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Couple : le “snooping”, la tentation des jeunes générations

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Mathilde de Robien - publié le 11/05/23 - mis à jour le 03/08/23
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Fouiner dans le portable de son conjoint : simple curiosité ou espionnage ? Dans les deux cas, il est bon de s’interroger sur les motivations de ce geste qui peut révéler un dysfonctionnement dans le couple mais aussi le simple besoin d’être rassuré.

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Un nouveau mot pour une pratique qui n’est pas nouvelle : le "snooping" (de to snoop = espionner, fouiner). Il désigne le fait de consulter le téléphone portable de son conjoint à son insu : sms, mails, journal d’appels, galerie de photos, réseaux sociaux, sites internet visités…, par simple curiosité ou en cas de doute.

Autrefois, on interceptait une lettre ou on fouillait un bureau, aujourd’hui, on balaie l’écran d’un smartphone à la recherche d’une photo ou d’un texto suspect. La suspicion d’une infidélité n’est pas la seule motivation. Cela peut concerner aussi les dépenses effectuées par le conjoint, des messages de dénigrement auprès des proches, la fréquentation de sites pornographiques, la vérification de son agenda, jusqu’à installer une appli de géolocalisation.

Une étude de l’Ifop publiée ce jeudi 11 mai pour Le Journal du Geek montre que cette pratique est relativement répandue parmi les couples français : quatre Français sur dix indiquent avoir déjà fouillé dans le portable de leur conjoint. Et ce sont les jeunes femmes qui seraient le plus enclines à surveiller les pratiques numériques de leur conjoint : 67% des femmes de moins de 35 ans déclarent l’avoir déjà fait.

Un phénomène générationnel

"Il apparaît clairement que le snooping est un phénomène générationnel intimement lié à l’importance qu’ont pris les smartphones dans la vie quotidienne des jeunes, outil de communication indispensable qui contient l’essentiel – photos, messages, réseaux sociaux… – de leur vie intime. Les messages privés sont ainsi ceux qui sont les plus regardés à l’insu de l’autre", décrypte Louise Jussian, chargée d’études à l’Ifop.

Pour Marie-Claire de Laforcade, conseillère conjugale et familiale à Sartrouville au sein du Cabinet Raphaël, il s’agit là d’une tentation de tout temps, celle de "tout maîtriser, de l’autre et de la relation". Néanmoins, ce désir de tout connaître de l’autre est aujourd’hui biaisé et accentué par les habitudes numériques. "Avec les réseaux sociaux, l’intimité est déjà rompue", souligne-t-elle. "On a de plus en plus de mal à respecter l’intimité puisque tout est publié, partagé, posté. Tout se laisse voir. On repousse toujours plus loin les limites de l’intime. A-t-on seulement conscience que le portable de l’autre fait partie de son intimité ?", interroge-t-elle.

L’expression d’un besoin

Consulter en cachette le portable de son conjoint n’est pas anodin. "On ne fait pas ça par hasard", précise Marie-Claire de Laforcade. Il est bon de se demander quelles en sont les motivations profondes. Quel est l’objectif ? Quelle est l’intention derrière le geste ? Quelles sont les craintes à l’origine ? "Il y a nécessairement une motivation derrière, même si elle n’est pas fondée." Si dans certains cas le doute est avéré, dans d’autres cas, il s’agit d’une blessure personnelle qui fait se sentir en insécurité.

"J’entends beaucoup, en consultation, des peurs d’abandon. Fouiller dans le portable de l’autre vient du désir de se rassurer : "oui, je suis bien le seul ou la seule dans sa vie"", explique la conseillère. En ce cas, il est important d’identifier ce besoin et de se demander : de quoi ai-je besoin pour me sécuriser ? Car il existe d'autres moyens pour se savoir aimé que de fouiner dans le portable de son conjoint.

"Il n’y a pas d’amour sans confiance", écrit Musset (Le fils du Titien). S’immiscer, sans y être invité, dans l’intimité de l’autre, abîme le lien de confiance nécessaire à la vitalité du couple. Conséquence regrettable du désir de se rassurer à tout prix. "Tu ne me fais pas confiance ?" est en droit de demander le conjoint suspecté ou géolocalisé. Difficile après de restaurer une confiance mutuelle.

Restaurer la confiance

Pour y arriver, la communication dans le couple est primordiale. Ai-je pu exprimer à mon conjoint mes doutes, mes peurs, mes besoins ? Et notamment le besoin de se savoir aimé. Connaît-il mon langage de l’amour, pour répondre à cet immense besoin, présent chez tout être humain, de se savoir aimé ? Ai-je besoin de davantage de paroles valorisantes, de cadeaux ou de gestes de tendresse de sa part pour être sûr de son amour ? De son côté, le conjoint dont l’intimité a été "violée" peut demander à l’autre : que se passe-t-il entre nous pour que tu aies pu t’autoriser à faire ça ? Qu’est-ce qui te manque ?

Dans le cas où le "snooping" révèle un mensonge ou une infidélité, la confiance est mise à rude épreuve. "Un seul mensonge détruit la confiance absolue qui, pour certaines âmes, est le fond même de l’amour", estime Balzac (Autre étude de femme). Les conséquences peuvent être graves pour le couple, et les blessures profondes.

"J’y pense toujours" confie Laurène*, qui a surpris, dès le début de leur mariage, son mari en train de regarder des profils de femmes sur un site de rencontres. C’était il y a des années mais la blessure est toujours là. "Oui le pardon est possible, la confiance peut être restaurée, mais cela demande du temps, de l’honnêteté, et un travail de vérité jusqu’à pouvoir dire : “cela m’a blessé mais je te pardonne”", souligne Marie-Claire de Laforcade.

*Le prénom a été changé.

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