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Accueil des migrants : la France doit-elle renoncer à ses dogmes ?

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CHRISTOPHE SIMON / AFP

Migrants secourus par le navire humanitaire Ocean Viking et accueillis sur la presqu'île de Giens, le 11 novembre 2022.

Benoist de Sinety - publié le 20/11/22

Curé de la paroisse Saint-Eubert de Lille, le père Benoist de Sinety pense que la politique migratoire en France est un échec parce qu’il en est fait une question de sécurité et non d’accueil et d’assistance, y compris pour aider les migrants à retourner dans leur pays.

Entre deux tragi-comédies médiatiques narrant les gaudrioles des politiques avec les bonimenteurs de télévision que chacun condamne, mais qui engraissent les invités de ces plateaux de spécialistes sur nos chaînes d’infos en continu, l’affaire de l’Ocean Viking pourrait être un fait divers parmi d’autres si elle n’était révélatrice de graves failles. Quoi que puissent en dire les cassandres, l’accueil de ce bâtiment dans l’un de nos ports était une affaire de droit et de morale élémentaire. On ne laisse pas dériver un navire qui réclame de l’aide sans lui prêter assistance. Cela a toujours été et sera toujours, tant que le monde restera humain.

Proposer des idées

Il est assez sidérant d’entendre les commentateurs du réel, les plus farouchement opposés à l’accueil de quiconque, remettre en cause le droit traditionnel de la mer qui encouragerait selon eux des milliers de gens à risquer leurs vies en essayant à leur tour de traverser la Méditerranée. Faudrait-il donc cesser de soigner les cancéreux pour ne pas encourager les fumeurs ? Qu’il faille chercher et développer des actions les plus nombreuses possible pour encourager ceux qui veulent partir à rester chez eux, qui peut dire le contraire ? Il ne s’agit cependant plus de paroles mais d’actions. Que ceux qui, affichant leur bel humanisme, nous expliquent qu’il ne faut surtout pas aider ceux qui sont en mer afin de ne pas encourager les suivants, et qu’il faut travailler en amont, se remontent les manches et proposent des idées, lancent des initiatives. Car sinon, rien ne changera. Et ce sera pire.

Quant à l’accueil à Giens, il a tourné au fiasco. À cause des migrants ou de ces ONG dont on nous dit pis que pendre en osant les rendre complices des passeurs ? Certains allant jusqu’à suggérer une collusion entre truands et humanitaires : je me souviens, moi, d’une discussion il y a quelques mois avec les membres de l’une de ces organisations situées sur les bords de la Mer du Nord. Ils me disaient en être réduits à donner aux migrants leurs numéros de portable afin qu’ils puissent appeler si leur esquif venait à prendre l’eau. J’ai même assisté à l’un de ses appels : en pleine nuit, un homme qui ne pouvait parler car le passeur leur interdisait de communiquer, et qui filmait l’eau entrant dans la coque. Oui, à ce moment-là, le membre de l’ONG a appelé les secours, c’est-à-dire l’armée. Et ils ont été sauvés de la noyade. 

L’échec de l’accueil

Qu’en Méditerranée des bateaux humanitaires puissent être informés de la présence d’embarcations de fortune avec des centaines de migrants est-il une forme de complicité ? Le prétendre est d’un cynisme effarant. La vérité est que face à un phénomène qui nous dépasse absolument, beaucoup essayent de trouver des solutions d’urgence pour éviter des morts par milliers. Car ils embarquent et ils embarqueront même si aucun bateau n’était prévu pour les secourir. 

Si l’accueil est aujourd’hui un échec c’est parce que la France a fait de la question migratoire une question de sécurité intérieure.

Non, si l’accueil est aujourd’hui un échec c’est parce que la France a depuis près de quinze ans fait de la question migratoire une question de sécurité intérieure, d’ordre public en en confiant la résolution aux préfets de région, lesquels n’ont jamais eu autant d’autorité entre leurs mains, sans tenir compte ni des administrations des autres ministères, ni des autorités locales qui connaissent mieux que personne le terrain, ni du monde associatif qui, même s’il a bien des défauts, n’en demeure pas moins un vivier de compétences et de volontariat irremplaçable. Nulle place non plus aux acteurs économiques qui assurent cependant la vie de notre pays au quotidien. Envoyer des armées de greffiers, de magistrats, de policiers et d’infirmiers ne sert à rien sinon à se donner bonne conscience. 

Des camps d’accueil adéquats

Tant que l’État ne voudra pas accepter de mettre en place des camps d’accueil adéquats où l’on installe tout demandeur afin qu’il soit pris en charge par les services compétents, rien ne sera possible. Il faut pour cela renoncer à un certain nombre de dogmes dont on se demande bien pourquoi ils ont été proclamés, comme par exemple l’impossibilité de penser même à l’existence de ces camps où les personnes soient protégées, mises à l’abri et enseignées, avec, par exemple, une obligation d’apprentissage du français (au moins 600 heures). Il faudra ensuite probablement accepter de réfléchir à un statut particulier du travailleur étranger, non pour en faire un sous-prolétaire, mais pour lui permettre de travailler sans qu’il soit exploité et sans qu’il ait pour autant une absolue égalité de traitement avec des salariés français. Il faut enfin oser encourager le retour au pays en imaginant des formations innovantes qui donnent à ceux qui repartent un moyen de construire chez eux un avenir qu’ils ne pourront pas avoir chez nous. 

De nombreuses personnes commencent à y réfléchir. Beaucoup cherchent à prendre des initiatives. Des réseaux religieux, des mouvements de scoutisme aujourd’hui élaborent des hypothèses. Il est heureux que nombre de chrétiens aient à cœur de voir dans le migrant non un problème à traiter mais une occasion de bâtir le Royaume, montrant ainsi que l’Église, même si elle semble parfois s’effondrer dans ses structures, demeure un lieu où bat le cœur de Dieu.

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