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“Les Arméniens continuent de fuir le Haut-Karabakh”

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Timothée Dhellemmes - publié le 12/11/20
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Chargée de mission pour l’Œuvre d’Orient, Eglantine Gabaix-Hialé vient de passer onze jours en Arménie où des déplacés affluent quotidiennement pour fuir les combats dans le Haut-Karabakh. L’atmosphère oscille entre le soulagement de voir un carnage prendre fin et la déception d’avoir été défait sur le plan militaire. “Pour l’instant, c’est l’incertitude totale et les Arméniens ne savent pas s’ils vont pouvoir retourner chez eux”, souffle-t-elle. Aleteia : Comment les Arméniens ont-ils réagit à l’annonce du cessez-le-feu ?
Eglantine Gabaix-Hialé : J’étais à Erevan lorsque le cessez-le-feu a été annoncé, en pleine nuit, vers 1 heure du matin. Il y a d’abord eu un concert de klaxons, que j’ai pris pour une manifestation de joie, puisque la guerre était terminée. C’est ensuite que j’ai compris qu’il s’agissait d’une contestation virulente. Les manifestants se sont attaqués au Parlement et à d’autres édifices gouvernementaux.

Les Arméniens n’acceptent pas ce cessez-le-feu.

Le lendemain, les gens étaient hébétés. Jusqu’à présent, on leur avait répété que cette guerre était gagnable. Ils étaient choqués de voir qu’ils avaient perdu, et que beaucoup de très jeunes soldats étaient morts pour rien. Ils ont l’impression d’avoir été dupés par le Premier ministre, et que cet accord était en réalité sur la table depuis longtemps. Les Arméniens n’acceptent pas ce cessez-le-feu, même si certains sont soulagés de voir fils et maris revenir. L’atmosphère oscille entre le soulagement de voir un carnage prendre fin et la déception d’avoir été défait sur le plan militaire.



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Que sont devenus les chrétiens qui vivaient à Chouchi, ville stratégique du Haut-Karabakh, toute proche de la capitale, officiellement passée sous contrôle de l’Azerbaïdjan ?
Sur les 150.000 habitants du Haut-Karabakh, 90.000 sont partis, au bas mot. Toute la population civile de Chouchi a été évacuée, sauf les plus âgés ou ceux qui ne pouvaient pas quitter leurs maisons. La plupart des personnes ont fui au tout début de la guerre. Ils sont partis dans des conditions très précipitées, sans rien, à pied. Il n’y a que les femmes et les enfants, puisque les hommes étaient au front. A Gyumri où j’étais, les sœurs de l’Immaculé Conception ont accueillis une quarantaine de réfugiés dans leur orphelinat. Tous les hôtels ont ouvert leurs portes gratuitement. Dans les familles, certains ont été accueillis dans les villages, où il y a une solidarité très forte. Aucun de ces déplacés n’est à la rue.

Les déplacés envisagent-ils de retourner chez eux, dans le Haut-Karabakh ?
Pour l’instant, ils sont sous le choc de cette annonce de cessez-le-feu. La plupart disent qu’ils veulent y retourner. Le problème, c’est de nombreuses maisons sont détruites.

De nombreuses femmes se retrouvent souvent seules, avec quatre ou cinq enfants à charge.

Dans certaines familles, le père de famille est mort au front ou gravement blessé. De nombreuses femmes se retrouvent seules, avec quatre ou cinq enfants à charge. Pour l’instant, c’est l’incertitude totale, elles ne savent pas dans quelles conditions elles peuvent ou non retourner dans le Haut-Karabakh. Encore aujourd’hui, des Arméniens continuent de fuir le Haut-Karabakh, car ils ne veulent pas vivre trop près des Azéris.


RUSSIA-ARMENIA
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Comment s’organisent les secours ?
On ne peut pas parler de secours humanitaire à proprement parler, parce qu’il n’y a pas d’organisation internationale sur place. Les églises apostoliques et catholiques font un gros travail, ainsi que la Caritas Arménie. Ce sont surtout les gouverneurs des régions qui prennent en charge les personnes déplacés, en les enregistrant, en leur attribuant des lieux où ils peuvent aller et en gérant toute la distribution de nourriture et des produits de première nécessité. Finalement, tout le monde est pris en charge. Les gens ne sont pas isolés : soit ils dépendent d’une communauté religieuse qui les nourrit, les loge et leur donne de quoi acheter ce dont ils ont besoin pour vivre, soit ils sont pris en charge par la mairie ou le gouvernorat.

Quelle est l’ampleur des dégâts humains et matériels de ces six semaines de conflit ?
Sur le plan humain, les chiffres sont assez imprécis. On parle de 1.300 décès chez les Arméniens, sachant que ceux qui sont morts du côté azéri ne sont pas comptabilisés, puisqu’on ne peut pas récupérer les corps.  Donc c’est à priori sous-évalué. Il y a aussi beaucoup de disparus. Du côté Azéri, on suppose que les pertes humaines sont à peu près équivalentes.


SHUSHA CATHEDRAL KARABAKH
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