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Euthanasie : qui sommes-nous pour légiférer sur ce sujet ?

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Jean-Frédéric Poisson - publié le 18/11/21
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Une requête devant le Conseil d’État visant à autoriser la prescription de certains produits euthanasiants, relance la pression sur le législateur pour légaliser l’euthanasie. Pour Jean-Frédéric Poisson, président de VIA-La voie du peuple, qui explique le vrai sens du « mourir dans la dignité », le législateur ne peut prétendre légiférer sur la vie et la mort de ses semblables.

Le décès de Jean-Paul Belmondo a été l’occasion pour beaucoup de se replonger dans sa fourmillante filmographie. Dans celle-ci, l’on citera Les Tribulations d’un Chinois en Chine, qui met en scène Monsieur Lempereur, milliardaire blasé qui souhaite se suicider. Il confie à son fondé de pouvoir la tâche d’engager des tueurs pour l’assassiner afin d’en finir une fois pour toutes. Cependant, séduit par une ethnologue dans un cabaret de Hong Kong, il reprend goût à la vie et se retrouve à devoir gérer les conséquences de sa décision suicidaire. Au-delà du film en lui-même, cette histoire nous rappelle à deux réalités basiques : tant qu'un être humain respire, il peut changer d'avis ; la mort, elle, est définitive.

La prudence voudrait donc que l'on s'abstienne

Le débat qui anime notre société sur le fameux « droit à mourir dans la dignité » fait écho à cette réalité : on voudrait confier à un bout de papier griffonné à un instant T de notre vie ou à une tierce-personne, le pouvoir de décider de notre sort définitif ici-bas. C’est compter sans les appétits humains des proches qui peuvent brouiller leurs décisions. C'est compter sans les aléas de la vie qui peuvent nous faire dire tantôt blanc, tantôt noir. C'est compter sans la douleur qui peut pousser à abandonner ses certitudes un jour, pour retrouver de l'espoir le lendemain. Le handicap, la blessure ou la maladie peuvent conduire un individu conscient à préférer la mort plutôt que la souffrance, c’est souvent un état ponctuel de faiblesse psychologique.

Médicalement, peut-on lui laisser le soin de décider de sa mort ? À cet égard, les avancées médicales en matière de soins palliatifs permettent de traiter de nombreux cas afin de réduire la souffrance au maximum. La prudence voudrait donc que l'on s'abstienne de légiférer sur ce dossier qui touche à la vie, quand bien même les lobbies progressistes feraient pression, quand bien même les tenants de la décroissance démographique manifesteraient pour cette décarbonisation brutale afin de « sauver la planète », quand bien même les gouvernements se frotteraient les mains en imaginant avoir résolu le problème du financement des retraites. L'Humain dépasse de loin toutes ces considérations sordides.

Mourir euthanasié, ce n’est pas digne

Le sujet revient pourtant dans le débat en France, propulsé par les idéologues progressistes qui ne souffrent pas que l'on s'oppose au « sens de l'Histoire ». Il continuera à être inlassablement proposé aux Français jusqu'à ce qu'ils capitulent de guerre lasse après des années de propagande, comme cela a été le cas pour l'avortement, la PMA et bientôt peut-être la GPA. Cette fois-ci, c'est l’association suisse Dignitas, qui a déposé une requête devant le Conseil d’État pour permettre la prescription de certains produits, comme le pentobarbital aux personnes qui souhaitent mourir. Cette association prétend donc que « le droit à vivre dans la dignité implique nécessairement celui de mourir dans la dignité », sous entendant qu'il est indigne de vivre avec les ravages de l'âge ou de la maladie. 

La dignité ne se mesure pas à notre impotence, à notre handicap ou à notre âge. Elle est intrinsèque à chaque être humain.

A contrario, serait-ce mourir dans la dignité que de mourir euthanasié ? Nous avons, en fait, affaire à un abus de langage, car il ne s'agit pas ici de dignité : la dignité ne se mesure pas à notre impotence, à notre handicap ou à notre âge. Elle est intrinsèque à chaque être humain. Elle permet de donner un sens à la souffrance et d’adopter une attitude face à l'épreuve. Elle exige le soutien, l’accompagnement, le soulagement de la part de ceux qui entourent le patient. Mourir dans la dignité, dans notre conception européenne imprégnée de christianisme, consiste à voir dans sa propre vie autre chose qu'un processus scientifique auquel on peut mettre un terme sans sourciller, d'affronter la souffrance avec persévérance et, puisque nous n'aurons qu'une seule vie ici-bas, d'accepter jusqu'au bout le destin qui a été prévu pour nous. Elle s'oppose, en cela, à la conception asiatique influencée par l'idée de réincarnation, ou à la conception matérialiste qui ne voit dans l’être humain qu’un amas de cellules mues par des impulsions électriques.  

La voie de l’espérance

La vision européenne est une conception pleine d'espérance, parce que, par-delà la souffrance et les théories scientifiques qui ne sont pas infaillibles, l'individu garde toujours l'espoir de survivre : combien qui se croyaient condamnés par des maladies incurables ont miraculeusement survécu, parce que la science n'était pas capable de rendre compte de tout, ou alors parce que les personnes qui vivaient cette maladie avaient la rage de vivre ? Ces personnes auraient tout donné pour avoir l'opportunité de mourir par suicide assisté. Une fois sauvés pourtant, beaucoup ont témoigné de leur soulagement de ne pas avoir eu cette occasion. Qui peut juger qu'à l'instant d'accomplir le geste définitif, la personne est encore persuadée de vouloir mourir ou ne changera pas d'avis quelques temps après ? Peut-on en juger à sa place ? Non, il y a là un cap impossible à franchir pour un législateur sain d'esprit, car la décision de mettre fin à la vie d'un patient qui n’a plus la capacité d'exprimer sa volonté relève plus de la roulette russe que de l'humanité. Nous ne sommes pas des dieux pour prétendre légiférer sur la vie et la mort de nos anciens ou de nos malades. Et si nous nous méprenons sur leur souhait, pourrons-vous leur rendre la vie que nous leurs aurons prise ?

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