En 2015 le Saint-Père avait appelé chaque paroisse d’Europe à accueillir une famille de réfugiés. Notre paroisse l’a fait comme tant d’autres, en plus des SDF que nous hébergeons régulièrement et que nous tentons de réinsérer, l’un après l’autre, année après année, avec un revenu décent, un logement décent et un entourage structurant. Aujourd’hui, des flots de réfugiés ukrainiens sont annoncés en France, chiffre loin derrière la Pologne qui partage une frontière commune avec l’Ukraine, mais jusqu’à 100.000 tout de même pour notre pays. Peu importe la nationalité, la race, la religion ou la couleur de peau, cette guerre plus proche de nous pose encore des visages à ce terme de "réfugié". Certains ont l’indécence de juger l’opportunité de l’accueil, le degré d’urgence ou la validité de la détresse des réfugiés avec un pantone collé sur leur peau. C’était bien la peine que le Christ livre sa vie "pour nous et pour la multitude" pour que 2000 ans plus tard, certains chrétiens fassent le tri comme dans un marché aux esclaves. Une petite blonde à nattes avec une croix autour du cou suscite plus d’émotion qu’un petit noir circoncis mort noyé en méditerranée. Dont acte : il y aura un jugement dernier et c’est très reposant de le savoir.
Nous qui sommes riches
Là encore, nos paroisses sont convoquées pour vivre véritablement l’accueil de l’étranger, de celui qui fuit la guerre, de familles séparées avec des femmes et des enfants dont les époux sont au front, ou morts ou disparus. Lequel, quelques secondes, devant sa télévision, ne s’est pas posé cette question : Que ferais-je si cela arrivait aux portes de ma ville ? Quelques réponses nous traversent : des amis, une maison de campagne, un pays étranger. Nous qui sommes riches, dont le pays est doté de la puissance nucléaire qui fera réfléchir le premier qui nous chatouille, nous sommes bien au chaud chez nous devant nos écrans plats en train de nous plaindre du prix de l’essence et de la retraite à 65 ans.
Serons-nous au rendez-vous de cette charité, comme institution ou avec les paroissiens fidèles qui composent nos paroisses ?
Nous, prêtres, nous resterions dans nos paroisses car c’est cela aussi le célibat sacerdotal : la possibilité de rester avec ceux qui souffrent parce qu’aucune attache autre que le peuple de Dieu ne nous retient ou ne nous pousse à partir. L’urgence aujourd’hui n’est pas de rester mais d’accueillir et nous devons mettre en œuvre cette solidarité. Il y a 12.000 paroisses en France : serons-nous au rendez-vous de cette charité, comme institution ou avec les paroissiens fidèles qui composent nos paroisses ?
Une liberté d’engagement
Là encore certains disent que c’est à l’État de prendre en charge, que cela ne nous regarde par ou que ce n’est pas notre guerre. Non, ce n’est pas notre guerre en effet, mais c’est notre humanité. Oui, l’État doit s’organiser, mais les mêmes qui se plaignent que cet État devient de plus en plus centralisé, confisque les corps intermédiaires, n’applique aucune subsidiarité et nous prive de libertés fondamentales à la moindre occasion se tournent vers lui dès qu’un problème se présente. La liberté n’est que liberté d’engagement, sinon elle n’est que licence et caprice.
Il y a une urgence de cohérence évangélique dans nos actes et nos discours, face à un drame qui se déroule sous nos yeux.
Croyons-nous que notre Église sera audible sur la défense de la vie à naître, sur le respect de la fin de vie, sur la non-marchandisation du corps humain avec 60% des Français favorable à la GPA si nous ne sommes pas au rendez-vous de la détresse humaine lorsqu’elle se présente à notre porte ? Il y a une urgence de cohérence évangélique dans nos actes et nos discours, face à un drame qui se déroule sous nos yeux. Nous envoyons des tonnes de matériel en Ukraine et en Pologne, et c’est certainement nécessaire, mais serons-nous capables d’accueillir des personnes ?
Dans ma paroisse, je nous invite en conseil pastoral, en EAP, en chapitre ou en réunion synodale à nous saisir de la question et à nous montrer dignes d’un carême de partage.