Il y a quarante jours, le 14 septembre, nous fêtions la Croix glorieuse. Nous étions quarante jours après la fête de la Transfiguration où le Christ avait manifesté sa Gloire, et nous voici à présent à la sortie de Jéricho, à la fin de la montée de Jésus vers Jérusalem, appelés comme Bartimée à ouvrir les yeux. Le basculement s’est fait avec la profession de foi de Pierre à Césarée de Philippe : "Pour vous, qui suis-je ?" Pierre, prenant la parole, lui dit : "Tu es le Christ" (Mc 8, 29).
Six jours après, Jésus est transfiguré devant eux, sur une haute montagne que nous disons être le Mont Thabor mais qui est plus vraisemblablement l’Hermon, au-dessus de Césarée de Philippe, et qui culmine à 2.800 mètres et non à 600 mètres comme le Thabor. En situant la Transfiguration au Mont Thabor, près de Nazareth, la Tradition entendait donner la priorité à l’Incarnation, plus qu’à la Rédemption. Peu importe, comme dit le Psaume : "Seigneur, Dieu de l'univers, qui est comme toi ? Le Thabor et l'Hermon, à ton nom, crient de joie" (Ps 88, 13).
La vérité et la charité
L’Hermon est la montagne du retour de l’Exil, ou de l’Exode. Et même si Jésus et ses disciples sont revenus en Galilée (Mc 9, 30), "partant de là, ils viennent dans le territoire de la Judée et au-delà du Jourdain" (l’actuelle Jordanie), avant de monter à Jérusalem (Mc 10, 32). Et ils passent naturellement par Jéricho. Jéricho est une ville à forte valeur symbolique, la ville la plus vieille du monde, la plus "basse"» aussi, à 300 mètres sous le niveau de la mer, symbole d’enfermement ou de délivrance, comme le rappelle la Lettre aux Hébreux : "Grâce à la foi, les remparts de Jéricho tombèrent après qu’on en eut fait le tour pendant sept jours" (He 11, 30).
Dans l’Église, nous avons manqué et nous manquons de courage, à tous les étages, à cause d’une idée fausse de l’unité. D’une peur de ce qui divise.
Et pourtant du passage de Jésus à Jéricho, nous ne saurons rien. L’Évangile dit que "Jésus et ses disciples arrivent à Jéricho" (Mc 10, 46a). Et la suite immédiate nous amène à Bartimée, "tandis que Jésus sortait de Jéricho avec ses disciples et une foule nombreuse" (Mc 10, 46b). Cette foule nombreuse a été attirée comme à chaque fois par sa prédication et ses guérisons. Les deux : sa prédication et ses guérisons. Comme les deux commandements de l’amour, comme la vérité et la charité : la prédication et les guérisons. Cette prédication est itinérante, en chemin, et c’est pourquoi on cherche à faire taire Bartimée dont les cris empêchent d’entendre Jésus. Et les guérisons expliquent que l’ordre de Jésus : "Appelez-le" soit ainsi interprété et transmis si positivement : "Confiance, lève-toi ; il t’appelle."
Confiance et courage
Le terme traduit par "Confiance !" peut se traduire aussi par "Courage !". Courage ! Il vous arrive peut-être comme à moi de le dire dix fois par jour, en fin de conversation, au moment de se quitter, comme un bel… encouragement. En travaillant sur cette homélie, je me suis dit que j’allais essayer de le remplacer par Confiance ! Plutôt que de dire Courage ! dire Confiance ! Eh bien… cela ne marche pas. Ou cela ne marche qu’avec les personnes qu’on connaît, qu’on peut aider, qui peuvent compter sur nous. On peut dire Courage ! à un inconnu, bien plus que Confiance ! — Courage ! renvoie l’autre à lui-même : Courage, tu ne pourras compter que sur toi… Tandis que Confiance ! signifie : tu pourras compter sur moi ou sur d’autres, sur la Providence.
Essayez. Surtout si vous êtes fatigués d’entendre répéter : Courage ! dans un monde dont ce n’est pas la qualité première, qui préfère, au nom de l’unité, éviter tout ce qui peut contrarier, diviser ou exclure. Dans l’Église, nous avons manqué et nous manquons de courage, à tous les étages, à cause d’une idée fausse de l’unité. D’une peur de ce qui divise. Ne chasser personne. On a vu le résultat. L’unité ne peut se faire au détriment de la fidélité. Dehors les agresseurs !
La confiance est une aventure
Cela dit, la confiance ne vient pas du courage ; c’est l’inverse : le courage vient de la confiance. En particulier pour nous croyants. Puis-je vous rappeler à nouveau que tous les baptisés ont la foi : c’est le don du baptême. Que demandez-vous au Seigneur ? Le baptême. Que donne le baptême ? La foi. Et tous les baptisés ont reçu la force du Christ pour faire face aux épreuves comme aux tentations.
"Confiance, lève-toi ; il t’appelle." La confiance qui nous est faite donne la force de se lever quand nous sommes accablés, perdus, désorientés. Retrouvez au Livre des Juges l’histoire de Gédéon. "L’Ange du Seigneur lui apparut et lui dit : “Le Seigneur est avec toi, saint homme, vaillant guerrier !” — “Pardon mon Seigneur ! répond Gédéon : si le Seigneur est avec moi, d’où vient tout ce qu’il nous arrive ?” […] “Va, dit le Seigneur, va avec la force que j’ai mise en toi”" (Jg 6, 12-14) Le Seigneur n’explique pas : il s’engage. Que préférez-vous dans l’épreuve ? Une explication ou un soutien ? La confiance est une aventure : ose-la !
Les trois conditions de la confiance
Évidemment, il est facile de se moquer après coup — comme devant Jésus en Croix : "Il en a sauvé d’autres et il ne peut pas se sauver lui-même !" (Mc 15, 30). Tout croyant se verra moqué sur sa foi, et connaîtra trouble et combat : Pourquoi est-ce que cela m’arrive à moi ? Pourquoi Dieu permet-il cela ? Il y a trois réponses qui sont trois conditions de la confiance. La première est : Souviens-toi ! La première condition de la confiance est la mémoire. J’ai confiance en celui, celle ou ceux qui ont été là quand il le fallait, quand j’en avais besoin, qui ne m’ont pas menti. Confiance en Dieu qui ne ment pas. La deuxième raison est l’intelligence, pour savoir en quels domaines faire confiance : quelles sont les zones de confiance, les domaines de compétence. Bartimée ne demande ni argent, ni travail, ni une épouse ni des enfants, ni une maison, ni rien de ce qui fait notre vie. Il veut voir Dieu. La troisième condition est l’engagement de notre volonté. "Que veux-tu que je fasse pour toi ?" lui demande et nous demande Jésus. Aie confiance en moi comme j’ai confiance en toi : Dieu nous fait confiance. Même si nous ne le méritons pas.
Pour aujourd’hui, retenez ceci : le courage vient de la confiance. Aie confiance et prends courage.