Calvin, théologien genevois, n’a pas traduit en tant que tel la Bible, mais il est à l’origine de la révision de la fameuse Bible d’Olivétan qui donnera naissance à la Bible de Genève. Bible au grand rayonnement et dont sera également issue plus tard la célèbre Bible d’Ostervald. Si Calvin (1509-1564) n’a pas réalisé le même travail de traduction de la Bible tel que le fit, avant lui, Luther, il demeure cependant que le théologien genevois plaça également les Écritures au cœur même de ses thèses. Calvin a, en effet, très tôt estimé que seule l’Écriture permettait d’accéder à la connaissance de Dieu, la Bible prenant alors à ses yeux toute son importance. A contrario, ignorer, selon lui, les Saintes Écritures, c’était marcher loin de la lumière, ainsi qu’il aimait à le rappeler : « Nul ne peut avoir, seulement un petit goût de saine doctrine (tant qu’il n’a pas été) enseigné par l’Écriture sainte ».
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Son rapport à la Bible s’avéra, d’ailleurs, si étroit qu’un nombre important des thèses de ce réformateur d’origine française repose sur le seul texte même des Écritures, justifiant l’expression latine bien connue « sola scriptura », l’Écriture seule. Mais il ne faut pas faire pour autant de Calvin un fondamentaliste excluant toute interprétation. Bien au contraire, le réformateur genevois encouragera également ses contemporains à une lecture originale de la Bible associant le cœur et la raison, la foi et la connaissance. Cette association de l’intelligence et du spirituel reposant sur l’Écriture se doit d’être étudiée, méditée, questionnée par le fidèle, une position qui tranchait, à l’époque, avec celle du catholicisme.
Une lecture modérée
Si la sola scriptura prime avant tout, Calvin ne fait pas pour autant de la Bible un texte infaillible. En effet, selon le théologien, bien que le texte des Écritures soit d’une autorité absolue, le détail de ses formulations n’exclut pas des erreurs matérielles ou des formulations maladroites. C’est cette souplesse quant à l’interprétation de la Bible qui permit d’éviter tout fondamentalisme rigoureux dans les thèses défendues par Calvin. Le théologien réformateur pourra d’ailleurs à certaines occasions citer de manière approximative certains versets bibliques et n’hésitera pas à souligner des erreurs de copistes, voire même de certains textes bibliques eux-mêmes.
Pour Calvin, il ne s’agit pas là de relativisme, mais de relier son contenu à son contexte, l’exemple le plus flagrant étant celui du récit de la Genèse…
Calvin estimait que la parole divine devait s’adapter à son interlocuteur, celle-ci devant se mettre à la portée du croyant selon son époque et ses connaissances. Le lecteur moderne devra, lui aussi, en retour s’adapter afin que sa lecture puisse « s’accommoder » au contexte dans lequel elle avait été formulée. Pour Calvin, il ne s’agit pas là de relativisme, mais de relier son contenu à son contexte, l’exemple le plus flagrant étant celui du récit de la Genèse…
La rencontre du Verbe et de l’Esprit
C’est par la rencontre du texte biblique et de l’Esprit saint que la parole de vie surgit selon Calvin, à défaut le texte biblique sera « une chose morte, sans aucune vigueur ». De cette position théologique découlera par la suite la distinction entre le discours écrit de Dieu – verbum Dei – présent dans la Bible et la vox Dei, cette voix vivante révélée par l’Esprit. Pour le théologien, la seule lecture et même étude approfondie de la Bible ne suffisent pas à illuminer le lecteur de la présence du Christ. La pratique de la lectio divina prônée au XXe siècle par le théologien catholique et cardinal Carlo Maria Martini se rapproche d’une certaine manière de cette thèse et attitude souhaitée du croyant.
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La Bible de Genève
Surtout, soulignons, que c’est fort de ces principes que Calvin prendra une part active à la réédition de la Bible, notamment en révisant la Bible dénommée Olivétan réalisée en 1535 par son cousin Pierre Robert. Cette Bible fut la première traduction en langue française entreprise à partir des textes hébreu et grec. C’est cette première Bible en français que le célèbre théologien révisera qui sera alors appelée « Bible à l’Épée » (parce qu’une épée ornait l’édition) ou encore Bible de Neuchâtel. Il corrigera, d’ailleurs, plusieurs fois son propre travail avant que ses successeurs ne poursuivent la voie qu’il avait initiée, et que naisse, en fin de compte, ce qui sera dès lors appelée à l’époque la Bible de Genève. Cette Bible de Genève sera la première à opter pour une division en chapitres et versets, une présentation qui connaîtra un grand succès et sur laquelle reposent toutes les autres éditions ultérieures dont la célèbre Bible d’Ostervald et celles que nous connaissons encore de nos jours.
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