Les hommages rendus à Juliette Gréco, décédée le 23 septembre à 93 ans, encensent dans un même élan la chanteuse de premier plan et la femme émancipée qu’elle fut. Qui sait qu’une âme mystique se cachait derrière cette iconoclaste ?
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Elle déboulait sur scène, nouée par le trac, silhouette menue invariablement noire, yeux charbonneux rehaussés de khôl noir, et très vite prenait possession des lieux : à la première note de musique, sa voix s’emballait, ses mains se déployaient. Elle laissait libre cours à sa passion de chanter, qui l’habita jusqu’à son dernier souffle. Car si elle fut aussi une actrice prolixe, c’est par la chanson qu’elle conquit le Saint-Germain-des-Prés de l’après-guerre, et dans la foulée le public.
Elle a interprété Sartre, Raymond Queneau, Jacques Prévert, Robert Desnos, Aragon et Eluard… et travaillé avec les plus grands : Brel, Aznavour, Trenet, Gainsbourg, Guy Béart, ou Léo Ferré. Elle incarne la femme moderne, libre de ses choix, collectionnant à son gré amants et amantes. Ne revendiquait-elle pas haut et fort sa sympathie pour les idéologies révolutionnaires, deux avortements, une tentative de suicide ?
L’empreinte indélébile de la foi reçue
Derrière cette façade de “femme libérée”, l’interprète de Déshabillez-moi était aussi une femme fragile, en quête d’amour : abandonnée par son père, délaissée par sa mère, elle reconnaît dans son autobiographie Je suis faite comme ça, Mémoires, (Flammarion, 2012) avoir été séduite enfant par la foi catholique. Placée avant-guerre dans une pension de religieuses, elle est sensible à l’atmosphère de paix qu’elle y trouve et se sent une âme mystique. Tout vole en éclats à la suite des agissements d’une sœur déséquilibrée. Juliette perd la foi. En dépit de ce triste épisode, elle évoque ce temps avec bienveillance : “J’ai reçu une éducation catholique et appris les valeurs du partage, le respect de l’autre, les règles de politesse et de bienséance”.
Evacua-t-elle pour autant la religion de sa vie ? Il ne semble pas. Elle chérissait les figures du Christ et de la Vierge. Ainsi tint-elle ses propos quelque peu provocateurs, mais à son image, dans L’Humanité du 27 janvier 2012 : “La religion m’a fondée d’abord parce que je trouve que le Christ est un formidable communiste. J’ai une grande dévotion, pour sa mère parce que je trouve qu’on s’est foutu de sa figure dans les grandes largeurs. On n’a pas le droit de mépriser une femme comme on l’a méprisée”. Une figure du féminisme séduite par la Vierge Marie ! Juliette Gréco n’a pas fini de nous surprendre.
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