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Frédéric Ozanam, un bienheureux à l’origine de la démocratie chrétienne

FRÉDÉRICOZANAM
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Jean-Michel Castaing - publié le 31/05/21
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À l'occasion des JMJ de Paris en 1997, Jean Paul II béatifia le penseur politique Frédéric Ozanam. Pour le fondateur de la Société Saint-Vincent-de-Paul, et selon l’historien Charles Vaugirard qui vient de faire paraître un essai sur sa pensée politique, « la question sociale est une question morale avant tout ».

À l'instar de ses semblables, le chrétien est inséré dans la cité. Pas moyen pour lui de faire comme si la politique n'existait pas ! Déjà, au Moyen Âge, saint Thomas d'Aquin réfléchit à la notion de bien commun. Mais existe-il une politique typiquement chrétienne ? La vie et l'œuvre de Frédéric Ozanam (1813-1853) offrent une excellente introduction à la tentative de réponse à cette question. Même s'il refusa toujours de fonder un parti catholique, Ozanam tient cependant à ne jamais dissocier sa réflexion politique de sa foi. Cet universitaire érudit peut être considéré comme le père de la démocratie chrétienne. Certes, il ne fut pas le seul penseur catholique de son temps. Mais son originalité tient à ce qu'il se revendiqua très tôt comme républicain tandis que ses pairs coreligionnaires restaient légitimistes et royalistes. En effet, le catholicisme français était encore traumatisé, en ce milieu du XIXe siècle, par la séquence historique de la Révolution.

Sans jamais abdiquer la rigueur de l'analyse, il considéra la question sociale avant tout comme une problématique morale et spirituelle

De plus, Frédéric Ozanam ne cantonna pas la revendication de liberté aux domaines de la presse et de l'enseignement, mais il l'étendit à celui de la question sociale. Les événements de le révolution 1848 furent, à cet égard, décisifs pour sa réflexion. Original, Ozanam le fut également en se tenant à égale distance du socialiste matérialiste et du libéralisme qui flattait les tendances égoïstes des possédants. Sans jamais abdiquer la rigueur de l'analyse, il considéra la question sociale avant tout comme une problématique morale et spirituelle. A cet égard, ses réflexions sur le travail n'ont rien perdu de leur pertinence.

On est frappé, en suivant le parcours intellectuel et existentiel de Frédéric Ozanam, de constater combien sa pensée fut en adéquation avec ses engagements de foi. Ses écrits politiques ne sont jamais déconnectés de son expérience religieuse. Sa volonté de concilier liberté politique et christianisme n'en acquiert que plus de force. Par exemple, en tant que fondateur de la Société Saint-Vincent-de-Paul en 1833, il ne s'en tint pas à la mise en œuvre de la charité individuelle, mais cette expérience lui servit de tremplin pour réfléchir de façon plus systématique à l'organisation de la cité et à la question sociale prise dans sa globalité. La charité de Frédéric Ozanam est toujours incarnée. Rien n'illustre mieux cette vérité que les circonstances historiques qui amenèrent le surgissement de la démocratie chrétienne.

La postérité de la démocratie chrétienne, dont Ozanam fut l'initiateur, est immense. Des hommes politiques prestigieux, venus souvent d'horizons sociologiques ou idéologiques différents, ont revendiqué son héritage. Nul ne peut nier que la démocratie chrétienne fut à l'origine du projet de l'Union européenne. La pensée de Frédéric Ozanam constitue une aide précieuse pour réfléchir à la nature de l'apport de la charité chrétienne à une politique qu'elle informerait de l'intérieur — et cela sans jamais céder à la tentation trop facile (et improductive) de « confessionnaliser » l'engagement politique ni à celle de faire l'impasse sur l'autonomie des réalités temporelles et contingentes. Un éclairage précieux pour s'orienter dans la séquence politique inédite que traverse la France actuellement. 

La pensée politique de Frédéric Ozanam, par Charles Vaugirard, Éditions Pierre Téqui, 2021.

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