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"L’enfant qui est en lui, l’enfant qui a des désirs, l’enfant qui pleure, il faut lui donner le droit d’existence." Ainsi parle le père Robert Scholtus, prêtre du diocèse de Metz, ancien supérieur du séminaire des Carmes à Paris, à propos du prêtre d’aujourd’hui. Ce prêtre, dont la voix profonde aux accents très humains laisse entendre qu’il a tant vécu, ressenti, lu, compris, partagé, livrait ces paroles venues tout droit de son cœur lors d’un entretien récent d’une exceptionnelle justesse, lucidité et profondeur (KTOTV, 22/05/2022). Le prêtre avec qui nous faisons Église dans l’unité du corps du Christ (Aleteia, 1/04/2022), qui vit au milieu de nous (Aleteia, 6/05/2022), est une personne singulière dont l’être ne se dissout pas dans l’agenda paroissial, ne se dissout pas dans l’extension semble-t-il illimitée du domaine pastoral. Extension géographique qui fait de lui un "prêtre nomade manageur et organisateur" d’ensembles paroissiaux toujours plus grands, mais également, extension de la nature et de la diversité des tâches qui lui incombent, par la force des choses, parce qu’il n’y a personne d’autre que lui pour les faire, et qu’il veut à tout prix continuer de faire vivre l’Église sur le territoire où il a charge d’âmes.
Inventer d’autres manières d’aider
Charge d’âmes. Pas charge de la plomberie du presbytère ou de l’électricité de la maison paroissiale. Pas charge de nettoyage de la sacristie, pas charge du gardiennage et de la sécurité de son église. "Il faut que le prêtre puisse être ce qu’il est", dit le père Scholtus. Depuis que nous avons constaté cette situation, il y a déjà un certain temps, qu’avons-nous fait, dans nos organisations paroissiales, pour permettre à notre curé d’être ce qu’il est ? De se consacrer avec disponibilité, joie et fruit à la vie sacramentelle, à l’accompagnement pastoral et spirituel de ses fidèles ? Et de s’y consacrer avec ce qu’il est, avec "son expérience personnelle, sa subjectivité, ses goûts, ses passions". C’est-à-dire en lui donnant le temps de les faire vivre et en lui permettant de les exprimer. Ce qui nécessite de lui laisser une certaine disponibilité mentale, et d’alléger sa charge mentale par ailleurs.
Nous avons tout à gagner à mettre ce souci de la protection absolue du prêtre dans son être, en priorité dans la réorganisation post-synodale de nos fonctionnements paroissiaux. Nous avons beaucoup à perdre, au prix de beaucoup de souffrance, à continuer de laisser faire sans voir le réel et sans agir. Mais si les prêtres sont de moins en nombreux dans bon nombre de nos diocèses, les fidèles prêts à s’engager dans l’organisation matérielle de manière fiable dans le temps le sont aussi. Les retraités sur qui on aimerait pouvoir toujours compter ont des vies déjà très remplies. Alors, le moment est peut-être venu d’inventer d’autres manières de fonctionner, de sortir des cadres.
Passer du temps sur les questions matérielles
Les assemblées qui vont se tenir au moment de la réorganisation des ensembles paroissiaux auraient tout intérêt à passer du temps sur les questions matérielles. On peut imaginer créer des pools de secrétaires, de cuisiniers ou cuisinières, d’agents techniques, tous formés et compétents qui seraient ventilés dans les paroisses selon les besoins. On peut aussi imaginer employer de jeunes retraités, étudiants ou intérimaires à l’heure, comme emploi d’appoint. Je me souviens avoir assisté à un "samedi travaux", rendez-vous mensuel d’une dizaine d’hommes venant avec leur savoir-faire professionnel et leurs outils faire ce qu’il y avait à faire, avant de fêter leurs exploits autour d’une grande table dans la plus grande convivialité. Ce ne sont que des propositions qui s’appliqueront avec plus ou moins de pertinence selon les environnements urbain ou rural. Mais les équipes pastorales ont sans doute un rôle plus créatif et actif que jamais à assumer.
Que l’Esprit saint nous éclaire et dispose notre cœur, notre intelligence et tout notre être pour discerner ce que nous avons à faire afin de permettre aux actuels et futurs prêtres d’ "habiter qui ils sont" et "de se laisser habiter par la Parole qu’ils ont charge d’annoncer". Que nous sachions regarder avec une attention bienveillante notre curé, et écouter "l’enfant qui est en lui, l’enfant qui a des désirs, l’enfant qui pleure". Et de là, de ce qu’il a à donner, à offrir de lui-même dans la singularité de son être, coulera une sève vivifiante qui irriguera toutes les ramifications de la vie ecclésiale.