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Décryptage
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Les clés du pontificat de Jean Paul II vu par Mgr Barbarin

HOLY MASS CELEBRATED BY JOHN PAUL II, CRACOW, JUNE 22, 1983.

© Adam Bujak, Publishing House Bialy Kruk, All rights reserved

Marzena Devoud - publié le 06/06/20

Que reste-il aujourd'hui de l'héritage de Jean Paul II ? À l’occasion de la sortie du livre de Mgr Barbarin "Jean Paul II, Pierre au tournant du nouveau millénaire" (Mame), Aleteia vous propose de lire les extraits qui décryptent de façon passionnante le pontificat de l'un des plus grands papes de l'histoire de l'Église.

Le cardinal Philippe Barbarin, ancien primat des Gaules et archevêque de Lyon, publie «Jean Paul II, Pierre au tournant du nouveau millénaire » (Mame), un livre dans le lequel il analyse le pontificat historique du pape polonais. Quel était le secret de la force de Jean Paul II, de sa parole si claire ? En quoi consistait son charisme pétrinien ? Que reste-il aujourd’hui de l’héritage de celui qui a fait entrer l’Église dans le 3ème millénaire ? Aleteia vous propose de découvrir les bonnes feuilles de cet ouvrage-portrait de Jean Paul II et de son action mis en parallèle avec la vie de saint Pierre.


Jean Paul II, le rocher de l’unité

La proximité entre la figure de saint Pierre, telle que le Nouveau Testament nous la montre, et Karol Wojtyła est frappante : choisi par Dieu, il avait le charisme de saint Pierre à 100%.

Quand Jésus change le nom de Simon et lui impose celui de Pierre, la force de ce terme a de nombreuses résonances bibliques. En chantant le psaume 117, les Juifs savent que la pierre rejetée par les bâtisseurs deviendra la pierre d’angle, que le Messie sera notre Rocher. En donnant ce nom à Simon, Jésus dit à Pierre qu’il sera désormais le symbole et la présence de ce rocher dans le monde. C’est sur cette pierre que Jésus bâtira son Église; quand le Seigneur sera remonté auprès du Père, certes il restera mystérieusement présent selon sa promesse («Je suis avec vous tous les jours jusqu’à la fin du monde»(Mt 28, 20), mais sa présence sera toujours visible dans le ministère de Pierre.

Totalement habité par ce charisme pétrinien, Jean-Paul II sait que le souci de l’unité est au cœur de sa mission. Il doit garder l’Église dans l’unité, rassembler tout ce qui est dispersé, s’opposer à tout ce qui risque de déchirer la tunique sans couture et dire ou suggérer à chacun, à chaque groupe, une manière d’avancer, de faire progresser ici même cette unité de l’Église et, pourquoi pas, de toute la famille humaine. Car le chrétien voit la grande fraternité de l’Église comme une préfiguration de l’immense famille des hommes qui ont tous le même Père et créateur. Avant son départ pour la France, en mai 1980, Jean Paul II situe ce voyage dans sa mission de successeur de Pierre :

«Évêque et successeur de l’apôtre Pierre, j’ai reçu par disposition divine la mission d’être l’instrument et le signe de l’unité de la foi, dans la communion entre les différentes Églises locales pour les confirmer dans leur adhésion au Christ et à l’Évangile» (aéroport, Rome, 30 mai 1980).


Qu’ils soient un

La première mission de Jean Paul II était l’unité des chrétiens qui n’est pour lui ni un luxe, ni un effort, ni une option, mais le désir majeur exprimé par le Seigneur dans son ultime prière du soir du Jeudi saint : «Qu’ils soient un» (Jn 17, 21).

Le premier objectif de Jean Paul II est donc de travailler à l’unité des chrétiens. Cet élan donné dès le début du XXème siècle par les anglicans, par le cardinal Mercier lors des conversations de Malines, déployé en France par les travaux du P. Congar et les intuitions de l’abbé Couturier – en particulier la Semaine d’universelle prière pour l’unité des chrétiens –, cet élan aboutit à un document majeur du concile Vatican II, le Décret sur l’unité de l’Église, Unitatis redintegratio. Jean Paul II est l’héritier de son prédécesseur Paul VI, de ses initiatives, de son témoignage, du génie de certains de ses gestes hautement symboliques qui ont frappé le monde entier.

