La riche personnalité d’André Chouraqui, avocat, poète, penseur et homme politique israélien a contribué au succès de sa traduction de la Bible dénommée « La Bible d’André Chouraqui ». Plus qu’une vision personnelle, cette version s’inscrit dans un mouvement interreligieux qu’il encouragea toute sa vie.Une vie au service de la Parole. Né en Algérie en 1917 d’ascendance juive espagnole, André Chouraqui a été immergé dès son plus jeune âge dans le monde biblique, mais aussi dans celui de la poésie. Après des études de droit et un parcours rabbinique, il s’engage activement dans la Résistance pendant la Seconde Guerre mondiale. Avocat, puis juge, il voyagera dans le monde entier avant de s’établir à Jérusalem à partir de 1958, où il deviendra vice-maire.
À la fois porte-parole de la culture française en Israël et ambassadeur de ce pays, c’est la paix qui deviendra le vecteur essentiel de son action. Parallèlement à l’étude et à la traduction de textes essentiels de la culture juive, ce sera le dialogue entre les religions qui animera très tôt son action, lui qui n’aura de cesse sa vie durant de démontrer ce fonds commun dépassant toutes les divisions.
Une traduction de toute une vie
Rares sont les traductions de la Bible associées à un seul nom au XXe siècle. Or, la Bible Chouraqui peut s’enorgueillir à juste titre de compter parmi elles, cet esprit vif et curieux débutera ses premières traductions de la Bible à l’âge de vingt ans. Durant les quatre décennies de cette étonnante aventure, combien d’évènements majeurs jalonneront cette traduction.
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Mais, quel fut le point de départ de cette volonté de traduction du texte biblique ? André Chouraqui a toujours estimé qu’il était difficile de connaître l’hébreu à sa racine, toutes les traductions de la Bible jusqu’alors disponibles ayant été réalisées elles-mêmes à partir de traductions, qu’il s’agisse du grec avec la Septante ou du latin avec la Vulgate. Il est vrai, ainsi que le soulignait André Chouraqui, que l’hébreu jusqu’à la création de l’État d’Israël demeurait une langue morte. Aussi, afin de sortir de ces traductions intermédiaires occultant la richesse de la langue hébraïque, André Chouraqui a-t-il profité de la naissance de l’État d’Israël au XXe siècle et de la « résurrection » de la langue hébreu en une langue courante pour proposer une traduction nouvelle, vivante et directement puisée à la racine de la langue biblique originelle.
Le souffle hébraïque de la Bible
N’ayant point eu besoin de dictionnaires pour juger du poids des mots puisque maîtrisant pleinement la langue hébraïque, André Chouraqui a tout d’abord proposé une nouvelle traduction de la Bible hébraïque ou Ancien Testament en français avant de s’atteler à la traduction du Nouveau Testament. C’est une lecture décloisonnée du texte originel du peuple d’Israël qui se trouve ainsi proposée par André Chouraqui, le « Seigneur Dieu » issu des traductions grecques s’effaçant au profit du tétragramme IHVH, plus respectueux du Dieu du Sinaï, l’être qui est, a été et sera.
André Chouraqui, par cette approche directe de l’hébreu, a ainsi su réinsuffler dans ses traductions l’inspiration biblique originale en estompant les cultures grecque et latine qui s’étaient introduites dans le texte au fil des traductions et des millénaires. Cette démarche demeure également perceptible pour sa traduction du Nouveau Testament, même si pour ce dernier André Chouraqui est, certes, parti du texte grec. Cependant, le traducteur a entendu souligner l’influence hébraïque des traducteurs de la Septante, qui certes parlaient grec, mais étaient tous Juifs de la Diaspora d’Alexandrie.
Par ce souci extrême de respect des différentes religions, la Bible Chouraqui a rencontré un très vif succès dès sa parution et fut traduite depuis dans de nombreuses langues.
Une traduction saluée
La Bible Chouraqui fut un travail de longue haleine, d’abord publiée en plusieurs volumes, vingt-sept, à partir des années 1970, elle fut éditée en son ensemble en 1987. Respectueux de la foi de chacun, André Chouraqui en a proposé plusieurs versions, l’une intégrant pour les catholiques les textes deutérocanoniques et des fragments grecs d’Esther et de Daniel, l’autre proposant pour les Juifs la Bible synagogale sans ces livres ni ceux du Nouveau Testament, alors que le lecteur protestant pourra la compléter par le Pacte neuf afin de disposer de tout le canon nécessaire.
Par ce souci extrême de respect des différentes religions, la Bible Chouraqui a rencontré un très vif succès dès sa parution et fut traduite depuis dans de nombreuses langues. André Chouraqui a également été à l’origine, postérieurement, d’une nouvelle traduction du Coran (1990). Exigeant et infatigable, André Chouraqui s’est éteint le 9 juillet 2007 à Jérusalem.
La Bible, trad. par André Chouraqui, Cerf, mars 2020.
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