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Une trentaine de journalistes, d’auteurs et d’artistes se sont mis au vert dans un cloître. C’était le week-end dernier à l’abbaye de Cîteaux en Bourgogne. Chapeau bas à ces professionnels de l’information et de l’édition pour leur prouesse ! Car c’en est une que de pouvoir décrocher du rythme frénétique imposé par la dictature tricéphale de l’immédiateté, de la simultanéité et de la rapidité qui régit la société de l’information. Oui, il faut du courage pour préférer l’asile provisoire d’un monastère à un écran lumineux en frémissement permanent.
En mode silence
Qu’ont fait ces retraitants de l’ère numérique pendant quarante-huit heures chez des moines ? Incorrigibles bavards professionnels, ils se sont mis en mode silence et ils ont dressé l’oreille. Ils ont écouté le trésor oublié qui les habite : leur intériorité, si souvent brusquée par leur style de vie essoufflant ; si souvent assourdie aussi par le ramdam extérieur et plus encore par leur barouf intérieur. En pratiquant les offices monastiques, ils ont senti la femme ou l’homme intérieurs redéployer en eux sa voilure. Ils ont enfin écouté deux témoins « aux semelles de vents », un moine cistercien et un jeune écrivain qui évoquaient « l’agilité du chamois » du psaume 17 (v 34) : leur liberté spirituelle faisait furieusement envie ; et elle tranchait singulièrement avec la morosité et le grégarisme ambiants.
Quelques jours après cette retraite, un hommage fut rendu en région parisienne au journaliste catholique José de Broucker, disparu le 4 octobre dernier, à l’âge de 92 ans. Ancien directeur de l’hebdomadaire La Vie et du Centre de formation des journalistes (CFJ) de Paris, il était aussi connu pour avoir été le découvreur de Dom Helder Camara et l’auteur de plusieurs livres sur l’archevêque de Recife. José de Broucker avait confié que sa foi et son rapport au monde avaient été « transfigurés » par le réalisme prophétique de ce mystique que l’Église songe à béatifier. Qu’est-ce que le réalisme prophétique ? C’est partir du réel, pour essayer de le transformer en mieux, en se transformant d’abord soi-même. Le réalisme prophétique n’est pas une zone interdite aux journalistes chrétiens.
Prophète du réel
Depuis la création de la Journée mondiale des communications sociales, les papes successifs ont invité les professionnels de l’information à ne pas mettre en sourdine la musique de l’Évangile dans leurs articles et leurs agissements. Le pape François les a récemment invités à écouter davantage. L’un de ses prédécesseurs connaissait bien les rouages et les mœurs journalistiques : Paul VI. Son père était un journaliste politique important, et lui-même dans sa jeunesse, avait été créateur de revue, chroniqueur et même éditeur.
Passionné par l’actualité, il fut un grand « papivore ». Francophone et francophile, il dévorait La Croix pendant le Concile. Il fut le premier pape à donner une interview à un journal. Les journalistes faisaient comme partie de sa famille. Quand il les rencontrait, il leur parlait en connaisseur de leur métier, mais aussi en « prophète du réel ».
L’intériorité libératrice
Recevant une de leur délégation en décembre 1965, Paul VI médita devant eux un verset de l’Évangile de Luc (21, 28) : « Lever la tête, regarder en haut. Voilà une invitation qui semble, à première vue, s’appliquer fort mal aux journalistes. Votre profession, en effet, vous oblige le plus souvent à observer les choses sous un angle terrestre et profane : autant dire à baisser la tête, pour la tenir au niveau de la scène où se déroulent les événements dont vous avez à rendre compte. Mais c’est là justement que se cache un danger insidieux, contre lequel il faut se prémunir. Ce contact immédiat et continu avec les réalités sensibles absorbe le journaliste, l’oblige à accumuler quantité de notations extérieures et banales, au détriment de sa vie intérieure, dont il risque de se vider progressivement s’il n’y prend pas garde. Il y a là pour lui un péril d’appauvrissement, de desséchement de la substance vive de son âme. Le remède ? Lever la tête vers le haut ! […] Pour cela, il faut savoir s’arracher au rythme trépidant de la vie quotidienne et s’accorder de longs moments d’intériorité libératrice. »
La révolution numérique qui continue à transformer radicalement les métiers de l’information, à matérialiser et à « virtualiser » les échanges humains, rend plus urgente encore, la nécessité pour les communicants chrétiens de s’accorder des « moments d’intériorité libératrice ». Et de lever plus souvent leur tête vers le haut.