À plusieurs centaines de kilomètres de là où il se trouve, son épouse, Snizhana, dort paisiblement sans savoir que sa ville natale est sous les bombes. "Mon père m’avait appelée à 5h59 du matin. J’étais très fatiguée, je me suis dit que j’allais lui répondre plus tard. Et quand je me suis réveillée une heure après, j’ai vu des dizaines d’appels de ma famille et surtout le message de mon mari : ‘’Mon Dieu, je n’arrive pas à croire ce qui se passe’’", confie la jeune femme. "Depuis, nous avons l’impression de vivre un enfer !", glisse Anton.
Si différents et proches en même temps
Leur histoire d’amour commence en 2012, en Grèce. Les deux jeunes gens y étaient partis étudier le grec durant leurs vacances d’été. Rapidement, leur relation évolue et ils la vivent d’abord à distance. Anton habite en France, où il étudie à l'Institut de théologie orthodoxe Saint-Serge, à Paris. Snizhana termine ses études en droit à Kiev. Lorsqu’un conflit éclate en 2014 entre la Russie et l’Ukraine, le couple aborde le sujet d’une potentielle guerre entre les deux pays, leurs deux pays. "Nous avions une vision similaire sur ce conflit. Je ne pense pas que nous serions ensemble à l’heure actuelle si à l’époque nous avions des avis très différents sur le sujet. Et puis, j’ai toujours vu Anton comme un Bélarusse et non comme un Russe, même s’il a le passeport de ce pays", explique à Aleteia Snizhana.
Jamais je n’aurais cru qu’un jour des missiles seraient lancés de la banlieue de ma ville natale en Bélarus sur Kiev.
"Quand en 2014, je suis venu rendre visite à Snizhana à Kiev, j’ai assisté à Maïdan. Je parlais le russe à Kiev, sans que personne me dise quoi que ce soit à ce sujet. Je regardais aussi mes émissions russes à la télé. C’est à ce moment-là, que j’ai commencé à me rendre compte que ce que je voyais à Kiev et ce que je voyais dans les médias russes étaient totalement différent. J’ai alors commencé à me poser des questions", précise Anton. Mais le couple, marié depuis 2016 et vivant actuellement à Paris, était loin d’imaginer que huit ans plus tard, une guerre sanglante éclatera entre les deux pays.
"J’ai tout de suite ressenti une honte pour ce qui se passe", confie Anton. "J’ai grandi en Bélarus et j’ai toujours vu l’Ukraine et la Russie comme des voisins, des voisins proches mais un peu différents de moi. Jamais je n’aurais cru qu’un jour des missiles seraient lancés de la banlieue de ma ville natale en Bélarus sur Kiev".
Ardent désir d'aider
Aujourd’hui, le couple se dit plus soudé que jamais et s’inquiète pour ses proches en Ukraine mais également en Russie. "Mon papa n’a pas voulu quitter Kiev, même s’il est en âge de le faire. Il veut se battre pour la patrie. Ma maman est à Lviv avec ma grand-mère. Elle non plus n’entend pas quitter l’Ukraine", raconte à Aleteia Snizhana.
Quant à Anton, qui a peur pour sa belle-famille, il se fait également du souci pour ses parents qui habitent à Tver et subissent déjà des sanctions internationales prises à l’encontre de la Russie : "Je ne sais pas quoi faire ni comment les aider. Ils ne pensent pas quitter le pays car c’est leur maison. J’ai vraiment peur pour eux". Malgré ça, il se dit "pour les sanctions". "Je pense, peut-être naïvement, que c’est l’une des choses qui peut aider à faire reculer Vladimir Poutine. Il faut bien comprendre que tout le problème réside en lui. Il ne représente pas toute la Russie. Aujourd’hui, le peuple ukrainien se bat entre autres aussi pour la future liberté de la Russie", note Anton.
"Une page de l’histoire qui restera à jamais gravée dans les mémoires"
Il y a encore deux semaines, Anton et Snizhana planifiaient leur déménagement et les travaux dans leur nouvel appartement. Aujourd’hui, alors qu’ils voient comment les gens souffrent sous les bombes, ces questions quotidiennes leur paraissent très futiles. Même s’ils participent activement aux différentes collectes pour l’Ukraine et prient le Seigneur pour la fin de la guerre, cela leur paraît "insuffisant". "Nous avons envie de faire plus, de partir là-bas et aider la population", affirment-ils.
Si à la maison, ils continuent à parler chacun leur langue respective, Snizhana s’adresse à Anton en ukrainien et Anton lui répond en russe, les deux savent qu’une fois la guerre terminée il faudra beaucoup de temps aux deux peuples pour reconstruire une nouvelle relation. "Ce qui est sûr c’est que cette page de l’histoire restera à jamais gravée dans les mémoires", conclut Snizhana.