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Le nouveau président du Niger, Mohamed Bazoum, 61 ans, est un vieux routard de la vie politique du pays. Étudiant, il s’est engagé dans différents syndicats avant de fonder en 1990 le Parti nigérien pour la démocratie et le socialisme (PNDS-Tarayya) avec Mahamadou Issoufou. Ce dernier, président du Niger depuis 2011, empêché de se présenter pour un troisième mandat, laisse ainsi le pays à son bras droit Bazoum en 2021.
Nouvelle tête au sommet de l’exécutif, mais continuité dans les équipes et dans les hommes. La vie politique nigérienne a été ponctuée de coups d’État et de renversements multiples. Le fait que les élections se soient déroulées dans un contexte relativement calme est une bonne chose, même si la situation demeure instable. Arrivé deuxième, l’ancien président (1993-1996) Mahamane Ousmane a dénoncé de nombreuses fraudes, réelles ou supposées. Il est vrai que lui-même fut renversé par un coup d’État.
Le Niger souffre de nombreux problèmes sécuritaires, comme l’on dit pudiquement pour désigner les maux de l’islamisme, des fractures ethniques et de l’écartèlement géographique. Pays enclavé, en grande partie composé par le désert du Sahara, il est frontalier, au nord, de la Libye et de l’Algérie, où pullulent les groupes djihadistes plus ou moins liés à Al-Qaida et à Daech, et au sud du Mali, du Burkina Faso et du Nigeria, où la situation sécuritaire n’est guère plus enviable. Niamey, la capitale, est située tout au sud, sur le fleuve Niger, ce qui rend l’administration particulièrement enclavée et isolée du reste du pays, encourageant donc les sécessions et les rébellions.
Les difficultés du Niger sont donc tout autant politiques et économiques que géographiques. Il s’agit d’un vaste pays dont l’État central ne contrôle pas la majeure partie de son territoire. Cela favorise d’autant plus les bandes, les attaques et l’économie de razzias, que celle-ci soit territoriale (attaques de villages et de convois) ou politique (corruption, détournements de fonds). Difficile donc pour le nouveau chef de l’État de soigner et résorber tous ces maux.
Le Niger est submergé de toute part.
Les attaques commises à l’encontre de civils et des représentants de l’État n’ont pas cessé au cours des mois écoulés. Le 12 décembre 2020, 34 personnes ont été tuées dans un village du sud-est lors d’une attaque de Boko Haram. Le 21 décembre, 7 soldats ont été tués dans l’ouest du pays par des membres de l’État islamique au Grand Sahara (EIGS). En janvier dernier, ce sont deux villages situés dans la région des trois frontières (sud du pays, entre les frontières du Mali et du Burkina) qui ont été attaqués par un raid de motards pour un bilan de 100 morts. En réponse à cela, les autorités ont interdit la circulation des motos de jour comme de nuit et ont fait fermer certains marchés.
L’armée du Niger combat certes Boko Haram et les groupes terroristes, mais elle ne parvient pas à endiguer la montée de ceux-ci et elle a subi de lourdes déconvenues. Deux camps militaires ont été attaqués, fin 2019 et début 2020, avec 71 morts côté armée du Niger pour le premier et 89 morts pour le second. L’ONU estime à 500.000 le nombre de déplacés qui ont fui les combats. Le nouveau président a certes promis la fermeté à l’égard de ces groupes, mais étant ministre de l’Intérieur au moment de la plupart de ces attaques il n’a pu ni les anticiper ni les arrêter.
Plus récemment, le 15 mars dernier, ce sont 60 personnes qui ont été tuées dans un village situé à proximité de la frontière malienne. Sept jours plus tard, le 21 mars, 137 personnes ont été tuées dans une ville située au nord de Niamey, là aussi à proximité de la frontière avec le Mali. Le Niger est submergé de toute part : au nord avec l’infiltration des Touaregs liés à l’EI, au sud avec la permissivité de Boko Haram (Nigeria) et des groupes djihadistes du Mali. Une situation qui devient incontrôlable et que la détermination du nouveau président ne suffira pas à résoudre.
Le nouveau président mise beaucoup sur la manne pétrolière pour faire entrer des devises et ainsi développer son pays. Cela repose sur l’idée que le djihadisme est le fruit de la pauvreté et qu’en étouffant celle-ci on éteint d’autant les foyers du djihadisme. Une idée qui ne se révèle pas exacte dans un grand nombre de cas où le djihadisme repose sur d’autres ressorts que la pauvreté et le sous-développement.
Toujours est-il que le Niger possède du pétrole dans son sous-sol. Les premières exploitations remontent à 1958 et furent menées par les Français, puis abandonnées devant la médiocrité des ressources découvertes et la faible qualité du pétrole. En 2008, ce sont les Chinois qui se sont intéressés à cette réserve, via l’entreprise CNPC (China National Petroleum Corporation). Les forages se font désormais à plus de 2.000 mètres de profondeur et les réserves sont estimées à 500 millions de barils. Une présence chinoise doublée d’une présence algérienne via la Sonatrach, l’entreprise publique d’exploitation pétrolière de l’Algérie. Le gouvernement du Niger a décidé de construire un immense pipeline de 1.900 km de long qui doit déboucher au Bénin, dans le port de Cotonou. C’est la société West African Gas Pipeline Company qui est chargée de la construction et de la gestion de cette infrastructure, une société composée notamment de Chevron, de Shell et de l’entreprise nationale du Nigeria, et qui a déjà réalisé le gazoduc passant par le Nigeria.
Si tout cela est prometteur, il n’y a rien de bien enchanteur non plus. Jamais aucun pays ne s’est encore développé grâce à ses hydrocarbures. C’est même tout le contraire qui s’est jusqu’à présent produit, ce que les économistes nomment le Dutch disease ou la malédiction de la rente. Le pétrole génère de l’argent facile mal utilisé et attise corruption et détournements de fonds. La Sonatrach notamment n’est pas connue pour être une entreprise bien gérée et à l’abri de la corruption. Le pétrole n’est donc pas nécessairement la meilleure chose qui soit pour le Niger et il va falloir beaucoup d’attention au nouveau gouvernement pour éviter les dérives connues par les autres pays. Sans compter que cela risque d’attiser la fracture géographique déjà présente, c'est-à-dire la volonté d’autonomie voire d’indépendance des régions où se trouvent les gisements, comme ce que connaissent aujourd'hui le Nigeria et le Mozambique avec le Cabo Delgado. La connexion de plus en plus forte entre les groupes djihadistes et les cartels de la drogue sud-américains, via le golfe de Guinée, ne sont pas non plus de nature à arranger les choses. D’immenses défis attendent donc le nouveau président, qui a au moins un atout principal : Mohamed Bazoum connaît très bien son pays pour avoir été ministre de nombreuses fois et chef du gouvernement. Il sait donc à quoi s’attendre et il s’attend à une tâche de grande ampleur.