Alors que le projet de loi bioéthique est actuellement débattu en deuxième lecture à l’Assemblée, Philippe de La Chapelle, directeur de l’Office chrétien des personnes handicapées (OCH), déplore auprès d’Aleteia un texte qui est « un drame dont on ne prend pas encore la mesure ».Le projet de loi bioéthique actuellement débattu en deuxième lecture par les députés ouvre notamment la PMA aux couples de femmes et aux femmes seules. Mais si elle est souvent présentée comme la mesure ‘phare’ du texte, elle n’est pas la seule. La commission spéciale a ainsi, par exemple, adopté l’amendement du DPI-A (diagnostic génétique préimplantatoire aux aneuploïdie, ndlr) qui permet de sélectionner in vitro des embryons afin d’éviter la naissance d’un bébé porteur de handicap.
Alors ministre de la Santé, Agnès Buzyn s’y était pourtant opposé au nom du gouvernement, mettant en garde contre les dérives eugéniques d’une telle mesure. “On fait un pas de plus vers la traque du handicap”, déplore auprès d’Aleteia Philippe de La Chapelle, directeur de l’Office chrétien des personnes handicapées (OCH). “On est en train d’aller vers un monde uniforme ou le différent est éradiqué et qui se trouve à l’opposé d’une société inclusive que l’on ne cesse de dire vouloir construire avec les personnes fragiles”.
Aleteia : Quel regard portez-vous sur le texte actuellement débattu à l’Assemblée ?
Philippe de La Chapelle : Le texte n’est pas nouveau, on l’a découvert il y a un peu plus d’un an. Mais je dois reconnaître que les dernières modifications apportées par la commission spéciale chargée d’examiner le projet de loi, qui a profité d’un vide gouvernemental, font froid dans le dos, notamment à l’extension du DPI-A. « Le monde d’après sera le même en un peu pire », a écrit Houellebecq. C’est cela. Ce qui était dramatique est désormais encore pire. J’en ressens presque une forme de lassitude à souligner le drame dans lequel on s’enfonce. Faisons une analogie ici avec le drame écologique : on s’enfonce dans un drame dont on ne prend pas la mesure. Dans les deux, le drame écologique et le drame bioéthique, on est dans le libéralisme à outrance avec le coté marchandisation des choses, technologiste, la puissance de la science et l’individualisme… Et on y va les yeux fermés.
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Quelle est la perception du handicap qui en ressort ?
C’est un pas supplémentaire vers la traque du handicap. Pas vis-à-vis des enfants ou des adultes handicapés mais du fœtus, de l’embryon. C’est une traque qui ne permet tout simplement pas d’exister. Il en va de même pour l’interruption médicale de grossesse (IMG) : l’entretien préalable a été supprimé dans le texte. C’est une fuite en avant qui révèle qu’on veut un enfant parfait. Et je le comprends ! Qui veut d’un enfant qui ne le soit pas s’il en a la possibilité ? Mais cela fait du mal à notre monde. Et c’est un mal différé : nous sommes en train d’aller vers un monde uniforme ou le différent est éradiqué et qui se trouve à l’opposé d’une société inclusive que l’on ne cesse de dire vouloir construire avec les personnes fragiles. Comment peut-on aller vers une société inclusive si le point de départ est que ces personnes ne doivent pas exister ? Le handicap, ça fait mal. Mais ceux qui sont en contact avec des personnes handicapées vous diront la richesse de ces personnes. Ce qui nous rend humain c’est d’être en relation les uns les autres, de pouvoir s’enrichir dans cette rencontre. Or on acte ici une volonté de s’en priver pour le monde de demain.
“Plus nous sommes en situation de fragilité collective, plus la fraternité nous permettra de faire face collectivement.”
On a beaucoup parlé pendant le confinement lié à la pandémie de Covid-19 du monde de demain. Les débats autour du projet de loi bioéthique en dessine un. Comment l’imaginez-vous ?
Je ne sais pas ce que doit être le monde d’après. Je sais que la crise sanitaire et économique nous invite à nous recentrer sur l’essentiel qu’est la fraternité. Plus nous sommes en situation de fragilité collective, plus la fraternité nous permettra de faire face collectivement. Le monde de demain, y compris dans sa dimension environnementale, doit mettre le plus fragile au cœur. La force des personnes handicapées c’est qu’elles savent faire avec la limite.
Finalement ce texte ne traduit-il pas un rejet ou une méconnaissance de la fragilité ?
Au fond de nous, chacun sait qu’il a été fragile à un moment de sa vie. Nous avons tous été des embryons, des nourrissons, nous avons tous été malades ou vulnérables à un moment de notre vie. Quel sens cela a d’être fragile ? Comprendre que la dignité n’est pas dans mon avoir, mon pouvoir ou mon savoir mais dans mon être même. Le vieillard d’aujourd’hui est le même que celui qui a été chef d’entreprise il y a quarante ans. La fragilité nous invite à regarder sa personne, sa beauté. On fait comme si elle était réservée à certains alors qu’elle marque notre vie.
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