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Pékin prend l’ascendant sur Moscou

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Xi Jinping et Vladimir Poutine à Moscou le 21 mars 2023

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Jean-Baptiste Noé - publié le 23/03/23
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La visite de Xi Jinping à Moscou marque une nouvelle étape dans le rapprochement entre la Chine et la Russie. Elle donne corps à l’idée de la constitution d’un bloc anti-occidental, scellant son unité sur les décombres de l’Ukraine. Mais la relation entre Pékin et Moscou, analyse le géopoliticien Jean-Baptiste Noé, ressemble plus à une soumission des Russes qu’à une véritable alliance.

Allié ou vassal ? La question ne manque pas de se poser à l’occasion de cette rencontre entre Vladimir Poutine et Xi Jinping. Certes la Chine tire bénéfice des hydrocarbures russes, de son potentiel marché d’exportation et de ses terres arables. Mais la Russie a davantage besoin de la Chine que la Chine de la Russie. Alors que Xi Jinping sort très peu de Chine, surtout depuis la crise du Covid, il fait un voyage très remarqué chez son voisin russe, au moment où celui-ci stagne en Ukraine. Est-ce la constitution d’un bloc "autoritaire" contre le bloc "démocrate", la rencontre de courtoisie à un voisin allié, ou celle du suzerain à son vassal ? Un peu des trois sans doute, mais l’ascendant de la Chine sur la Russie est réel et croissant.

Le jeu multiple de Pékin

Entre la Chine et l’Occident, il y a certes des tensions, notamment autour de Taïwan. Mais aucune des deux parties ne peut se passer de l’autre. La Chine est encore l’atelier de l’Occident, et a donc besoin de bonnes relations avec lui pour que ses usines restent et se développent. L’essentiel des échanges économiques chinois se fait avec l’Asie et avec l’Occident, pas avec la Russie. Au moment où son économie commence à s’essouffler, Pékin ne peut nullement prendre le risque d’une rupture avec l’un de ses principaux partenaires. Il serait suicidaire, pour la Chine, de se couper de l’Europe et des États-Unis. La rencontre de Moscou n’a donc pas pour but de constituer un pôle d’opposition à l’Occident, mais plutôt un môle de rééquilibrage. 

C’est aussi une façon de tenter une sortie de paix. Vue depuis Pékin, la guerre en Ukraine ne représente pas un intérêt majeur. Les tensions avec Taïwan, les facéties nucléaires de la Corée du Nord, les frictions frontalières entre l’Inde et le Pakistan sont des sujets beaucoup plus importants que ces deux pays d’Europe qui s’affrontent dans les tranchées du Donbass. Pékin a proposé un plan de paix, que la Russie est prête à discuter. Tant que les États-Unis ne donneront pas leur accord, l’Ukraine ne bougera pas, mais Washington peut aussi avoir intérêt à mettre un terme à ce conflit, surtout si se profile une catastrophe financière et bancaire causée par la gestion hasardeuse de sa monnaie. 

Les hésitations américaines

Au moment où le dollar est affaibli dans son monopole mondial, sous l’effet notamment de la montée en puissance de la monnaie chinoise, il est urgent de stabiliser le dollar et de ne pas l’affaiblir davantage par des faillites bancaires. Se recentrant sur son économie intérieure, les États-Unis pourraient donc être tentés d’accélérer le processus de paix en Ukraine. 

Mais Pékin voit plus loin. Alors que la Sibérie russe est peu peuplée et que la démographie de la Russie connaît une dépression, aggravée par le conflit, le dynamisme démographique chinois pourrait contribuer à peupler les zones frontières du fleuve Amour. Après avoir investi dans les ports d’Europe et d’Afrique, la Chine est en mesure désormais de placer ses financements dans les ports russes de la façade pacifique, notamment Vladivostok. Et si Pékin est celui qui permet l’adoption d’un plan de paix, alors la relation entre la Russie et la Chine ne sera pas égale, mais en faveur de la dernière. Une vassalisation de certaines parties de la Russie par la Chine n’est donc pas à exclure.   

Le jeu atone de la Russie

Désormais conforté à la tête du Parti et du pays, Xi Jinping a les coudées plus franches que jamais pour conduire sa politique. De la même façon que les États-Unis se sont remis en selle en Europe grâce à la guerre en Ukraine, ce conflit pourrait contribuer à asseoir la puissance chinoise en Asie, dans la zone de l’Organisation de coopération de Shanghai (OCS), dont la Russie est signataire. Bloquée à l’Ouest par les sanctions et sa mise au ban des nations d’Europe, mise sous tutelle à l’Est par la domination chinoise et la dépendance à Pékin, la Russie pourrait ainsi perdre sur les deux tableaux et sortir vassalisée par la Chine, comme les Européens étaient sortis dépendants des États-Unis après la Seconde Guerre mondiale. Que Pékin propose un plan de paix sur un conflit qui se déroule en Europe montre déjà à quel point la Chine a pris pied sur le continent en s’immisçant au cœur de ses affaires politiques. Une situation qui était impensable il y a encore dix ans. Là réside peut-être le véritable basculement de cette guerre en Ukraine. 

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