Fait rare pour une personnalité politique, François-Xavier Bellamy, philosophe catholique français et député européen (PPE), a eu droit à un long entretien dans les colonnes de L’Osservatore Romano, le journal officiel du Saint-Siège, vendredi 14 janvier. Interrogé sur son essai Demeure, il a aussi évoqué son expérience de parlementaire et la question du transhumanisme. "Ce qui me frappe au Parlement européen […] c’est précisément ceci : il n’y a pas de débat sur la finalité", a déclaré l’ancienne tête de liste des Républicains pour les élections européennes. Déplorant que la seule préoccupation de la politique soit devenue de "gérer ce qui est décrit comme inéluctable", il analyse deux principaux problèmes. "D’abord, c’est le signe d’une fragilisation de nos sociétés - nous pensons que l’avenir est écrit et qu’il faut nous y adapter, qu’il faut avancer parce que le monde avance, qu’il faut se mettre au rythme qu’il nous impose", souligne-t-il.
La question que nous devrions nous poser n’est pas de savoir si nous devons avancer ou non, mais vers où aller, quel est notre but.
Le deuxième problème qu’il observe est que "s’il n’y a pas d’alternative, il n'y a plus de vrai dialogue possible". "On ne devrait pas défendre une réforme parce qu’elle s’impose, mais on devrait défendre une réforme parce qu'elle est juste, parce qu'elle est bonne, parce qu'elle sert une idée de l'homme, de son bonheur, de son bien", reprend François-Xavier Bellamy. "Or ce type de conversation n’a plus lieu d'être aujourd’hui. La question que nous devrions nous poser n’est pas de savoir si nous devons avancer ou non, mais vers où aller, quel est notre but. La politique commence là."
S’exprimant ensuite sur la situation sanitaire, l’eurodéputé est longuement revenu sur le terme de résilience qui semble n’avoir jamais été aussi présent dans nos sociétés. "Quand un mot devient omniprésent dans le vocabulaire c’est qu’il est le symptôme d’un manque : on n'a jamais autant parlé de résilience parce que sans doute on n'a jamais eu aussi peu de résilience", détaille-t-il. "La résilience est si faible que nous éprouvons tous une sorte de panique face au risque de mort". Une situation extrême qui, selon lui, vient mettre en danger l’idéal de liberté qui doit animer l’homme. Il affirme trouver une résonance profonde de cette réalité dans la formule du Christ dans les Évangiles : “Celui qui veut sauver sa vie la perdra”. "Il est incontestable que la vie humaine a une valeur absolue ; elle fait partie des finalités que nous devons servir, et c'est l’honneur d’une société que de tout faire pour la préserver. Mais il reste quand même un problème posé à notre résilience, justement : dans quelle mesure la liberté est-elle restée pour nous une fin, un bien non négociable ?", s’interroge-t-il.
La technologie remplace constamment ses propres produits et crée ainsi une insatisfaction structurelle ; il en sera de même pour l’humain.
Le philosophe français a enfin décrypté le phénomène du transhumanisme, moment dans l’histoire où "le désir de tout transformer atteint aujourd’hui sa limite ultime : l’homme lui-même". "La technologie remplace constamment ses propres produits et crée ainsi une insatisfaction structurelle ; il en sera de même pour l’humain", illustre-t-il. "Nous n’en aurons jamais assez, nous ne serons jamais comblés, et nous ne serons plus capables d’habiter l’expérience qui nous a été donnée." Selon lui, la grande question politique des décennies à venir n’est rien d’autre que la plus grande question spirituelle que l’homme ait eue à résoudre : "Acceptons-nous que quelque chose nous précède, où voulons-nous être les auteurs de tout ce qui est ? Voulons-nous imposer à la réalité notre volonté de puissance, et tenter toujours de tout transformer par une frustration continuelle qui ne sera jamais comblée ; ou accepterons-nous de recevoir d’une source qui nous précède ce qui vaut d’être transmis, ce qui mérite de demeurer, et qui appelle notre émerveillement ?