Le 25 mars 1941, un pacte forcé liait à l’Allemagne nazie la "Yougoslavie" artificielle du Traité de Versailles. Mgr Stepinac, archevêque de Zagreb, mettait en garde contre le paganisme hitlérien : à ses yeux, il "ne fallait pas attendre une Croatie libre d’une Allemagne athée". Jeune officier, Aloïs Stepinac est prisonnier de guerre en 1918. Après des études à Rome, docteur en théologie et en philosophie, président de la Caritas croate, secrétaire de l’archevêque de Zagreb, il en devient le coadjuteur à l’âge de 36 ans, après trois ans de sacerdoce. Responsable de l’Action catholique, il la définit ainsi : "Ni à droite, ni à gauche, mais seulement dans le chemin du Christ." Selon lui, "aux pauvres on doit la même estime qu’aux riches, car l’inhumanité commence si on oublie qu’un homme vaut un autre homme". Il dénonce l’avortement, une "peste blanche".
Victimes de discriminations et de meurtres, les catholiques de Croatie cherchent à se préserver d’une hégémonie serbe au sein de l’État yougoslave de 1920. En 1941, un "État croate indépendant" est proclamé par le dirigeant ultranationaliste "oustachi" Ante Pavelic. C’est aussi le 1.300e anniversaire de la Croatie catholique. Cependant, Stepinac défend la liberté de conscience : le 30 avril, quand le nouveau gouvernement veut contraindre les orthodoxes à se faire catholiques, il récuse ce choix politique.
Sous l'Occupation nazie, outre les combats contre les Allemands, une terrible guerre civile éclate entre Serbes et Croates. De 1942 à 44, Mgr Stepinac sauve de la famine 6.717 enfants, la plupart de parents orthodoxes ou de parents “partisans” des maquis pro-communistes de Tito... Il héberge des juifs et protège des centaines de Serbes.
Le 25 octobre 1942, il condamne en chaire le racisme hitlérien, disant qu’on « ne peut pas exterminer les tziganes ou les juifs parce qu’on les considère de race inférieure ». Il souligne que l’Église "condamne toute injustice et toute violence commise au nom des théories de race, de classe ou de nationalité". Après l'extension à la Croatie de la loi nazie contre les juifs, il déclare le 14 mars 1943 à la cathédrale de Zagreb que "chacun, sans égard à la race ou à la nation, porte en lui le cachet de Dieu Créateur et a ses droits propres qu’on ne doit pas lui prendre par la force". Le 31 octobre, il appelle à "respecter les droits à la vie, à la propriété et à la dignité humaine". Et il évoque la perspective d’un "châtiment mérité par tous ceux qui méprisent l’Évangile du Christ". En mai 1943, il apporte à Rome des documents sur les crimes commis en Croatie par les nazis. Dès 1940, il dénonçait le communisme athée en disant que "la vie sans Dieu c’est l’enfer". En 1943, il ajoute que "le monde n’est pas le fait du hasard, car le hasard est le dieu des fous" …
Début 1945, Mgr Stepinac parvient à dissuader les officiers allemands en retraite de faire sauter les sous-sols de Zagreb. Mais dès la mi-mai, après l’installation du gouvernement communiste de Tito, il est arrêté par surprise et emprisonné plusieurs jours. La violente persécution antireligieuse des "tribunaux populaires" a commencé. Dès septembre 1945, l’épiscopat constate la mort par exécution sommaire de 243 prêtres, de 19 séminaristes, de trois frères convers et de quatre religieuses. 169 autres prêtres sont emprisonnés, et 89 ont disparu... Les séminaires seront fermés, et les journaux catholiques supprimés faute de papier.
En 1946, c’est l’heure du procès spectacle de Mgr Stepinac, après une agression lors de la consécration d’une nouvelle paroisse. La milice l’arrête dans sa chapelle privée. Au mépris de toute vérité, on l’accuse de trahison du régime, de… terrorisme et de pressions sur la population orthodoxe. Il est condamné à seize ans de prison pour crimes "contre le peuple et l’État". De 1946 à 1951, l’archevêque est détenu dans un pénitencier coupé du monde. Alors que certains gardes l’injurient et vont jusqu’à troubler son sommeil, sa dignité réconforte ses compagnons de détention. Mais il est interdit de lui parler. Il parvient à écrire des vies de saints.
En 1951, on le place en résidence — très — surveillée dans son village natal : il va y subir des provocations policières incessantes, jusqu'à sa mort en 1960, à 62 ans, après une période très douloureuse de maladie aggravée par les pressions psychologiques exercées sur lui et sur ses proches. Admiré par Pie XII qui l’a créé cardinal, il s’est comparé à une enclume que frappe le matérialisme athée… Le cardinal Stepinac a toujours refusé toute concession aux mensonges de la propagande marxiste : il rejetait toute proposition d’amnistie pour des accusations dont il était innocent. Mais, priant pour ses persécuteurs, il a donné l’exemple du pardon des offenses.