En Jean Paul II, la puissance du ministère de Pierre se conjugue avec une réelle humilité. Il sait que nul ne voit bien ses propres défauts et il a besoin qu’on les lui indique.

Les chrétiens ont compris que l’unité n’est pas un luxe, un effort, une option, c’est le désir majeur, essentiel du Seigneur, exprimé intensément dans son ultime prière du soir du Jeudi saint, quand il demande à son Père pour ses disciples: «Qu’ils soient un» (Jn 17, 21). Ce sont ces mots-là que Jean Paul II choisit de donner comme titre à son encyclique de 1995 sur l’unité, Ut unum sint. Dans ce chemin il n’y aura pas de retour en arrière, il faut agir, poser des gestes, prier avec les frères des autres Églises et communautés ecclésiales, et surtout faire un acte de foi: «L’unité, Seigneur, viendra comme tu voudras nous la donner. »

Jean Paul II ne craint pas de demander à tous ses frères et sœurs chrétiens de lui dire ce qui éventuellement ne va pas ou serait à changer dans sa manière d’exercer son ministère de Pierre. Cet appel a-t-il été entendu ?

En Jean Paul II, la puissance du ministère de Pierre se conjugue avec une réelle humilité. Il sait que nul ne voit bien ses propres défauts et il a besoin qu’on les lui indique. C’est pourquoi, dans cette encyclique, conscient du fait que la place et le ministère de Pierre sont pour beaucoup un obstacle sur ce chemin de l’unité dans l’Église, Jean Paul II ne craint pas de demander à tous ses frères et sœurs chrétiens, y compris aux catholiques, de lui dire ce qui éventuellement ne va pas ou serait à changer dans sa manière d’exercer son ministère de Pierre, de lui indiquer ses manquements ou ses défauts en ce domaine. Cet appel a-t-il été entendu, a-t-il reçu de nombreuses réponses ? Je ne sais pas, même si je connais tel ou tel évêque qui l’a pris au sérieux dans sa prière et a livré le fruit de sa réflexion au pape… (…)

L’unité est vraiment un enjeu majeur. Le Seigneur nous en a avertis : les gens ne croiront en l’Évangile et ne donneront leur foi au Christ que s’ils voient que son amour circule entre tous ses disciples. « C’est à cet amour que vous aurez les uns pour les autres que tous reconnaîtront que vous êtes mes disciples » (Jn 13, 35). (…)


Jean Paul II et l’esprit d’Assise

Quelle est la signification profonde de l’image improbable du pontificat de Jean Paul II : des représentants de toutes les religions rassemblés pour la première fois dans l’histoire de l’humanité. La rencontre d’Assise en octobre 1986, un défi étonnant est un fait plus parlant que tout.

Naturellement, pour Jean Paul II, le dialogue interreligieux ne s’arrête pas aux juifs ni aux musulmans. Il veut le vivre en profondeur avec tous ceux qui cherchent Dieu et font une rencontre intérieure, personnelle ou communautaire avec Lui. Parfois, dans certaines discussions, tombe comme un couperet cette phrase étrange : «Nous n’avons pas le même Dieu. » En fait, la conviction de Jean Paul II, c’est qu’il n’y a qu’un seul Dieu. Donc, c’est nécessairement le même, bien que les représentations que l’on en a soient différentes… et toujours insuffisantes.

Nous vivrons ensemble, annonce-t-il, un rassemblement sous le regard et la bénédiction de Dieu.

Soucieux de travailler à l’unité de la famille humaine, le successeur de Pierre, artisan d’unité, constate qu’ils sont innombrables sur la face de la terre ceux qui le cherchent, même par des chemins très différents. Si la recherche est sincère, profonde, ardente, les croyants doivent pouvoir se rencontrer, en particulier dans la prière. C’est pourquoi il lance ce projet, ce défi étonnant, d’octobre 1986 : la rencontre d’Assise.
Nous vivrons ensemble, annonce-t-il, un rassemblement sous le regard et la bénédiction de Dieu. La figure de saint François considérée comme un frère universel ne mettra personne mal à l’aise. Et nous prierons chacun à notre manière, selon nos traditions, dans différents lieux de cette ville d’Assise. Puis nous nous rassemblerons et ferons monter vers Dieu le cri de ce qui est notre plus grand désir commun pour l’ensemble de la famille humaine : le règne de la paix.

