La France rurale et la France urbaine ne se comprennent pas toujours. Après le confinement, les Gilets jaunes risquent de demander des comptes aux masques blancs.Il était temps ! La saison des tomates arrivait à grand pas. Il aura fallu intervenir, insister, s’agiter pour que le gouvernement finisse pas accepter (un changement de pied encore, mais heureux celui-là), de ranger les plans potagers dans la liste des “produits de première nécessité” que les Français gardent le droit d’acheter dans les jardineries. Enfin, dans celles des jardineries qui ne sont pas encore fermées pour faillite.
Revanche et méfiance
Cette petite victoire de ceux qui font pousser leur propres légumes (la moitié des Français, tout de même) et de ceux qui leur vendent des graines est une reconnaissance opportune de la France rurale face à la France urbaine et face aux technocrates parisiens qui décident de tout, connaissent tout, comprennent tout, mais ne savent pas distinguer un plan de pommes de terre d’une tige de topinambours.
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Avec le confinement, la ruralité français connaît sa revanche. Mais ne nous réjouissons pas, c’est une revanche dépourvue d’empathie. L’expression “Parisiens, têtes de chiens, Parigots, têtes de veaux” est née pendant l’été 1940, quand la débâcle poussait vers les campagnes tant de familles parisiennes déroutées que les fermes n’accueillaient pas toujours de bon gré. Cet esprit d’égoïsme rural n’est pas loin de revenir. On entend des maires de petites communes s’en prendre aux Parisiens qui se sont repliés dans leurs résidences secondaires pour y télétravailler en apportant leur virus dans leur valise.
Il faudra beaucoup de doigté pour sortir du confinement sans aggraver la fracture sociale. Il ne faut pas oublier d’où nous venons. Avant la crise sanitaire, le monde rural était malade. Il était déconsidéré. Les Gilets jaunes n’avaient pas quitté depuis bien longtemps leur ronds-points. L’hôpital public aussi était malade, avec ses praticiens hospitaliers en grève perlée, ses urgences débordées et ses chefs de service démissionnaires. Tout cela a été mis sous cloche avec le coronavirus et tout cela reviendra avec brutalité quand la maladie s’estompera. Quant à l’économie réelle, elle ne redémarrera pas sur un claquement de doigts. La recherche effrénée de l’optimisation financière depuis des années a fragilisé l’indépendance de notre tissu industriel. La crise nous en a fait prendre conscience, mais elle n’a fait qu’accroître cette fragilité.
Réparer le lien
Il ne faut pas plaisanter avec le virus, nous le savons déjà. Mais il ne faut pas davantage plaisanter avec les libertés publiques. Quand le nombre des malades commencera de refluer, en mai, en juin, les Gilets jaunes sortiront de leur confinement. Ils reviendront et ils seront en colère. Les Gilets jaunes deviendront les masques blancs : ils demanderont des comptes à la France des villes. Et les hôpitaux, quand la pression se relâchera, retrouveront leur misère antérieure. Eux aussi, ils demanderont des comptes. La crise du coronavirus pourrait être une occasion de réparer le lien entre la France des villes et la France du monde rural. Mais il faudrait y travailler dès à présent.
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