Alors que l’émotion est encore forte après l’incendie de Notre-Dame lundi soir, l’énergie humaine a déjà repris sa place avec la volonté présidentielle de reconstruire au plus vite la cathédrale. Les promesses de dons battent tous les records, mais à qui donner et pour quel projet ? Aleteia a interviewé Bertrand de Feydeau, le vice-président de la Fondation du Patrimoine, institution habilitée à recevoir des dons pour la restauration de Notre-Dame de Paris.Aleteia : dans quel état d’esprit êtes-vous aujourd’hui, 48h après ce drame ?
Bertrand de Feydeau : Je suis partagé entre la tristesse et la volonté de refaire. À mon avis, personne n’a encore intériorisé la profondeur du message transmis par ce dramatique événement. La photo qui me bouleverse le plus est celle de la Vierge du Pilier. Elle est là, intacte, légèrement noircie par la fumée et la suie, et pourtant son visage rayonne de sérénité et de tendresse, presque plus encore que lorsqu’elle était propre ! Mais la vie reprend aussi ses droits avec l’action que nous devons tous mener ensemble. Oui, nous allons reconstruire Notre-Dame, la restaurer et lui rendre sa beauté.
Le Premier Ministre vient d’annoncer qu’il allait lancer un concours d’architecture pour refaire la flèche de Viollet-le-Duc, qu’en pensez-vous ?
Cette annonce ne m’étonne pas et je pense qu’effectivement, la question se pose. Quel type de restauration voulons-nous faire ? Il faut savoir que le projet de Viollet-le-Duc avait fait couler beaucoup d’encre à l’époque, c’était un projet novateur qui ne plaisait pas à tout le monde. Certes, elle faisait partie de notre environnement visuel depuis 150 ans, mais elle n’est pas d’origine et n’est pas la vérité absolue ! Pourquoi alors ne pas se poser la question de revenir à une flèche d’inspiration médiévale, ou au contraire, pourquoi ne pas tenter la modernité ?
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Le gouvernement a également annoncé la création d’un fond spécifique, est-ce une bonne idée ?
Je pense qu’il faut attendre entre l’effet d’annonce et la réalisation technique ! Il faut tout d’abord mettre de l’ordre dans le système d’appel aux dons. Aujourd’hui, l’État a quatre interlocuteurs principaux : la Fondation du Patrimoine, la Fondation de France, la Fondation Notre-Dame et le centre des monuments nationaux. Les trois fondations citées, confessionnelles ou pas, ont le statut d’utilité publique et peuvent donc émettre des reçus fiscaux, ce qui n’est pas le cas du quatrième. Ce sont des fondations qui existent déjà, qui fonctionnent bien, avec des procédures de dons claires, efficaces et déjà en place. Par ailleurs, les gens qui y travaillent sont des professionnels compétents et aguerris. Peut-être faut-il voir au delà de l’effet d’annonce et s’appuyer plutôt sur des structures existantes.
Parmi toutes les promesses de dons annoncées depuis 48h, qu’en est-il de la Fondation du Patrimoine ?
Nous avons déjà reçu plus de 100.000 dons de particuliers, ce qui représente 11 millions d’euros, les montants évoluant sans cesse depuis deux jours, il m’est difficile de donner un chiffre exact. Mais cela montre bien ce que je vous disais, notre structure est fiable et reconnue, et nous sommes tout à fait à même de traiter et de gérer ces dons.
Vous nous avez parlé de trois fondations, pourquoi donner à l’une plutôt qu’à l’autre ?
Dans tous les cas, l’argent récolté sera reversé à l’État qui est le propriétaire de la cathédrale. Je précise d’ailleurs à ce sujet qu’il n’y a pas de lecture spirituelle à faire. Notre-Dame est un actif de l’État, il peut donc choisir de la façon dont il va le restituer à la Nation. Il est vrai qu’en tant que mécène, nous aurons un droit de regard sur les travaux mais il est encore trop tôt pour parler de tout cela. Nous sommes tous tournés vers l’avenir, et même si cinq ans pour reconstruire, cela me semble très ambitieux, ce n’est pas intenable !