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Biden président, l’Amérique va-t-elle « guider le monde » ?

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Jean-Baptiste Noé - publié le 03/12/20
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En proclamant « America is back », Joe Biden s’inscrit dans les mots de tous ses prédécesseurs. Mais ses moyens sont limités. Sans le contrôle du Sénat, Biden sera un président empêché à la tête d’une Amérique fracturée et surendettée.

En proclamant « America is back », Joe Biden s’inscrit dans les mots de tous ses prédécesseurs. Mais ses moyens sont limités. Sans le contrôle du Sénat, Biden sera un président empêché à la tête d’une Amérique fracturée et surendettée.

Présentant à la presse sa future équipe dédiée à la diplomatie et à la sécurité nationale, Joe Biden a fait usage d’une formule qui a fait mouche : l’Amérique est de retour. « C’est une équipe qui reflète le fait que l’Amérique est de retour, prête à guider le monde et pas à s’en retirer. » Comme tout président élu, il cherche d’abord à se démarquer de son prédécesseur afin d’imprimer son style et de montrer ses différences. L’Amérique de Trump aurait ainsi été en retrait, se désintéressant du monde, refusant d’intervenir dans les grands débats et les conflits. Certes, Joe Biden a promis de réinvestir en masse les organismes de l’ONU et les discussions multilatérales, mais cela sert-il a autre chose qu’à faire bonne impression ? La diplomatie reste une affaire de relations entre nations, l’ONU et ses organismes peuvent s’agiter, ce n’est pas eux qui ont le pouvoir. On l’a vu récemment avec le conflit au Karabagh, réglé par Moscou avec l’Arménie et l’Azerbaïdjan et non par l’ONU.

Isolationniste ou interventionnisme ?

La politique étrangère américaine est traditionnellement séparée entre isolationnistes et interventionnistes. C’est Wilson qui a marqué l’intervention américaine dans le monde avec son entrée en guerre en 1917. Cet interventionnisme est nourri de l’idéalisme démocratique. L’Amérique est un phare, un pays, mais surtout une idée et un projet. Elle doit guider le monde et exporter sa supériorité morale et politique, la démocratie, partout où elle le peut. Présent dès son origine, cet expansionnisme messianique s’est trouvé conforté par la Seconde Guerre mondiale, la lutte contre le nazisme puis le communisme. Depuis 1991, ce sont les « États voyous » qu’il faut punir et la démocratie qu’il faut propager, y compris par les bombes. Une Amérique « prête à guider le monde » pourra renvoyer aux mauvais souvenirs de Kennedy débutant la guerre au Vietnam, de Clinton bombardant la Serbie et intervenant en Somalie, de Bush fils partant en Afghanistan et en Irak. Si l’idéalisme démocratique était le fait des démocrates, les républicains ont trouvé dans la doctrine des néo-conservateurs un carburant intellectuel pour justifier eux aussi leurs guerres. Depuis 1940, l’isolationnisme n’est plus vraiment une option. L’interventionnisme est la règle, seuls diffèrent la nature et le degré.    

Sans le contrôle du Sénat, Biden est un président empêché à la tête d’une Amérique fracturée. Un pays surendetté a-t-il intérêt à se lancer dans de nouvelles guerres ?

Reagan ou Trump ?

America is back lancé par Joe Biden rappelle deux républicains : Ronald Reagan et Donald Trump. C’était le slogan de l’ancien gouverneur de Californie élu en 1980. Après les débâcles du Vietnam et les troubles des années 1970, l’Amérique était de retour et devait vaincre l’URSS. Chose faite. En 2016, Trump ne promit pas autre chose : Make America great again était une autre façon de dire que l’Amérique était de retour. Finalement, cherchant à s’en démarquer, Biden se place dans les pas de son prédécesseur. Le retour de l’Amérique est un poncif de la vie politique américaine, que chaque candidat se doit d’incarner. Les États-Unis connaissent une résurrection tous les quatre ans avec le retour de leur pays. Mais un retour où ? Russie et Chine sont des adversaires sérieux, le Moyen-Orient demeure une zone compliquée et l’Europe un partenaire affaibli. Et un retour pour quoi faire ? Propager la démocratie à coups de bombes ? Plus personne ne semble vraiment y croire.


Joe Biden président US
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En bon centriste, Biden devrait opter pour le compromis et éviter de partir en guerre en mode faucon. D’autant que Donald Trump est loin d’avoir été un isolationniste. Il a habilement négocié avec la Corée du Nord, obtenant une visite et un accord historique. Il a investi le combat contre la Chine, mettant au premier plan la guerre commerciale. Il a contribué à un accord majeur entre l’Arabie Saoudite et Israël et même sa remise en cause du traité avec l’Iran est loin d’être un non-sens. Trump a été omniprésent au cours de ces quatre années, sans intervenir de façon militaire, il a initié des bras de fer et remis l’Amérique en mouvement dans des chemins qu’elle avait délaissés. 

Guider le monde avec quoi ?

Les incantations post-électorales sont une chose, la réalité sera différente. Avec quoi Joe Biden peut-il guider le monde ? Les démocrates ont perdu des sièges à la Chambre des représentants et le Sénat est républicain. Or l’accord de ce dernier est nécessaire pour toute intervention militaire. Même s’il voulait partir en guerre, il n’est pas certain qu’il puisse le faire. Il en va de même de la signature du traité de Paris et d’autres accords de type onusien : un veto du Sénat est toujours possible. Sans le contrôle du Sénat, Biden est un président empêché à la tête d’une Amérique fracturée. Un pays surendetté a-t-il intérêt à se lancer dans de nouvelles guerres ? Le maréchal Foch constatait que la guerre nécessite deux choses : une concentration des forces et une économie des moyens. Jusqu’à Trump, l’Amérique a fait exactement l’inverse : dispersion des forces et maximalisation des moyens. Avec pour résultats un endettement croissant et des échecs réguliers. L’Amérique veut être de retour dans le monde, mais est-ce que le monde souhaite le retour de l’Amérique ?      



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