En ce dimanche de la divine Miséricorde, institué par saint Jean Paul II, c’est la figure de saint Thomas qui est mise en valeur, en lumière, et qui nous est donnée en exemple. "Saint Thomas, un exemple ? Drôle d’idée !" pensez-vous peut-être spontanément. Comme tous les autres apôtres, Thomas a fichu le camp pendant la Passion de Jésus, se terrant dans son coin ; tellement bien planqué qu’il n’était pas avec ses amis le dimanche de Pâques, le dimanche de la Résurrection ! En effet, il n’est pas là quand le Christ S’est manifesté aux Siens le soir de Pâques. Où était-il ? Caché dans une cave ou un grenier, mort de trouille, tressaillant à chaque bruit ? Peut-être même en dehors de Jérusalem, comme les disciples d’Emmaüs qui avaient mis les voiles ? L’histoire ne le dit pas… Nous pourrons lui poser la question quand nous le rencontrerons au Ciel.
Mais allons plus loin : non seulement, Thomas a joué sa partition en solo, se désolidarisant du collège des apôtres, mais, à son retour, loin de manifester un quelconque regret, Monsieur joue les fortes têtes ! Les apôtres ont beau lui décrire avec force détails la venue de Jésus vivant au milieu du cénacle, lui transmettre Ses paroles, l’exhorter à croire l’incroyable, non, définitivement, M. Thomas s’y refuse et le fait savoir haut et fort : "Sornettes, fariboles, balivernes que tout cela ! Les gars, je vous aime bien mais vous dites n’importe quoi : la douleur vous égare…" Et devant leur insistance, leur persistance, il lance ce défi, cette mise à l’épreuve : "Si je ne vois pas, si je ne touche pas, désolé, mais ce sera sans moi…"
Combien de véritables chrétiens ?
Amis chrétiens, ne jugeons pas trop vite et faisons preuve d’un peu de miséricorde ! Pour nous, c’est facile : nous connaissons la fin de l’histoire… Et, reconnaissons-le, nous avons souvent la dent dure contre les apôtres qui, régulièrement, font montre de leurs faiblesses. Avant de jeter la pierre à ce pauvre Thomas, regardons autour de nous mais aussi, dans un deuxième temps — je vous préviens tout de suite : cela est plus difficile — regardons notre propre vie ! Autour de nous : nos familles, nos amis, nos proches.
Combien sont réellement chrétiens, c’est-à-dire disciples du Christ ? Combien croient à la Résurrection du Seigneur Jésus ? Et combien en vivent ? Après des siècles de foi évidente, aujourd’hui, beaucoup de nos contemporains — y compris dans nos propres familles, y compris chez nos amis proches — ne pratiquent plus, ont laissé tomber la messe dominicale et la prière personnelle. Le Christ n’a plus de place dans leur vie. Ils n’y croient plus... Certes, ils peuvent être touchés par telle ou telle personnalité marquante de l’Église mais de là à adhérer au message du Christ… Oh ! le bon grain n’est peut-être pas encore complètement desséché ou étouffé car il reste souvent une vraie bonne volonté, un désir de choisir le bien chez eux ! Peut-être qu’un signe évident pourrait les retourner, les convaincre. Mais il est rare que le Seigneur agisse de cette façon-là : "Heureux ceux qui croient sans avoir vu…"
Thomas, notre jumeau
Et nous dans tout ça ? Nous, nous y croyons ! Et même plus, nous croyons "sans avoir vu" ! Respect, n’est-ce pas, bravo ! Mais, dans les faits, est-ce si sûr que cela ? La joie des apôtres, Thomas refuse de la partager. Dommage pour lui, mais, finalement, n’avons-nous pas la même attitude certains dimanches matin — et peut-être même aujourd’hui… — quand nous n’avons pas tellement envie de venir à la messe, quand nous traînons les pieds à venir à l’église pour rejoindre notre groupe prière, quand le topo mensuel proposé par la paroisse nous ennuie ?
L’évangéliste saint Jean nous précise que le nom de Thomas signifie "jumeau" en araméen. [...] Ce jumeau inconnu, c’est peut-être vous et moi.
L’évangéliste saint Jean nous précise que le nom de Thomas signifie "jumeau" en araméen. Jumeau de qui ? L’Écriture sainte ne nous le dit pas. Et c’est peut-être fait exprès. Ce jumeau inconnu, c’est peut-être vous et moi. Ce jumeau, c’est peut-être nous… Nous, quand nous avons du mal à croire. Nous, quand nous n’avons pas envie de vivre en croyants. Nous, quand nous reléguons Jésus à la dernière place. Mais, disons-le également, nous sommes aussi ses jumeaux quand nous nous agenouillons à la consécration ou pour la communion, quand nous tombons à genoux devant l’ostensoir à l’adoration en murmurant de tout notre cœur "Mon Seigneur et mon Dieu !" Thomas nous ressemble dans ces difficultés et son enthousiasme, dans sa raideur et dans sa ferveur. Ou plutôt, c’est nous qui lui ressemblons, n’est-ce pas ?
Dans nos petits coups de mou…
Un dernier mot pour que, définitivement, nous ne soyons pas trop durs avec Thomas le sceptique. Savez-vous ce qui lui est arrivé par la suite ? Comme les autres apôtres, il a reçu le Saint-Esprit au jour de la Pentecôte et notre "dur à croire" est devenu un missionnaire ardent : c’est lui qui a porté la Bonne Nouvelle du Christ ressuscité en Syrie, en Mésopotamie, en Perse. Puis ce fut les Indes pendant vingt ans, de 52 à 72, où il donna sa vie comme martyr. Pas mal pour un mécréant, un mal-croyant, non ? Dans nos petits coups de mou, demandons-Lui un petit coup de pouce depuis Là-Haut où il contemple, exultant de joie, son Seigneur et son Dieu.