vivons pas dans un univers de Création où homme et femme étaient sans péché, mais que nous vivons dans un univers de Rédemption où c’est à cause du péché que Dieu s’est incarné, et qu’il appelle des prêtres à le combattre en eux. En tout prêtre, la figure du Christ reste voilée par la faiblesse de l’homme. Tout prêtre peut devenir un saint ou un traître. C’est vrai de tout baptisé sauf que le prêtre a cette fonction de représenter le Christ, puisqu’il agit à la messe et dans les sacrements "in persona Christi", en la personne du Christ, en son nom, pour le rendre présent et le représenter.
Le rôle du père
Une troisième raison pour laquelle les prêtres sont des hommes, de sexe masculin, s’appelle la paternité, dont il importe peu que notre époque la conteste, et dont il importe au contraire que nous retrouvions le sens en matière d’éducation, de protection et d’accès à la liberté : de même que le rôle du père est d’élever l’enfant dans la confiance et la sécurité pour l’amener à la liberté et la maturité en lui permettant de trouver une juste distance à l’égard de sa mère qui l’a porté, engendré et nourri en son sein, de même il revient au prêtre de permettre au baptisé de trouver une juste distance à l’égard de l’Église sa mère, notre mère, pour que sa référence, notre unique référence soit le Christ, le seul et véritable époux de l’Église, pour le prêtre comme pour le baptisé.
Retenez ce double rôle du prêtre : d’une part un rôle de représentation du Christ Jésus, vrai homme et vrai Dieu, dans les sacrements, et d’autre part un rôle de conversion constante à la douceur et l’humilité. Le juste mouvement de l’histoire n’est pas que les femmes deviennent arrogantes, vaniteuses et musclées, mais que les hommes apprennent des femmes le service de la vie et la consolation des petits. Que chacun considère le meilleur de l’autre, s’en inspire, sans vouloir le remplacer.