La peur est un fléau qui paralyse l’âme et le corps, mais pour dompter la peur, il faut savoir prendre des risques. L’âme a tout autant besoin de sécurité que de risque.
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Alors que le virus apparaît de plus en plus menaçant et que la perspective d’un nouveau confinement se profile, la lassitude gagne les cœurs. Mais aussi la révolte, celle des étudiants notamment. Tout ceci s’ajoute à l’incompréhension de tous ceux qui voient qualifier leur activité de « non essentielle », alors qu’elle est pour eux le moyen premier de gagner leur vie. Laissons alors résonner à nos oreilles la réflexion profonde qui fut celle de la philosophe Simone Weil en pleine Deuxième Guerre mondiale : espérons que nos jeunes lycéens, dont il s’agit d’une des auteurs au programme, y trouverons des réponses et une consolation.
Les besoins de l’âme
Certains besoins humains sont essentiels, vitaux, analogues à la faim. Parmi ces besoins, certains sont physiques : ils concernent la protection contre la violence, la nécessité d’un logement, de vêtements, de chaleur, de sommeil, d’hygiène ou de soins. D’autres concernent la vie morale, ils sont moins faciles à reconnaître, moins aisés à lister, mais tout le monde reconnaît qu’ils existent. Tout le monde est capable de comprendre qu’on peut porter atteinte à la vie d’un être humain sans porter atteinte à son intégrité physique : certaines nourritures sont donc nécessaires à la vie de l’âme. Saurions-nous les reconnaître ? Aujourd’hui, en pleine pandémie, alors que la santé du grand nombre est menacée, nous saisissons avec acuité et de manière très paradoxale la nécessité d’être écoutés sur ces « besoins essentiels de l’âme ». « L’absence d’une telle étude force les gouvernements, quand ils sont de bonnes intentions, à s’agiter au hasard » (Simone Weil, L’Enracinement). Voilà une parole visionnaire.
La sécurité et le risque
Parmi les nombreux besoins essentiels de l’âme, quels sont ceux sur lesquels nous serions bien inspirés de donner, en ce moment, un coup de projecteur ? Parmi ces besoins essentiels de l’âme, reconnaissons le besoin de sécurité : nul ne peut s’épanouir dans la peur, la peur est une « demi-paralysie de l’âme », elle nous brouille l’esprit, freine nos décisions, nous rend insensible à la détresse des autres. Et lorsqu’elle est diffuse, lorsqu’elle devient un état d’âme durable, elle agit comme un poison. Le besoin de sécurité est un besoin fondamental.
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Mais il est un autre besoin essentiel de l’âme : le risque. L’absence de risque nous plonge dans un ennui mortifère, une paralysie tout aussi forte que la peur. La peur du risque est une maladie qui nous enferme sur nous-même, nous rend incapable de compassion ou de générosité : c’est la peur de perdre, élevée au rang d’obsession. L’élimination systématique du risque nous ramollit et fait de nous des êtres sans défense, que le premier obstacle venu jettera à terre. Le risque est un stimulant, il réveille notre courage, et nous porte à l’action.
Se retrousser les manches
Il faut toujours écouter la jeunesse : que croyez-vous qu’ils nous disent lorsqu’ils organisent retrouvailles clandestines entre eux, et le lendemain visites masquées, distanciées et aseptisées chez les grands-parents ? Ils nous rappellent dans leurs excès et leurs contradictions impulsives ces besoins essentiels de l’âme : risque et sécurité, aller au danger et ne pas faire peur.
Voilà donc notre feuille de route : à nous de résister à la diffusion du malheur. Ne soyons pas de ceux qui se complaisent à relayer les nouvelles effrayantes, les informations inquiétantes, de ceux qui amplifient les incertitudes, et jouent les prophètes de malheur. Cessons de jouer à faire peur. Soyons plutôt de ceux qui savent se retrousser les manches face à l’adversité, chacun à son propre niveau : un coup de fil, une visite, un service, un prêt de livre qui fait du bien, un mot encourageant ou qui fait rire. Soignons les corps et nourrissons les âmes.
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