Le retour de l’Alsace et de la Moselle au sein de la République réjouit les catholiques sans pour autant les apaiser : ils ne veulent à aucun prix de la loi de 1905.
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Le 11 novembre 1918, l’Alsace-Lorraine redevient française, après quarante-quatre années sous domination allemande. Les troupes françaises sont accueillies dans un enthousiasme indescriptible qui marque autant la joie du retour à la France que le soulagement de voir enfin la guerre s’achever. Devant une telle liesse populaire, il semble inutile d’organiser le référendum qui avait été un temps évoqué dans les milieux politiques pour s’assurer du désir des Alsaciens de redevenir français.
Soixante prêtres condamnés
Pendant la Première Guerre mondiale, les catholiques alsaciens, suspectés de soutenir la France, avaient subi la défiance des autorités allemandes. Il est vrai que le clergé alsacien comptait alors plusieurs francophiles notoires. Dans ce climat de tension, Mgr Adolf Fritzen, évêque allemand de Strasbourg, eut la sagesse de rester étranger à toute considération politique ou patriotique. Il s’employa uniquement à soutenir et à défendre les intérêts de ses fidèles, en créant notamment des œuvres d’assistance pour soulager victimes et réfugiés. S’il ne put empêcher l’emprisonnement ou la déportation d’une soixantaine de prêtres condamnés pour francophilie, il réussit cependant à en protéger bien d’autres.
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Éviter la loi de 1905
Le retour de l’Alsace à la France en 1918 ne marque pas sur place la fin des inquiétudes religieuses. En effet, les catholiques craignent désormais l’anticléricalisme d’une partie des hommes politiques français ainsi que la volonté centralisatrice de la IIIe République. Certes, Joseph Joffre puis Raymond Poincaré avaient garanti, en leur temps, le maintien des libertés et des traditions propres à l’Alsace. Cependant, les catholiques désirent absolument éviter l’application de la loi de 1905 dans la région, demeurée sous le régime du concordat de 1801. Dès le 8 novembre 1918, Mgr Adolf Fritzen écrit au Pape et lui demande d’user de son influence pour protéger le statut concordataire et l’école confessionnelle. D’autres actions sont conjointement menées. Ainsi, le clergé alsacien adresse une lettre au clergé de France pour réclamer également le respect du concordat. Cette lettre est remise à l’archevêque de Paris, Mgr Léon-Adolphe Amette.
Des prêtres députés
Le retour à la France pose également aux partis politiques alsaciens le problème de leurs relations avec les partis et groupes parlementaires français. En Alsace, il existait avant la guerre un parti catholique bien organisé, à la différence de la France où seule la gauche disposait de partis au sens moderne du terme. Il apparaît néanmoins important de reconstruire un parti catholique propre à la région, l’Union populaire républicaine (UPR). Plusieurs prêtres, déjà actifs avant 1914, continuent à s’investir dans la vie politique, soit par le biais de journaux qu’ils dirigent, soit en étant directement élus à l’Assemblée nationale. C’est le cas notamment des abbés Nicolas Delsor, Xavier Haegy et Émile Wetterlé.
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Le maintien des libertés religieuses
Les crispations autour du concordat reprennent après les élections de 1924 qui portent au pouvoir le Cartel des Gauches. Les tentatives du président du Conseil Édouard Herriot de supprimer le concordat en Alsace-Lorraine se heurtent à une farouche opposition. Les catholiques réussissent à faire reculer le gouvernement et le conseil d’État réaffirme l’application du concordat. Cependant, face à ce qu’elle considère comme une trahison de la part du gouvernement français, une partie des catholiques rejoint le mouvement autonomiste, provoquant la scission de l’Union populaire républicaine en 1928. Pendant les années 1930, l’UPR se montre extrêmement vigilante sur le maintien des spécificités locales. La constitution d’un parti catholique, courageux, ferme dans ses positions et suivi par son électorat, a permis de garantir en Alsace pendant l’entre-deux-guerres le maintien des libertés religieuses.