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Que faire pour l’unité des chrétiens ?

CATHOLIC PROTESTANT

6 décembre 2016 : Mgr Jean Pierre GRALLET, arch. de Strasbourg parlant avec le pasteur Pascal HETZEL. A droite, le Card. Kurt KOCH, Pdt du Conseil pontifical pour la promotion de l’unité des chrétiens, lors de la commémoration luthéro-catholique pour les 500 ans de la Réforme.

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Jean Duchesne - publié le 19/01/21
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L’œcuménisme répond à la même exigence que la préparation et l’attente du retour du Christ.Nous voici, comme tous les ans en janvier, dans la semaine de l’unité. Elle risque de passer inaperçue au milieu de l’actualité dominée par la pandémie, le changement de président aux États-Unis, les débats de bioéthique et autour du changement climatique, sans parler de divers scandales et polémiques. Le problème de la désunion des chrétiens est d’un calibre tel qu’il entre mal dans les tuyaux médiatiques. Il se perçoit mieux dans le champ des enquêtes historiques. Et ses enjeux se mesurent à l’aune de l’Histoire avec un grand H que scrutent les philosophes, les théologiens et aussi les mystiques ordinaires que nous sommes.

Un mouvement qui s’essouffle ?

Le mouvement œcuménique est apparu au XIXe siècle dans le monde anglo-saxon chez des protestants et aussi des catholiques — une figure aujourd’hui méconnue est le laïc Ambrose Phillipps de Lisle (1809-1878), converti de l’anglicanisme. D’incontestables progrès ont été accomplis depuis : des représentants des différentes Églises dialoguent, cherchent à prendre conscience de convergences et à clarifier ce qui les sépare. Il y a des contacts et des échanges locaux. On peut cependant avoir le sentiment qu’on ne peut guère aller plus loin aujourd’hui. 

Cette stagnation est volontiers interprétée comme une retombée de la sécularisation. Le constat est que de plus en plus d’États se laïcisent complètement, de fait si ce n’est juridiquement. Désormais tous minoritaires, les chrétiens toujours divisés se retrouvent côte à côte et s’allient ponctuellement, notamment sur des questions de morale. Leur affaiblissement et l’émergence d’autres religions (en particulier l’islam) devraient les inciter à ne plus rivaliser entre eux et à se fédérer pour garder du poids dans la culture et la société. Mais chaque confession s’accroche à son identité distincte pour n’être pas dissoute dans un plus petit commun dénominateur édulcoré et donc négligeable, etc.

Une affaire qui n’est ni privée ni politique

Cette analyse faite de l’extérieur est décidément un peu courte. D’abord la sécularisation est un phénomène limité à l’Occident riche (Europe depuis les Lumières et Amérique du Nord plus récemment). Ensuite cette vision soi-disant réaliste sous-estime les avancées réalisées au cours de ces dernières décennies. Enfin l’œcuménisme n’a pas pour but de constituer une force sociologique, voire politique. Reprenons ces trois critiques du scepticisme ambiant pour essayer de raviver l’espérance et l’engagement en aiguisant le regard.



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Une des caractéristiques de la « modernité postchrétienne » est l’individualisme, qui fait de l’adhésion religieuse un choix personnel et révisable à merci. Mais c’est loin d’être universel, car l’appartenance à une Église reste le plus souvent liée à la famille, voire (spécialement dans l’orthodoxie) à la nation. Et si les chrétiens sont localement minoritaires, ils font partie, à l’échelle planétaire, de l’écrasante majorité des êtres humains attachés à leurs traditions ancestrales. De plus, le christianisme, dans ses versions catholique romaine et protestante « évangélique », est globalement en expansion — ce qui ne fait que renouveler et intensifier l’exigence œcuménique, y réussissant même concrètement sans que cela excite les médias.

