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2 décembre 1870, le rôle du Sacré Cœur à Loigny-la-Bataille

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© Musée de la guerre de 1870, Loigny-la-Bataille

La bataille de Loigny.

Caroline Becker - publié le 02/12/20 - mis à jour le 29/11/23

Le 2 décembre 1870, en pleine guerre franco-prussienne, 9.000 hommes tombent à Loigny-la-Bataille (Eure-et-Loir), tués ou blessés par les combats qui opposent l’armée française et les troupes prussiennes et bavaroises.

Le 19 juillet 1870 la guerre éclate. L’empereur Napoélon III, alors à la tête d’une armée mal préparée, est capturé le 2 septembre lors de la bataille de Sedan. Cette date signe définitivement la fin du Second Empire. Profitant de ce désastre, les républicains prennent le pouvoir et la République est proclamée officiellement le 4 septembre au balcon de l’hôtel de ville de Paris. Mais pour le nouveau gouvernement, il est inenvisageable de cesser le combat. Bien décidé à poursuivre la guerre, un Gouvernement de la Défense nationale est formé et, en province, des armées se forment pour poursuivre la lutte.

Le général de Sonis, véritable soldat du Christ

Parmi elles, l’Armée de la Loire, créée par Gambetta, se forme au sud d’Orléans. Forte de plusieurs succès, la petite armée se dirige vers Paris et s’arrête le soir du 1er décembre 1870 près d’un petit village beauceron : Loigny (rebaptisé Loigny-la-Bataille après la guerre). Le matin du 2 décembre, la lutte reprend et les troupes françaises se lancent face aux Prussiens. Malgré leurs efforts, ils sont malheureusement repoussés en fin de matinée. Tel un sauveur, le général Louis-Gaston de Sonis, fervent catholique à la tête du 17e corps, arrive en renfort en début d’après-midi. Admiré de tous, il suscite l’enthousiasme de tout ceux qu’il côtoie par sa charité, sa foi et la dévotion qu’il porte au Sacré Cœur de Jésus.

Grâce à lui, pour la première fois de la journée, les canons français répondent ! Mais l’artillerie des Prussiens, très impressionnante, terrifie les soldats français qui fuient, laissant une partie de l’armée française sans protection. Pour éviter le désastre, le général Sonis, armé de son courage et soutenu par les 800 hommes qui l’accompagnent, se jette à corps perdu sur le champ de bataille. L’affrontement devient mystique ! Une bannière dédiée au Sacré Cœur de Jésus est déployée et les hommes chargent en criant « Vive la Patrie, vive Pie IX, vive le Sacré Cœur ». Effrayés, les Prussiens se replient, permettant aux soldats français de se retirer.

général de Sonis
© Musée de la Guerre de 1870
Portrait du général Louis-Gaston de Sonis.

Mais dans cette lutte acharnée, le général de Sonis n’est pas seul. Ce fervent catholique a été rejoint par un homme qui partage sa foi et son amour de la patrie. Il s’agit du lieutenant-colonel français Athanase de Charette de la Contrie, à la tête du bataillon des zouaves pontificaux — constitué de volontaires, majoritairement français, belges et néerlandais — qui s’était distingué dans la défense des États du Pape en 1870. L’annexion de la ville de Rome en septembre de la même année au royaume d’Italie oblige le bataillon à revenir en France.

Bien que ne partageant pas les valeurs républicaines, ce petit-neveu du contre-révolutionnaire royaliste François Athanase Charette de la Contrie — qui avait combattu les armées républicaines durant les guerres de Vendée — est profondément attaché à son pays et souhaite participer à sa défense. Persuadé que la France est châtiée pour ne pas avoir secouru le Pape lors de l’unification italienne, il souhaite faire acte de pénitence pour expier les péchés de la France. Un avis partagé par les zouaves qui l’accompagnent. Charette propose ainsi ses services au Gouvernement de la Défense nationale qui l’autorise à fonder un corps franc en lui laissant toute liberté et la possibilité de garder l’uniforme de zouave. Seule condition : changer de nom. Les zouaves pontificaux sont désormais baptisés “les volontaires de l’Ouest”.

Sonis et Charette, unis dans la foi et le sang

C’est ainsi que le général de Sonis et Charette, unis par leur foi et portés par une alchimie naturelle, se retrouvent à mélanger le sang de leurs hommes le 2 septembre 1870 après avoir assisté à la messe ensemble. La bannière du Sacré Cœur, déployée fièrement ce jour-là, avait été rapportée par Charette lui-même. Cette bannière, cousue par les visitandines de Paray-le-Monial, était à l’origine destinée au général Trochu pour qu’il l’arbore sur les remparts de Paris. N’arrivant pas à entrer en contact avec lui, la bannière est finalement remise au père Léon Dupont — le saint homme de Tours — qui la confie à Charette. Honoré, le lieutenant-colonel la garde précieusement et y brode au verso “Saint Martin, patron de la France, priez pour nous”, attendant désormais le moment opportun pour la brandir. Faisant part de l’histoire de la bannière au général de Sonis, ce dernier, très ému, déclare les larmes aux yeux : “Et bien puisque c’est à vos zouaves qu’il était destiné, c’est un de vos zouaves qui le portera”.

