La magie de Noël n’existe pas, j’ai bien compris. Mais la poésie de Noël existe bien, et je suis de ceux qui croient — j’allais écrire : qui savent d’expérience — que la poésie est au cœur du plan de Dieu. En venant habiter au milieu de nous, en se faisant bébé, enfant, adolescent, homme, en venant éprouver chacune de nos sensations et de nos émotions, en mangeant, en buvant, Dieu a désenvouté le monde, sans doute, mais pas pour le laisser froid : pour l’enchanter de sa présence. Jésus est venu parmi nous et la terre tout entière est devenue merveilleuse. Jésus s’est fait homme et notre vie s’est illuminée.
Une communion avec le ciel
Lorsque j’étais enfant, je me souviens qu’à partir du premier dimanche de l’Avent, mystérieusement, quelque chose se passait. L’air que nous respirions n’était plus exactement le même. Les pins, dans les bois, devenaient graves et solennels. Le ciel devenait amical, même sous la pluie ou le grésil. Les vaches, les ânes, les moutons au pacage devenaient importants. Les visages s’éclairaient. Même l’herbe au bord de la route devenait émouvante. Les anges, dans nos campagnes, n’avaient pas encore entonné l’hymne des cieux, mais nous sentions déjà leur présence : ils retenaient leur souffle. Nous chantions à tue-tête Venez divin Messie, et avec une énergie telle qu’il était impossible que Jésus n’arrivât pas bientôt. Les grandes personnes nous expliquaient que Jésus allait venir dans la crèche et que tout serait changé. Nous les croyions.
La poésie de Noël a fondé pour toujours la beauté du monde.
Aujourd’hui, je continue de le croire. Comment admirer un lever de soleil ou une nuit étoilée sans songer aussitôt que nos yeux voient ce que le Christ lui-même a vu avec des yeux de chair et de sang. N’est-ce pas merveilleux ? Magique ? La divine liturgie, quand le démon de la laideur ne l’a pas assassinée, nous transporte au ciel. La célébration des saints mystères de Noël nous fait vivre, par la poésie, une communion avec le ciel qu’aucun théologien ne pourra jamais expliquer.
La beauté du monde
La poésie de Noël — les téléfilms américains l’appellent Christmas magic, ce qui provoque des malentendus — a fondé pour toujours la beauté du monde. Et cette beauté, aucune raison raisonnante ne peut la désenchanter. Jésus a aimé la beauté de ce monde blessé. Sa parole la plus humaine, et peut être la plus poignante, est cet aveu au moment de passer de ce monde à son Père : "Je ne boirai plus du fruit de la vigne." Jésus a aimé le Royaume de la terre, ses levers de soleil, ses soirées entre amis, ce vin partagé dans la joie.