Quand on pardonne, on se dit intérieurement :
Il m’a fait mal, c’est un fait. Il a eu tort, c’est incontestable. Il avait peut-être ses raisons, ça ne lui donne pas raison pour autant. Je peux choisir de me venger, de lui rendre ce mal à son tour. Je peux décider de le traiter indéfiniment comme un sale type, parce qu’il m’a fait une saleté. Mais non. Je casse cette logique. Toi qui m’as blessé, je ne t’attache pas à ta faute comme un prisonnier à son boulet. Et moi-même, je me délivre du boulet de la rancune. Je te vois comme une personne qui a encore des réserves d’amour à donner, et j’y crois. Il y a toi, il y a ce que tu m’as fait, je ne vous mets pas dans le même sac. Je te pardonne.
Le pardon est un acte de foi : "Je crois que tu vaux plus que ce que tu m’as fait, plus que ta faute." Et c’est un acte d’espérance : "Je mise sur les fruits du pardon, sur la reprise de la relation, sur la joie qui en découlera, sur la paix restaurée."
Se redonner de la liberté
Et surtout, celui qui pardonne se fait lui-même la charité, est charitable envers lui-même. Pourquoi ? Parce que la rancune est un venin qui paralyse. Elle focalise l’esprit malgré lui, elle mange de l’énergie, elle obsède l’âme en élaboration de projets vengeurs, bref elle lui pique son temps de vie. Parce qu’en pardonnant, je me tourne vers l’avenir et cesse d’agir exclusivement en fonction du passé, je me redonne de la liberté. J’apprends à aimer, je me rends capable de relation, et capable de créer de nouvelles relations sans être empoisonné par le cynisme ou la méfiance systématique. Le pardon donné nous restaure dans une attitude de confiance face à la vie. À l’inverse, quand on est pardonné, on ne vit plus dans la crainte du retour de bâton, on ne vit plus dans la peur de la petite phrase qui va rappeler à tout le monde à quel point on a été minable, on ne vit plus la honte chevillée au corps. Le pardon reçu me restaure dans l’estime de moi-même : quelqu’un m’estime assez pour remettre les compteurs à zéro, pour croire que suis capable de faire toutes choses nouvelles.
Ainsi celui qui sait pardonner rentre dans l’âge adulte : il ne fige pas la douleur du moment en état d’âme perpétuel, comme le fait l’enfant boudeur, ou celui qui garde toujours un coup de pied en réserve. C’est pourquoi instaurer dans notre famille, jour après jour, un climat de pardon est un acte profond par lequel nous sortons nos grands et petits chéris de l’immaturité de l’enfance pour les conduire tout doucement dans la liberté du monde adulte.