Après l’accablant rapport sur les abus sexuels commis au sein de l’Église, publié mardi 5 octobre, le secret de la confession semble être dans le collimateur de l'opinion et des responsables politiques. Doit-il disparaître ? Évoluer ? Est-il contraire aux lois de la République ? "Le secret de la confession ne peut déroger à l’obligation, prévue par le code pénal et conforme, selon la commission, à l’obligation de droit divin naturel de la protection de la vie et de la dignité de la personne, de signaler aux autorités judiciaires et administratives les cas de violences sexuelles infligées à un mineur ou à une personne vulnérable", peut-on lire dans les recommandations formulées par la Commission indépendante sur les abus sexuels dans l’Église (Ciase).
"La confession doit rester secrète et le secret de la confession restera parce que cela ouvre un espace de parole libre qui se fait devant Dieu et, en ce sens-là, est plus fort que les lois de la République", a répondu Mgr Éric de Moulins-Beaufort, président de la Conférence des évêques de France (CEF), au micro de France info. Une déclaration qu’il a précisée dans la journée, certains l'accusant de tenir des propos relevant du séparatisme : "Prévoir une exception au secret serait contreproductif pour la protection des personnes victimes. Se confieraient-ils s’ils savaient que ce n’est pas un secret ? Ne leur enlevons pas ce lieu qui peut être une première étape dans la libération de la parole."
Invité, et non convoqué, par Gérald Darmanin, ministre de l'Intérieur, à s'expliquer sur ses propos, Mgr Éric de Moulins-Beaufort a répondu favorablement à sa demande de rendez-vous. Les deux hommes se rencontreront mardi 12 octobre en début d'après-midi. "Le secret de la confession a toujours été respecté par la République française", précisait la CEF dans un communiqué en fin de journée. "C’est l’honneur de la République française que de respecter ainsi la dignité de la conscience de chacun."
La loi française n’évoque pas précisément les ministres des cultes dans les fonctions protégées par le secret professionnel. Mais elle assimile le secret de la confession à un secret professionnel, au même titre que celui auquel sont tenus les médecins ou les avocats. "La révélation d’une information à caractère secret par une personne qui en est dépositaire soit par état ou par profession, soit en raison d’une fonction ou d’une mission temporaire, est punie d’un an d’emprisonnement et de 15.000 euros d’amende", indique ainsi le Code pénal (art 226-13).
Mais si pour ces derniers le secret professionnel n’est pas applicable dans certains cas de figure (art 226-14), la jurisprudence, notamment par des arrêts de la Cour de cassation de 1810 et 1891, le préserve pour les ministres des cultes. "Les ministres du culte sont tenus de garder le secret sur les révélations qui ont pu leur être faites à raison de leurs fonctions ; pour les prêtres catholiques, il n’y a pas lieu de distinguer s’ils ont eu connaissance des faits par la voie de la confession ou en dehors de ce sacrement", précise ainsi un arrêt de la Cour de cassation arrêt du 4 décembre 1891. Une circulaire du ministère de la Justice d’août 2004 vient d’ailleurs rappeler l’existence du secret professionnel pour les ministres des cultes, donc les prêtres.
"Le secret sacramentel est inviolable ; c’est pourquoi il est absolument interdit au confesseur de trahir en quoi que ce soit un pénitent, par des paroles ou d’une autre manière, et pour quelque cause que ce soit", indique le Code de droit canonique (983). Une position également rappelée dans le Catéchisme de l’Église catholique (n° 1467) : "Tout confesseur est tenu, sans exception aucune et sous peine de sanctions très sévères, de garder le sceau sacramentel, c’est-à-dire l’absolu secret au sujet des péchés dont il a connaissance par la confession." Plus récemment, en mars 2019, le pape François avait lui-même rappelé l’inviolabilité du secret de la confession : "Même s’il n’est pas toujours compris par la mentalité moderne, il est indispensable pour la sainteté du sacrement et pour la liberté de conscience du pénitent, qui doit être certain à tout moment que l’entretien sacramentel restera dans le secret de la confession, entre sa propre conscience qui s’ouvre à la grâce divine et la médiation nécessaire du prêtre." Pour le prêtre qui viole directement le secret de confession, l’Église prévoit la plus lourde peine qui soit : "L’excommunication, immédiate, sans appel et sans procès."
En Australie, l’État du Queensland a adopté en septembre 2020 une loi obligeant à briser le secret de la confession pour signaler à la police les abus sexuels sur des enfants. Ceux qui ne le feraient pas, encourent une peine de trois ans de prison.
Les délinquants et prédateurs sexuels qui se dénoncent eux-mêmes, au confessionnal ou ailleurs, sont quasi inexistants.
"Il ne faut surtout pas se leurrer : les délinquants et prédateurs sexuels qui se dénoncent eux-mêmes, au confessionnal ou ailleurs, sont quasi inexistants", prévenait déjà en 2019 le père Pierre Amar sur Aleteia. "La réalité est hélas tout autre. Si toutefois un pénitent confiait de tels actes, le confesseur renverrait immédiatement le coupable à sa conscience pour l’exhorter à regretter ses actes, à les assumer et à les réparer".
La volonté d’affirmer une prééminence des lois de la République sur la loi de l’Église, le droit canon, témoigne, pour le père Amar d’une "méconnaissance de ce sacrement" qui "multiplie les fantasmes". "La confession est un tribunal d’un autre type : le tribunal de la miséricorde", assure-t-il. "Comme dans chaque sacrement, on n’y a pas rendez-vous avec le prêtre, qui est lui-même un pauvre pécheur. On y a rendez-vous avec Dieu. Et celui ou celle qui dépose le poids de son péché au confessionnal est d’abord celui qui regrette et ne veut plus rechuter. Qui assume et veut s’en sortir, y compris en prenant les moyens pour cela. Avec — et surtout — le secours de la grâce de Dieu."