Ceux qui connaissent la vie du pape François ne seront pas étonnés de voir fleurir autant de poèmes dans “Querida Amazonia”. Son passé de professeur de littérature lui a donné une sensibilité toute particulière à cette forme littéraire, et l’exhortation pontificale sur l’Amazonie a des accents lyriques et mystiques indéniables.Dans Querida Amazonia, les poètes cités par le Pape tiennent lieu de guides. Guides contemplatifs, guides engagés, guides mystiques. Tous sont tombés amoureux de “l’immense beauté” de l’Amazonie et composent une ode à la “vie” de leur région. Mais nombreux sont ceux qui en ”déplorent aussi des dangers”, qui donnent de l’écho au grand cri de douleur des populations réduites à l’esclavage ou chassées de leurs terres ancestrales.
Pour le pape François, le poème est aussi une façon de communiquer avec les multiples traditions amazoniennes dont le pontife veut se faire le héraut. Dans cette région où la tradition s’exprime par l’oralité, le chant du rhapsode ou la mélopée du contemplatif sont des racines auxquelles les jeunes générations doivent s’attacher, afin de transmettre l’héritage de leurs pères. Le successeur de Pierre a pris grand soin de proposer des poèmes écrits par d’authentiques habitants de la grande forêt amazonienne pour que leur complainte soit entendue. Car il ne faut pas oublier que c’est ce cri seul qui a invité l’Église au long processus de discussion synodal à l’origine d’Amazonia Querida, rappelle François.
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Enfin, la poésie est un élan créateur qui seul peut permettre de trouver des solutions puisque, comme le pape François l’affirme à la suite de l’écrivain argentin Vinicius de Moraes : “Seule la poésie, grâce à l’humilité de sa voix, pourra sauver ce monde”. On dirait presque le cri dostoïevskien “La beauté sauvera le monde”, mais la signification est tout autre. “L’humilité” du regard poétique, est pour le pape François cette capacité à regarder les petites choses qui sont en bas, les beautés qu’on oublie par habitude mais qui forment toute la splendeur d’un ensemble. Les poètes nous aident dès lors à nous “libérer du paradigme technocratique et consumériste qui détruit la nature et qui nous laisse sans existence véritablement digne”, elle “aide à exprimer une douloureuse sensation que beaucoup aujourd’hui partagent”.
“Splendeur, drame, mystère”. C’est donc un petit trésor spirituel que nous propose le pontife dans son exhortation, celui de voix individuelles qui chantent, pleurent et inventent la grandeur de leur région afin que nous puissions rentrer plus en profondeur en communion avec eux.