Dépasser les incompréhensions mutuelles

On ne peut donc pas dire qu’aucun pas n’a été fait ces derniers temps, sur la base de solides acquis. Le plus important est antérieur aux premiers contacts il y a bientôt deux siècles. C’est la reconnaissance qu’il n’est, en règle générale, pas besoin de rebaptiser celui ou celle qui, venant d’une Église, demande à être admis dans une autre, parce qu’il ne peut y avoir « qu’un seul baptême ». Cette référence commune à l’Écriture (Éph 4, 5) s’est considérablement développée avec un travail collaboratif entre catholiques et protestants — entre autres la TOB (Traduction œcuménique de la Bible), dont la première édition est parue en 1975, et les suivantes, à partir de 2010, avec les orthodoxes.



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Ces dernières années, une bonne douzaine d’accords bi- et multilatéraux ont été signés pour dépasser de vieux différends doctrinaux dus en grande partie à des incompréhensions mutuelles. Les chrétiens d’Occident sont aujourd’hui activement solidaires de ceux d’Orient dont beaucoup (monophysites, nestoriens…) n’ont pas adhéré à certains conciles des premiers siècles et étaient restés séparés. La liste des initiatives, gestes et institutions permanentes de dialogue serait interminable si l’on recensait tout ce qui s’accomplit sur le terrain. Et la protection de l’environnement est maintenant un nouveau champ de coopération. 

Aux dimensions du Peuple de Dieu à la fin des temps

L’encyclique Ut unum sint (Qu’ils soient un) de saint Jean-Paul II a été bien accueillie en 1995. En s’y présentant comme le serviteur de l’unité, le pape a ouvert la voie à une compréhension positive de la primauté de l’évêque de Rome. Il a aussi et surtout montré que l’œcuménisme n’est pas un problème politique ni d’harmonisation des disciplines ecclésiastiques, parce que la communion entre tous les baptisés est une exigence spirituelle inhérente à la foi. Elle requiert non seulement de la détermination, des mesures concrètes et la prise en compte du passé sans complaisances ni compromissions, mais encore de l’humilité. Car si tous les chrétiens doivent s’engager au service de l’unité du Corps du Christ, ils doivent aussi se rappeler que leurs vertus et leurs efforts ne suffiront pas à la réaliser.

L’œcuménisme a pris une dimension inattendue lorsque saint Paul VI, dans le droit fil de la déclaration Nostra ætate de Vatican II, a confié les relations de l’Église avec le judaïsme au Secrétariat (plus tard Conseil pontifical) pour la promotion de l’unité des chrétiens et non à celui pour le dialogue interreligieux. S’il est clair que le Peuple de Dieu rassemblera Israël — puisque « Dieu reste fidèle à ses promesses » (Romains 11, 1-2) — et l’Église, il est non moins clair que cela ne s’accomplira qu’à la fin des temps. Si nous pouvons et même devons espérer que tous les chrétiens seront visiblement unis avant et nous y employer, ce ne sera pas plus l’œuvre des hommes à eux tout seuls que l’avènement sur terre du Royaume de Dieu.

Écouter Dieu pour faire sa volonté

Il faut donc prier pour l’unité en même temps que pour le retour du Christ qui la réalisera. Cela n’empêche pas d’agir en attendant, et même y incite et prédispose indispensablement. Il ne s’agit pas tant de demander que d’écouter Dieu et de se rendre disponible à son service et à celui de nos frères et sœurs qu’il veut rassembler. Ce devrait être une attitude permanente. Mais, comme pour tout ce qu’elle sait important, l’Église a réservé, en concertation avec le mouvement œcuménique, un moment dans l’année pour se rafraîchir régulièrement la mémoire : une semaine du tout début du temps ordinaire du cycle liturgique. Elle n’a pas été choisie au hasard : entre la fête de la chaire de saint Pierre (fixée à l’époque au 18 janvier et depuis déplacée au 22 février) — ce qui marque le rôle reconnu au pape — et celle (le 25 janvier) de la conversion de saint Paul, apôtre des nations dans leur diversité. C’est une invitation à accorder notre cœur à celui de Dieu, sans exclure qu’un pasteur, un pope ou même un rabbin renouvelle et approfondisse notre accueil de l’héritage commun et de la mission qu’il nous donne.



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