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"Quel est parmi vous le père qui donnera une pierre à son fils, s'il lui demande du pain ? Ou, s'il demande un poisson, lui donnera-t-il un serpent au lieu d'un poisson ?" (Lc 11,11). Et si c’était cela, la Pâque, le Passage : assurer à chacun ce pain réclamé, ce poisson espéré ? Non pas simplement sur le plan matériel, même si on ne peut s’en émanciper trop vite, tant les cris de ceux qui souffrent se font puissants aujourd’hui. Mais sur un plan plus intime : qui nous assurera contre le pain qui rassit au lieu de nous nourrir, et se transforme en pierre ? qui nous procurera le poisson dont le fiel nous ouvrira les yeux plutôt que le doute instillé par le serpent siffleur ?
Une flamme même ténue…
"Il suffira d’une étincelle" rugissait le chanteur : oui il suffit d’une étincelle pour que l’ordre des choses bascule. Nous le constatons sur le plan politique, nous l’éprouvons sur le plan sanitaire et économique. Et nous prenons toutes les mesures pour établir des coupe-feux partout où nous l’estimons nécessaire : "Que rien ne s’embrase, surtout pas !" Telle est la prière de ceux qui ne croient pas ou qui redoutent de croire. Mais qu’une lumière s’annonce, à son premier éclat, tout est transformé. Là où il n’y a que silence, une note même infime augure la symphonie. Là où il n’y a que la nuit, une flamme même ténue informe d’un grand jour. Là où il n’y a que l’absence, la trace à peine visible convainc d’une présence. Qu’il y ait, sur l’autre rive, une silhouette, même impossible à identifier, confirme la possibilité du passage.
Jésus n’est pas simplement le bon boulanger ou le pêcheur habile. Il sait renouveler la fraîcheur de la pâte pétrie. Il sait où trouver le remède qui nous rend à la vie.
Quel est l’homme qui ne cherche un pain tendre et croustillant ? un remède efficace pour tous ses maux et ses angoisses ? Qui nous donnera d’y voir clair et d’être rasséréné dans nos vies tumultueuses, sinon celui qui se présente à ses disciples autour d’un feu où grille des poissons, au milieu d’une foule qu’il nourrit à satiété ? Ce Jeudi saint, l’un des neuf catéchumènes de la paroisse vint me dire : "Vivement samedi soir que nous puissions nous aussi nous nourrir !" Il n’y a pas de profession de foi plus grande que celle-ci puisqu’elle reconnait, et le manque, et l’auteur qui peut seul le combler.
La mise à plat des coupe-feux
Nous savons bien qu’ils sont foule, les bonimenteurs autour de nous qui ne peuvent empêcher leurs pains de sécher. Nous savons d’expérience que si le fiel n’en est pas vite retiré le poisson pourrira (et souvent par la tête). Jésus n’est pas simplement le bon boulanger ou le pêcheur habile. Il sait renouveler la fraîcheur de la pâte pétrie. Il sait où trouver le remède qui nous rend à la vie.
En nous l’annonçant, en ouvrant nos cœurs à la foi, il nous rend capable d’agir ainsi nous aussi. Il nous fait porter cette étincelle qui garantit à jamais l’impossibilité pour les ténèbres à engloutir le monde. Il nous enseigne le murmure qui suffit à briser le silence de la mort. Il fait de nos vies, si modestes et si peu glorieuses, le témoignage d’un pardon infini. Pâques, c’est la mise à plat des coupe-feux, l’appel à les abattre tous en nous-mêmes d’abord. Afin que rien ne vienne tenter de circonscrire l’ardeur de l’Amour dont Dieu nous appelle à embraser le monde !