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Fratelli tutti : « Amour et vérité se rencontrent »

FRATELLI TUTTI
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Jean Duchesne - publié le 13/10/20
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Fratelli tutti, la dernière encyclique du pape François, rappelle que la foi est vraie si l’amour du prochain est concret.Bien avant d’avoir achevé la lecture de la dernière encyclique du pape François, il m’a semblé qu’une clé pourrait s’en trouver au verset 11 du Psaume 84 : « Amour et vérité se rencontrent ». Et je n’ai pas changé d’avis une fois arrivé au bout, ni en reparcourant plus patiemment tout le chemin depuis le début pour n’en manquer par mégarde aucune pente ou sinuosité. 

L’amour et la vérité ne se rejoignent en effet pas toujours si facilement. Dans sa bienveillance, le premier pousse à sous-estimer, voire à ignorer les divergences, les obstacles, les réalités déplaisantes, les réticences et même les résistances. La seconde jette au contraire sur tout une lumière sans complaisance. Sa rigueur fait condamner ce qui s’avère erroné. La croyance tend à subordonner l’amour à la vérité, parce que seule la vérité lui paraît digne d’être aimée et seuls sont déclarés aimables ceux qui la reconnaissent. Mais la foi chrétienne ne peut pas (ou ne devrait pas) accepter cette sujétion, et c’est ce que rappelle Fratelli tutti. 

Certes, l’amour qui occulte la vérité s’égare en jouissance possessive ou devient faiblesse. Mais sans l’amour, la puissance de la vérité ne sert plus qu’à justifier l’oppression et la violence. La raison en est simple : c’est que « la grande vérité », « la source ultime » de tout ce qui existe, c’est « la vie intime de Dieu », à savoir l’amour qui unit le Père, le Fils et l’Esprit Saint. Ce même amour est la vérité de l’homme, créé par Dieu « à son image et à sa ressemblance », et fait sa dignité. Le drame est que, si cette vérité est irrécusable et si l’homme, quoi qu’il fasse ou ne fasse pas, ne peut pas perdre la dignité qu’elle lui confère, nul ne peut prétendre se l’approprier entièrement. La vérité ne dispense pas d’aimer l’autre tel qu’il est et que Dieu l’aime. Elle va jusqu’à en faire un devoir.

Du conflit au dialogue

L’accueil de cette vérité, même lorsqu’elle est révélée par Dieu lui-même dans la Tradition où, sous la conduite de l’Esprit Saint, l’enseignement et la liturgie de l’Église l’actualisent, n’est donc pas un monopole. La vérité de l’homme est indélébilement inscrite en chacun. Il en perçoit au moins une part, même s’il ne sait rien de la Révélation ou la rejette, même si ses opinions et son comportement paraissent ne guère laisser de place à l’amour. C’est pourquoi il faut écouter l’autre, et chercher avec lui dans le dialogue ce qu’il y a de forcément commun dans la vision qu’a chacun de la vérité et du bien désirable par tous– sans pour autant escamoter les désaccords qui sont également des réalités, ni craindre de réprouver les négations aussi bien théoriques que pratiques de la dimension transcendante de la vérité.



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Le pape explique en quoi consiste l’amour inséparable de la vérité. Il s’agit évidemment de bien plus que de sentiments personnels et de relations affectives. L’insistance ne porte pas non plus sur la paternité de Dieu, qui fait que tous les humains, en tant que ses enfants, appartiennent à une unique famille. L’angle d’approche n’est pas davantage de dénoncer les conflits, où ne peuvent s’opposer que des semblables, et les rivalités, qui présupposent justement la fraternité – les modèles étant Abel et Caïn, Jacob et Esaü, Joseph et ses frères… L’idée est plutôt de faire réfléchir sur la question : « Qui est mon prochain ? ».

La voie féconde de la gratuité

La réponse se trouve bien sûr dans la parabole du Bon Samaritain (Luc 10, 25-37). Le commentaire du pape souligne que le prochain n’est pas simplement celui ou celle dont on se trouve être déjà proche, par des liens du sang, sociaux-économiques ou culturels, mais aussi – et de façon plus décisive – la personne dont on se rend proche parce qu’elle en a besoin, quitte à ce que la sollicitude détourne du chemin prévu et engage dans une voie de gratuité où l’on sait n’avoir droit à rien en retour. L’amour vrai consiste ainsi à ne pas aimer seulement ceux dont on est déjà aimé (Luc 6, 27-35). C’est ce que le pape appelle « l’amitié sociale », c’est-à-dire une solidarité sans contrainte ni calcul, et donc libératrice pour celui qui aime non moins que pour celui qui est secouru. 


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Il n’y a, dans ce désintéressement, rien de surhumain ni de masochiste, et uniquement la vérité de la vie qui s’étiole et meurt si l’on s’en empare, mais s’épanouit si elle est reçue et partagée. La seconde partie du verset 11 du Psaume 84 suggère la fécondité de la rencontre entre la vérité et l’amour : « Justice et paix s’embrassent ». Ce n’est pas du moralisme « politiquement correct » relativisant les dogmes. L’amour fraternel présenté dans l’encyclique est le vrai, et c’est parce que sa vérité est théologique qu’elle peut être proposée à tout homme et reconnue universelle – ou  plus exactement « catholique » : la foi est aussi inséparable des œuvres que la vérité de l’amour. 

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