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La seule parole que Joseph a prononcée

SAINT JOSEPH
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Jean-Thomas de Beauregard, op - publié le 18/03/21
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L’unique parole dont on peut affirmer avec certitude que Joseph l’a prononcée, c’est : « Jésus ». Car c’était à lui que revenait la mission de nommer l’enfant. Une seule parole, une seule paternité. Bien des prédicateurs, mais aussi des parents, des éducateurs, devraient s’en inspirer.

Quand et comment Joseph est-il mort ? L’Évangile ne le dit pas. Mais la dévotion populaire puis les plus hautes autorités de l’Église l’ont littéralement enseveli sous les honneurs. Peut-être parce qu’il est charpentier, Joseph a le dos large et les épaules solides, et on lui fait donc porter un poids immense : Joseph très juste, Joseph très chaste, Joseph très obéissant, Joseph gardien et protecteur de la Sainte Famille, Joseph saint patron des travailleurs, et la litanie ne s’arrête pas là. Depuis quelques années, Joseph est même dans le canon de la messe. Et voilà que cette année est consacrée à saint Joseph par le Pape !

Le dos large

Joseph a le dos large et les épaules solides, c’est certain, mais peut-il supporter le poids accablant de tous ces honneurs ? Physiquement, oui, même s’il ne partage pas avec son épouse la Vierge Marie et son fils Jésus le privilège de connaître déjà la joie d’une vie dans un corps glorieux. Il lui faudra attendre le Jugement dernier, comme tout le monde. Moralement et spirituellement, Joseph peut-il porter tout ce que notre dévotion lui attribue ? La réponse la plus prudente serait de dire qu’on n’en sait rien, et que la discrétion dont l’Évangile fait preuve à l’égard de Joseph devrait nous inciter à une certaine réserve.

Pourtant, la discrétion de l’Évangile quant à Joseph ne doit pas nous tromper. Les exégètes les mieux avertis nous le disent : la rareté des versets relatifs à Joseph n’implique pas une moindre importance. C’est leur signification, leur situation dans l’Évangile, et l’écho qu’ils produisent dans toute l’histoire d’Israël qui font de Joseph un personnage loin d’être secondaire. L’inscription de Joseph dans la filiation charnelle et spirituelle d’Abraham et de David telle que les lectures liturgiques nous l’ont présentée ne fait qu’effleurer toute la richesse dont la figure de Joseph est prodigue pour qui sait lire l’Écriture.

Un homme d’action

Une chose est certaine : Joseph est un homme, au sens masculin du terme. M. de La Palisse se fait exégète, me direz-vous ! Mais cette évidence trop simple s’impose comme une clé de lecture possible. Entre autres pour une raison très simple qui est qu’on ne nous rapporte de Joseph aucune parole, seulement des actes. Joseph n’est peut-être pas très doué pour exprimer ce qu’il pense, ce qu’il ressent. Alors il agit. Il prend chez lui l’enfant et sa mère, il les emmène en Égypte, il en revient, il a probablement dû bâtir à chaque fois une nouvelle maison…

Il y a une mystique en acte, celle de Joseph.

Comme beaucoup d’hommes, Joseph exprime son amour pour son épouse et pour son enfant — qui est aussi son Dieu — non pas par des paroles, mais par des actes. Il « fait des choses pour »… Sans plaquer la théorie des langages de l’amour sur la Bible, ni voir dans l’attitude de celui qui aime en « faisant pour » une exclusivité masculine, il faut reconnaître que cela éclaire assez le cas de Joseph. Et c’est plutôt rassurant pour les hommes qui peinent sur les chemins de la mystique ou de la vie spirituelle. Il y a une mystique en acte, celle de Joseph, et elle n’est pas moins vraie qu’une autre.

Une seule parole

Au demeurant, Joseph est-il silencieux au point d’être muet ? Certes, l’Évangile ne nous rapporte aucune parole directe de Joseph. Et l’exercice d’équilibriste qui consiste à combler les trous de l’Écriture par une projection imaginative ou des révélations privées est toujours un peu risqué. Pourtant, il y a bien une parole, une seule, dont nous pouvons être sûrs que Joseph l’a prononcée. L’unique parole dont on peut affirmer avec certitude que Joseph l’a prononcée, c’est : « Jésus ». Car c’était à lui que revenait la mission de nommer l’enfant (Mt 1, 21-24). Cette unique parole de Joseph : « Jésus » est capitale ! D’abord parce que quitte à ne pas beaucoup parler, autant choisir soigneusement ce qu’on a à dire, et quoi de plus grand à dire que le Saint Nom de Jésus ? Bien des prédicateurs, mais aussi des parents, des éducateurs, feraient bien de s’en inspirer. S’il n’y a qu’une chose à dire, c’est bien : « Jésus ».

Et puis si la seule parole dont on soit sûre que Joseph l’ait prononcée est « Jésus », cela nous donne une indication sur la manière dont Joseph est bien le père de Jésus. Car enfin, qui est l’autre personne, dans toute l’histoire sainte, dont on soit absolument certain qu’il n’a dit en tout et pour tout qu’une seule parole, relative à Jésus ? Dieu le Père. Lui-même ! Oh bien sûr, Dieu s’exprime à plusieurs reprises, dans la Bible, et pour dire toutes sortes de choses. Mais fondamentalement, dans l’éternité de la Trinité, le Père ne dit jamais qu’une seule parole, et cette Parole, c’est le Verbe, c’est le Fils, c’est Jésus. Et cela suffit, car tout le reste est dit dans le temps, par le Verbe et dans l’Esprit.

Une seule paternité

Autrement dit, la paternité de Joseph imite à la perfection la paternité la plus haute qui soit, celle de Dieu le Père, de qui vient « toute paternité au ciel et sur la terre » (Eph 3, 14). Parce que Joseph, comme Dieu le Père, n’a qu’une seule parole qui est son fils, qui est le Fils, il lui ressemble plus qu’aucun autre père humain, et il est plus père qu’aucun père humain, alors qu’il n’est pour rien dans la conception biologique de l’humanité de Jésus. Sous ce rapport, restreindre la paternité de Joseph à une « paternité légale » est très réducteur. Et on se prend à penser que si la paternité ne se porte pas très bien aujourd’hui, un remède consisterait précisément à ce que les pères donnent un poids plus grand à leurs paroles, et qu’ils disent le nom de « Jésus » à leurs enfants. Être père, à la fin des fins, c’est dire le nom de « Jésus ». Demandons à saint Joseph qu’il inspire aux hommes de ce temps une paternité juste, chaste, obéissante, protectrice et gardienne de l’enfance véritable qui est la sainteté.

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