Le monde entier voit soudain cette photo des représentants de toutes les religions rassemblés pour la première fois dans l’histoire de l’humanité. De fait, l’événement était «improbable », mais cette image demeure.

Nul ne conteste que la paix soit un bien souverain. Les juifs qui attendent le Messie l’appellent le «Prince de la paix»; «islam» et «musulmans» sont des noms qui viennent du mot « paix ». Quand l’ange annonce aux petits bergers de Bethléem la naissance de Jésus, il présente l’enfant qui vient de naître dans des conditions si pauvres comme «une grande joie pour tout le peuple». Et la troupe céleste se met à entonner le Gloria, le chant qui proclame que le seul chemin pour atteindre la paix sur terre, c’est d’avoir pour objectif de rendre gloire à Dieu.

La réponse donnée à cet appel d’Assise est étonnante, merveilleuse. Le monde entier voit soudain cette photo des représentants de toutes les religions rassemblés pour la première fois dans l’histoire de l’humanité. Certains ont peur, croient qu’on mélange tout. De fait, l’événement était «improbable », mais cette image demeure. On peut ne pas être toujours en train de discuter, d’argumenter, de se comparer. Le moment est venu de nous réunir tout simplement comme des frères et de demander à Dieu ce qui nous tient le plus à cœur, la paix. Voilà une image, un fait plus parlant que tout !

Grâce à l’initiative d’Assise, les religions tiennent à montrer ensemble que leur plus grand désir est que la paix vienne et règne enfin sur la terre !

Depuis plus de trente ans, ce rassemblement est inscrit dans le cœur de l’ensemble de la famille humaine et il est vécu comme une promesse. La communauté de Sant’Egidio a demandé à Jean Paul II d’en fêter l’anniversaire chaque année, en septembre ou en octobre. Benoît XVI et le pape François ont repris ce chemin. C’est un vrai, un grand espoir pour l’ensemble de l’humanité. Certes, il y a eu des guerres de religion, qui ne sont pas forcément à ranger dans le passé, mais aujourd’hui, grâce à l’initiative d’Assise, les religions tiennent à montrer ensemble que leur plus grand désir est que la paix vienne et règne enfin sur la terre !


Jean Paul II et les quatre piliers de la foi

La publication du Catéchisme de l’Église catholique en 1992 qui reste l’acte majeur du magistère pontifical de Jean Paul II.

Jean-Paul II veut donner «une norme sûre pour l’enseignement de la foi». On est étonné de l’entendre dire que la publication du Catéchisme de l’Église catholique, en 1992, est l’acte le plus important de son magistère pontifical. L’expression est d’autant plus touchante qu’il n’en est pas le rédacteur, même s’il a probablement suivi avec attention l’élaboration du texte.

La parole de Dieu traversera les siècles et rejoindra toutes les cultures jusqu’à la fin du monde; c’est un élément essentiel de notre foi. Mais la catéchèse doit s’adapter à chaque époque…

La parole de Dieu traversera les siècles et rejoindra toutes les cultures jusqu’à la fin du monde; c’est un élément essentiel de notre foi. Mais la catéchèse doit s’adapter à chaque époque car les questions changent et les mentalités ne sont pas les mêmes. Donner une catéchèse, c’est ouvrir un chemin pour que la parole de Dieu éclaire les intelligences aujourd’hui et continue de toucher les cœurs.

En 1562, après la Réforme qui avait secoué la chrétienté d’Occident comme un tremblement de terre, il fallait rassurer un peuple, affirmer clairement qu’il y avait sept sacrements et non pas deux, redire l’autorité de Rome qui avait été fortement contestée. Ce catéchisme avait d’ailleurs été intitulé le Catéchisme romain. Au XXe siècle, la situation n’est pas la même ; la foi catholique est battue en brèche non plus par la Réforme protestante mais par de considérables vagues rationalistes: l’athéisme, le triomphe de la science et de la technique, le mirage de l’universalité du savoir, et d’un progrès, d’un pouvoir sans limite de l’homme. Pour beaucoup, Dieu et la foi deviennent une hypothèse inutile. Il est intéressant de voir qu’à plus de quatre siècles d’intervalle, ces deux catéchismes reposent sur les quatre mêmes piliers, mais la présentation en est différente et les quatre parties ne revêtent pas la même importance :

1. Ce que Dieu dit

Cette première partie présente la Révélation, l’Écriture, tout l’enseignement de l’Église et du Magistère, et fixe son étude sur un premier pilier : le Credo, que l’on peut regarder comme un résumé de toute la Révélation en une seule page !

