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Shoah : l’Église en France rouvre ses archives

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Musée Yad Vashem, Jérusalem.

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Claire Riobé - publié le 12/04/23
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L’ouverture des archives de différentes congrégations religieuses en France lancé dès 2019 apporte un nouvel éclairage sur la posture adoptée par l’Église catholique durant l’Holocauste. Entretien avec Emmanuelle Moskovitz, chercheuse au département d’archives du musée Yad Vashem, à Jérusalem.

Entre Paris, Jérusalem et Washington, ils sont les petites mains de l’ombre qui font avancer la grande Histoire. Une équipe d’historiens, de chercheurs et d’archivistes a entamé, en 2019, un projet de collaboration avec des communautés religieuses catholiques, à échelle européenne. Le but ? Récolter de nouveaux documents d’archive de la période de l’Holocauste, conservés dans ces couvents chrétiens et jamais partagés auparavant au grand public. Et offrir par là même une historiographie renouvelée de la Shoah, en éclairant le rôle des "Justes" catholiques qui ont participé au sauvetage des Juifs durant la guerre. 

Une plongée dans l’Histoire catholique de la Shoah

Ce projet de collaboration inédit a été lancé peu avant l’ouverture exceptionnelle des archives du Vatican sur le pontificat de Pie XII. Il est porté par le musée Yad Vashem de Jérusalem, l’une des institutions les plus importantes au monde en matière de recherche sur les victimes de la Shoah. Un projet "passionnant" pour les chercheurs, effectué entre les murs priant et silencieux des couvents, et soutenu à l’international par le Mémorial de la Shoah en France, et le Mémorial de l’Holocauste aux États-Unis. 

Pour Emmanuelle Moskovitz, chercheuse au département d’archives de Yad Vashem, cet immense travail de mémoire a débuté auprès de la congrégation des pères et des religieuses de Notre-Dame de Sion. Cette communauté, fondée en 1843 par deux juifs convertis au catholicisme, a participé au sauvetage de nombreux enfants et familles juives au cours de l’Holocauste. "Bien sûr, il y a des centaines de communautés vers lesquelles nous pouvions nous tourner, mais débuter nos recherches chez Notre-Dame de Sion a été une évidence", reconnait Emmanuelle Moskovitz. 

Deux ans plus tard, près de 30.000 pages de documentation ont été numérisées, et envoyées au centre d’archives de l’institut jérusalémite. Parmi les précieux documents gardés depuis la fin de la guerre par la communauté, plusieurs attestent du rôle de mère Marie Magda et de sœur Joséphine dans le sauvetage de juifs. Ces deux religieuses, reconnues "Justes parmi les nations" par Yad Vashem, ont caché et fait passer en Suisse plusieurs dizaines d’enfants réfugiés entre 1940 et 1943, au péril de leur propre vie. 

En février 2023, Yad Vashem a entamé un nouveau partenariat avec l’Ordre des frères mineurs Capucins de France. Le musée israélien souhaite "numériser un fonds d’archives très important sur le père Marie-Benoit Péteul, dont les frères disposent dans leur couvent à Paris", affirme encore Emmanuelle Moskovitz. Ce frère capucin originaire de Marseille a été reconnu "Juste parmi les nations" par Yad Vashem en 1966. En fabriquant en secret plusieurs centaines de fausses cartes d’identité et de sauf-conduits, il a sauvé la vie à plus de 4.000 Juifs réfugiés en Italie, en Espagne et en Suisse. Yad Vashem collaborera également dans les mois à venir avec les Frères Lassaliens de Lyon, dont le riche fonds d’archives est une mine précieuse d’informations dans la région. 

Pour l’Église, une « avancée significative »

Pour les congrégations religieuses en France, entamer une démarche de partenariat présente un avantage évident. "Notre travail de numérisation permet de protéger leurs précieux documents, et d’en faciliter l’accès au grand public", estime Emmanuelle Moskovitz. La chercheuse considère l’ouverture des archives locales de l’Église catholique en France comme une "avancée significative" dans le travail mémoriel mené ces dernières décennies sur la Shoah. Elle tient à noter "le très bon accueil" dont elle et son équipe bénéficient depuis 2019, ainsi que la qualité des relations entretenues avec les congrégations. 

Pour le monde de la recherche, la découverte d’archives catholiques à échelle locale offre un regard nuancé sur les positions de l’Église durant cette période. Face au silence dont a longtemps été accusé l’institution, ces documents éclairent les réactions variés des fidèles catholiques français, marquées par l’entraide, la résistance silencieuse, ou encore la protestation ouverte. "Il faut comprendre qu’après toutes ces années, la collecte de documents auprès des institutions catholiques nous apporte une nouvelle perception des juifs pendant la Seconde guerre mondiale. Cela nous ouvre aussi à de nouveaux sujets de recherche sur la Shoah. Tout cela est passionnant !", partage Emmanuelle Moskoviz. Le projet de numérisation, qui a pris du retard durant la crise du Covid, devrait se poursuivre dans les années à venir. Yad Vashem souhaite collaborer "avec des centaines de communautés religieuses" à l’avenir, en France, mais également en Italie et ailleurs à travers l’Europe. 

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