Le soir de la bataille, le coût humain est effrayant. Plus de 9000 hommes, français et allemands sont blessés ou tués. Le général Sonis, qui a reçu un éclat d’obus, s’effondre, le fémur explosé en plusieurs dizaines de fragments. Meurtri et ne pouvant plus bouger, il passe la nuit sur le champ de bataille dans un froid glacial, tentant de rassurer les soldats blessés autour de lui. Deux jours plus tard, sa jambe est amputée.

Quant à Charette, blessé, il est fait prisonnier avant de s’évader. Si la bataille se solde par une défaite, le sacrifice de ses hommes a permis, heureusement, de sauver une partie de l’armée de la Loire qui se réfugie à Orléans. Sur le champ de bataille, les ambulanciers de la Croix-Rouge s’organisent pour soigner les blessés agonisants. Parmi eux, l’abbé Theuré qui se précipite auprès des mourants pour les accompagner dans leur dernier souffle. Si l’atmosphère est pesante, il n’en ressort pourtant aucune haine. Sonis, affaibli, se voit même offrir à boire par un soldat allemand. Porté par sa foi, ce soldat du Christ fait même l’expérience d’une vision intérieure. Le visage de la Vierge de Lourdes lui apparaît lui offrant pendant quelques instants une douce consolation.

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© Musée de la Guerre de 1870
Le brassard de la croix rouge de l'abbé Theuré qu'il portait alors qu'il secourait les soldats sur le champ de bataille.

Cette bataille marque à tel point l’esprit des survivants, que la construction d’une nouvelle église dans la petite commune de Loigny est votée. L’ancienne, transformée en hôpital après la bataille et maculée du sang des soldats, n’est plus digne des soldats sacrifiés. Elle est rasée et remplacée par une chapelle mortuaire. À l’intérieur, une crypte-mortuaire accueille les 1.400 corps des soldats tombés, toute origine confondue. Une grande souscription nationale est lancée, soutenue par les familles des zouaves, le gouvernement de la République mais aussi le pape Pie IX. La première pierre est posée officiellement deux ans plus tard, jour de l’anniversaire de la bataille. À l’intérieur, parmi les lustres composés de douilles de balles et les tableaux rappelant la bataille, on aperçoit le nom des soldats français et des zouaves inscrits sur les murs et les vitraux. Plus loin, c’est avec émotion que l’on voit Sonis et Charrette reposés ensemble, leurs tombes placées côte à côte. Sur la tombe de Sonis est inscrit Miles Christi, “Soldat du Christ”.

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© Musée de la Guerre de 1870
L'église de Loigny-la- Bataille, construite à partir de 1972 en hommage aux héros de la bataille.

Mort en réputation de sainteté en 1887 à Paris, après avoir poursuivi une longue carrière militaire exemplaire, le général de Sonis voit son corps exhumé 42 ans après sur ordre de l’évêque de Chartres. En ouvrant le cercueil, c’est la stupéfaction. Le corps de Sonis est intact. Le médecin, qui assiste à l’exhumation, réalise des incisions pour confirmer la parfaite conservation du corps. Immédiatement, une enquête diocésaine est ouverte en vue de son procès en béatification. Un dossier encore ouvert à ce jour mais qui demeure en suspens en raison de l’absence d’un postulateur désigné.

Si Sonis s’est distingué par sa foi ardente et sa réputation d’homme droit et juste, il était aussi, chose que l’on sait moins, un père et un époux exemplaire. Avec son épouse, Anaïs Roger, ils ont formé ensemble un couple solide, porté par une foi commune. Celle qui n’était pas portée spécifiquement par un désir de sainteté comme son époux, s’est finalement laissée entraîner par la foi rayonnante de son mari et a fait preuve d’un courage exemplaire. Alors qu’il était blessé sur le champ de bataille de Loigny, elle a traversé la France entière en proie au combat pour rejoindre son époux. Toute sa vie, malgré les déménagements incessants et leurs douze enfants, elle l’a suivi partout, fidèlement. Aujourd’hui, elle repose près de lui à Loigny-la-Bataille.

TOMBEAUX DE SONIS ET CHARETTE
© Musée de la Guerre de 1870
Les tombeaux de Sonis, accompagné de son épouse, et Charette, situés sous la chapelle mortuaire à Loigny-la-Bataille.

En se recueillant dans la basilique du Sacré-Cœur de Montmartre — construite à la même époque suite au fameux Vœu national — les fidèles pourront apercevoir, en levant les yeux, un délicat hommage au général. Il figure sur la grande mosaïque du chœur, près du Christ, avec son sabre et accompagné de Charette portant le fameux étendard. En réponse, la commune de Loigny décide de réaliser, peu de temps après, une représentation du Sacré-Cœur de Montmartre dans la chapelle mortuaire. Éblouis par une telle figure, les fidèles traversent la France pour venir se recueillir sur sa tombe et beaucoup de grâces pleuvent. Aujourd’hui encore, la figure de Sonis marque les esprits et beaucoup de familles, de scouts ou de militaires viennent en pèlerinage pour y trouver une source d’inspiration. Par sa foi et son exemplarité, il incarne ce “saint de la porte d’à côté”, selon l’expression du pape François. Un homme ordinaire qui, par son exemplarité, rappelle que tout homme est voué à la sainteté.


Basilique Montmartre

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Guerremontmartre
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