2. Ce que Dieu donne

Il s’agit de la grâce, des innombrables cadeaux que Dieu fait à la création tout entière et à l’homme en particulier. La liste est sans fin, mais ce cadeau est concentré dans les sept sacrements, le deuxième pilier. On comprendra aisément que cette deuxième partie, très développée dans le Catéchisme de 1562 (37 % du texte), ait diminué dans le CEC de 1992 (23 %), au profit de la première, passée de 23 % dans le Catéchisme romain de 1562 à 39 % en 1992. Ce ne sont pas les sacrements qui sont mis en doute au XXe siècle, mais plus radicalement l’existence de Dieu, la foi dans son rapport à la raison humaine ou aux sciences. Chaque époque doit expliquer davantage ce qui est le plus remis en cause.

3. Ce que Dieu nous demande ou nous commande

Il veille sur ses enfants comme un Père, il les appelle, les guide, les conduit et les accompagne. Il leur donne des paroles éclairantes. Le résumé se trouve dans les dix paroles de vie, appelées « Décalogue », que l’on a vite transformées en commandements et même rabougries en règlements. Quel dommage ! Cette partie conduit à une présentation méthodique des «dix commandements». C’est le troisième pilier de la foi catholique.

4. Ce que l’homme répond

À tant de paroles et de cadeaux, l’homme répond en remerciant son Père et son Créateur. « Rendons grâce au Seigneur Notre Dieu », c’est le cœur de la prière chrétienne. Les chemins de cette prière sont présentés et un peu expliqués, mais, comme le dit saint Augustin, toutes les prières sont déjà contenues dans le Notre Père. Voilà notre quatrième pilier.

En évoquant tout ce travail méthodique accompli avec décision et énergie par Jean Paul II, nous avons l’impression d’être dans les premières pages du livre des Actes des Apôtres…

Ce catéchisme portera un autre titre : ce n’est plus le Catéchisme romain, c’est celui de l’Église catholique. Certes, le pasteur universel est l’évêque de Rome, successeur de Pierre, mais cette expression de la foi vient de toute l’Église qui est catholique, répandue dans le monde entier.Il peut être intéressant de savoir qu’au XVIe siècle comme au XXe siècle, on s’est posé la question de placer le quatrième pilier en deuxième position.

Il y a là quelque chose de beau parce que, lorsqu’on vient d’écouter tout ce que Dieu dit et révèle, se pose immédiatement la question : « Et l’homme, comment peut-il répondre ? Que va-t-il dire ?» Finalement, le choix a été fait de présenter d’abord tout ce qui vient de Dieu et de sa Révélation, les dons de sa grâce et les indications qu’il nous apporte à travers les paroles de vie. C’est de tout cela à la fois que l’homme aura à dire merci dans sa réponse, dans sa prière.

Et à la question des hommes d’hier et d’aujourd’hui : « Que devons-nous faire ?», la réponse est une injonction claire : « Convertissez-vous… »

En évoquant tout ce travail méthodique accompli avec décision et énergie par Jean Paul II, nous avons l’impression d’être dans les premières pages du livre des Actes des Apôtres. J’entends la voix de Pierre : « Qu’on le sache donc avec certitude, Dieu l’a fait Christ et Seigneur, ce Jésus que vous avez crucifié » (2, 36). Et à la question des hommes d’hier et d’aujourd’hui : « Que devons-nous faire ?», la réponse est une injonction claire : « Convertissez-vous et que chacun se fasse baptiser au nom de Jésus Christ pour obtenir le pardon de ses péchés. Vous recevrez alors le don du Saint-Esprit » (2, 38).

Cardinal Philippe Barbarin, “Jean Paul II, Pierre au tournant du nouveau millénaire”, Fondation Jean Paul II Cercle de Belgique et Mame, juin 2020

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