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Coronavirus : quand la politique chinoise se fait religion

Le président chinois Xi Jinping lors de sa visite à l'Académie des sciences médicales militaires à Pékin, le 2 mars 2020.

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Emmanuel Dubois de Prisque - publié le 02/03/20
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Dans la Chine communiste, la politique n’est qu’une forme religieuse de l’art médical. Le rôle du Parti consiste à purifier la population de tous les poisons : virus ou… religions. Mais ce sont les chrétiens qui se distinguent au chevet des malades. « L’épidémie est un démon. Nous ne pouvons pas laisser le démon se terrer. » C’est en ces termes qui peuvent nous sembler étranges que le secrétaire général du Parti communiste chinois Xi Jinping a décrit la lutte que devait mener la Chine contre le coronavirus, lorsqu’il a rencontré Tedros Adhanom Ghebreyesus, le directeur de l’Organisation mondiale de la santé, le 28 janvier dernier à Pékin. Il ne s’agit pas d’une excentricité de la part du dirigeant chinois. Au contraire, pour la Chine traditionnelle impériale d’hier comme pour la Chine communiste d’aujourd’hui, la politique n’est qu’une forme suprême de l’art médical.

Elle consiste en effet à purifier le corps socio-politique de tout ce qui le menace : maladie, sédition, corruption, pollution des corps et des esprits. Ces menaces peuvent provenir des esprits maléfiques mais elles peuvent aussi prendre possession de personnes en chair et en os. 

La politique comme purification

Ainsi, longtemps avant l’émergence d’une nouvelle épidémie à coronavirus en 2017 , un discours du Parti dont un enregistrement a fuité à l’étranger, use d’un drôle de vocabulaire pour qualifier la pratique religieuse au Xinjiang, cette vaste région du nord-ouest de la Chine où vivent beaucoup de musulmans : l’extrémisme religieux est un « poison » qui perturbe l’esprit des gens, et doit être éradiqué à la racine avant qu’il ne se répande sous la forme du terrorisme comme «une  tumeur maligne incurable ». Les camps de rééducation sont des « hôpitaux » dans lesquels les Chinois touchés par la maladie idéologique religieuse peuvent renforcer leur « système immunologique » afin de pouvoir résister à « une nouvelle infection ». 

À propos d’hôpitaux, les deux qui ont été construits en un temps record à Wuhan et qui ont été ouverts le 3 et le 8 février derniers sous les yeux admiratifs du monde entier s’appellent pour le premier l’hôpital Huoshenshan, « l’hôpital du mont du dieu du volcan », et pour le second l’hôpital Leishenshan, « l’hôpital du mont du dieu du tonnerre ». Le premier fait référence à une figure mythologique (Zhurong) à la fois empereur mythique et dieu du feu et le second à un autre dieu plutôt effrayant (Leigong) qui dans la religion traditionnelle chinoise punit les hommes méchants et les esprits mauvais lorsqu’ils s’en prennent aux hommes. Drôles de noms pour un pays officiellement athée ! 

La religion, poison et remède

Ainsi la religion est considérée par le pouvoir chinois à la fois comme la source du mal qu’il faut combattre et comme la solution pour venir à bout de ce même mal : à la fois le poison et le remède. Lorsqu’elle est entre les mains du pouvoir qui l’utilise pour ses objectifs politiques, c’est un remède, mais lorsque la religion est vue par le pouvoir comme un phénomène incontrôlable qui « propage des maladies » idéologiques ou physiques dans le corps socio-politique, c’est un mal démoniaque contre lequel il faut lutter sans pitié. Les lecteurs de René Girard reconnaissent ici la figure du pharmakos, à la fois bouc émissaire et sauveur, qui perturbe la communauté mais dont l’expulsion sacrificielle vient ramener la paix. 



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Et le christianisme dans tout ça ? On sait que le christianisme, notamment sous sa forme protestante, se développe rapidement en Chine. Selon certaines estimations, il y aurait jusqu’à 100 millions de chrétiens et certains experts estiment même, peut-être de façon un peu optimiste, que la Chine pourrait devenir à terme, et malgré les persécutions de plus en plus intenses du pouvoir contre les communautés chrétiennes, le premier pays chrétien au monde en nombre de fidèles. 

Les chrétiens au secours des malades

Les groupes chrétiens chinois se sont distingués pendant cette crise du coronavirus par leur souci de se porter au chevet des malades et des personnes isolées en leur apportant de la nourriture et des médicaments. Phénomènes assez nouveaux en Chine, les dons financiers en provenance de la société civile pour soutenir l’effort des autorités locales se sont aussi multipliés, souvent de la part des églises mais aussi des autres groupes religieux, notamment bouddhistes. 

Le Christ dans sa prédication a subverti les catégories du pur et de l’impur : “Ce n’est pas ce qui entre dans la bouche qui rend l’homme impur ; mais ce qui sort de la bouche, voilà ce qui rend l’homme impur” (Mt 15, 11). Et un peu plus loin : “meurtres, adultères, inconduite, vols, faux témoignages, diffamations. C’est cela qui rend l’homme impur”. En retournant le regard vers notre cœur, le Christ empêche de considérer le mal comme un virus qui vient nous contaminer de l’extérieur, et ainsi de reporter toute la responsabilité du mal hors de nous. Les chrétiens authentiques ne peuvent que porter secours à ceux qui pendant les périodes d’épidémie risquent d’être considérés comme responsables du mal qui les accablent. Alors que le virus se propage, les chrétiens européens sauront-ils se montrer à la hauteur de leurs frères chrétiens de Chine ?



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