Comment Jean Paul Ier est devenu bienheureux

Le 28 septembre 1978, le pape Jean Paul Ier décédait dans la nuit, à la surprise générale. Près de 44 ans après sa mort et alors que trois papes ont pris sa suite sur le trône de Pierre, le pontife aux 33 jours de règne a été reconnu comme bienheureux par le pape François, le 4 septembre 2022.

Le cardinal Beniamino Stella qui a connu personnellement Jean Paul Ier, assure que la réputation de sainteté du Pape était "déjà présente de son vivant". Dès sa mort, souligne-t-il, "de nombreux fidèles" ont commencé à le prier et l’évêque de son diocèse d’origine, Belluno-Feltre, a reçu de nombreuses demandes d’introduction de sa cause.

La demande la plus inattendue date du 1er juin 1990, quand l’ensemble de la Conférence épiscopale du Brésil envoie une lettre officielle au pape Jean Paul II en lui demandant d’entamer le processus. Les évêques sud-américains rendent hommage dans leur courrier à l’« apôtre du Concile" et à la "synthèse typique de l’homme de Dieu" qu’a été selon eux le 263e pape.

Cependant, la cause prendra plus de temps que prévu, l’évêque de Belluno de l’époque jugeant que que celle-ci était prématurée et qu’elle devrait patienter, d’autres causes concernant d’autres papes (notamment Pie IX, Jean XXIII et Paul VI) étant déjà en cours, rappelle Beniamino Stella.

Finalement, en 2002, un nouvel évêque de Belluno, Mgr Savio, obtient l’autorisation de Rome à la veille du 25e anniversaire de la mort de Jean Paul Ier dans le cadre d’un synode diocésain. Exceptionnellement, le dicastère pour les Causes des saints autorise l’évêque à porter la cause dans la ville de naissance de Jean Paul Ier, alors que la tradition veut qu’elle le soit dans la ville de décès.

"Luciani avait vécu toute sa vie – à l’exception […] de son pontificat – dans la région de la Vénétie", explique le cardinal Stella. L’enquête débute donc dans le diocèse des Dolomites le 22 novembre 2003, et dure jusqu’en 2006. 167 témoins sont interrogés et les archives du patriarcat de Venise sont ouvertes pour l’occasion.

Deux dépositions sont particulièrement significatives dans l’épais dossier constitué à cette occasion : celle du pape émérite Benoît XVI, qui a connu personnellement le pontife, ayant participé à son élection et qui devient le premier Pape - certes non régnant, un Pape régnant ne pouvant pas témoigner dans une procédure de béatification - à témoigner en personne sur un autre Pape ; et celle de sœur Margherita Marin, qui a vécu à proximité de Jean Paul Ier pendant un mois, s’occupant avec trois autres sœurs de l’appartement papal.

La Positio, longue de 3.500 pages, est achevée le 17 octobre 2016 et déposée auprès du dicastère pour les Causes des saints. Un an plus tard, le 8 novembre 2017, le pape François autorise la publication du décret reconnaissant les vertus héroïques de Jean Paul Ier, qui devient dès lors "vénérable".

Quelques semaines à peine plus tard, une enquête est ouverte concernant un supposé miracle survenu en 2011 en Argentine. Une jeune fille, Candela, souffrait d’une grave d'épilepsie réfractaire et d'un choc septique, et les docteurs étaient très sceptiques sur sa capacité à surmonter cette épreuve. Le père José Dabusti, son curé, avait été appelé par sa mère à son chevet et avait décidé spontanément de demander à Jean Paul Ier la guérison de la jeune fille.

La guérison survient dès le lendemain : elle est jugée par les enquêteurs du Vatican miraculeuse après de nombreuses expertises médicales. En conséquence, le pape François accepte de signer le décret qui reconnaît le caractère miraculeux de la guérison et ouvre, en octobre 2021, la porte à une béatification.

La béatification qui a été célébrée par le pape François en personne a eu lieu sur la place Saint-Pierre. Un fait relativement rare, le pape François ayant l’habitude de déléguer cette tâche à des cardinaux dans le cas des béatifications, mais qui s’explique par le statut pontifical d’Albino Luciani. Il avait de même célébré la béatification de Paul VI le 19 octobre 2014.