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Après la surprise et le choc de la révélation vient le temps des questions. Vendredi 14 octobre, l’hebdomadaire Famille Chrétienne a révélé que l’ancien évêque de Créteil (Val de Marne), Mgr Michel Santier, a fait l’objet de mesures disciplinaires par Rome en octobre 2021 pour des faits de "voyeurisme", aggravés par un abus d’autorité spirituelle et une instrumentalisation des sacrements commis sur deux majeurs dans les années 1990 dans la Manche. Sa démission prématurée en 2019, officiellement présentée pour raison de santé, était liée à cette affaire. Une démission que le pape François a accepté le 6 juin 2020 mais ce dernier n'a quitté ses fonctions qu’en janvier 2021. Dans la foulée de la révélation des raisons réelles du départ de Mgr Santier, les deux diocèses en question, celui de Créteil et celui de Coutances et d’Avranches, ont confirmé l'existence de cette décision et provoqué l'incompréhension des fidèles. Deux ans se sont ainsi écoulés entre le signalement au Vatican et l’annonce auprès du principal concerné des sanctions. Mais deux années au cours desquelles aucune information n'a filtré auprès des fidèles, pas même l'existence d'une sanction.
La publicité est faite par la consignation de la décision à la personne intéressée, donc la personne condamnée.
En droit français existe ce qu’on appelle la publicité de la justice, c’est-à-dire que les décisions de justice sont publiées. La justice étant rendue "au nom du peuple", les citoyens doivent pouvoir en contrôler l’exercice quotidien. Elles sont donc largement accessibles. Mais ce principe n’existe pas dans le droit canonique, c’est-à-dire le droit de l’Église. "La publicité est faite par la consignation de la décision à la personne intéressée, donc la personne condamnée", indique à Aleteia le père Ludovic Danto, doyen de la faculté de droit canonique depuis 2016. De cette façon, "le droit canonique considère donc que la publicité est faite."
Jusqu'à très récemment, "la victime, le plaignant, n’était pas particulièrement pris en compte dans la communication de la décision", souligne le père Ludovic Danto. "Le but était que l’accusé, par sa condamnation, rentre dans le droit chemin. Et cela n’est pas uniquement propre au droit canonique. La présence de la victime dans l’ensemble de la procédure est assez récente dans tous les droits," justifie-t-il. En effet, si la victime existe depuis toujours, sa place s'est progressivement affirmée dans la société et la même évolution est perceptible dans le droit commun. Mais c’est un sujet dont le Saint-Siège s'est saisi rappelle néanmoins le doyen. "Ce qui est certain c’est que dans un avenir plus ou moins proche, il convient de travailler à ce que la décision soit au moins communiquée aussi au plaignant à défaut d’être rendue publique, mais cette dernière question reste aussi ouverte", détaille encore le prêtre.
L’Église s’est surtout occupée, dans un premier temps, des agresseurs. Dans un deuxième temps, à partir des années 2000, elle a porté une attention accrue aux victimes.
"L’Église s’est surtout occupée, dans un premier temps, des agresseurs, expliquait déjà à ce sujet auprès d'Aleteia Astrid Kaptijn, membre de la Ciase et professeur de droit canonique. Dans un deuxième temps, à partir des années 2000, elle a porté une attention accrue aux victimes. Elle dispose aujourd’hui d’une plus grande conscience de cette dimension. L’ensemble des documents publiés par le Saint-Siège insistent sur l’accompagnement des victimes." Mais lorsque l’on regarde les procédures juridiques, on constate que les victimes ne sont pas encore suffisamment prises en compte, d’abord au niveau de la communication. "Quand une victime se rend auprès d’une instance diocésaine pour dénoncer un cas d’abus sexuel, c’est au niveau diocésain que ce dernier se traite. Une enquête préliminaire est ouverte et le dossier est ensuite envoyé à Rome. Mais la victime n’est pas forcément au courant", détaille encore Astrid Kaptijn. "Ensuite c’est la congrégation pour la doctrine de la foi qui décide si un procès est nécessaire. Là encore, l’information communiquée à la victime dépend du bon vouloir de l’évêque. S’il y a un procès, la victime n’a quasiment pas de place. C’est une question entre l’État et l’agresseur. La victime n’a pas de statut officiel au cours du procès, elle a même du mal à avoir accès au dossier."
Qui va par ailleurs s’assurer de la réalisation des sanctions ? "C’est l’autorité hiérarchique de la personne condamnée qui s’assure de l’application des sanctions", reprend Ludovic Danto. "L’évêque lorsqu’il s’agit d’un prêtre, l'évêque du diocèse dans lequel vit l'évêque sanctionné ou le supérieur majeur lorsqu’il s’agit d’un religieux." En France, la Conférence des évêques de France (CEF) est actuellement en train de repenser le celebret, que l’on surnomme volontiers la carte d’identité du prêtre. "L’idée serait d’intégrer au celebret les éventuelles sanctions dont la personne a fait l’objet", explique le doyen. Et permettre ainsi une plus grande vigilance et une meilleure transparence.