L’inspiration, ça va pour l’art, pour la littérature, à la limite pour la recherche scientifique, mais pour notre travail au quotidien ?Notre culture voit traditionnellement le travail comme une activité pénible accomplie sous l’empire de la nécessité. On cite souvent la condamnation biblique — “à la sueur de ton visage, tu mangeras ton pain” — mais l’Antiquité grecque ou romaine n’est pas en reste sur le sujet. L’étymologie du mot travail (tripalium, trois pieux) désigne un instrument de torture, puis au XIIe siècle, le dispositif qui servait à immobiliser les bêtes, avec cette idée de souffrance que l’on retrouve chez la femme travaillée par les douleurs de l’enfantement. Le linguiste Alain Rey (du dictionnaire Le Robert) relie le labeur (labor) au verbe labare : vaciller, chanceler sous une charge. Rien de particulièrement inspirant dans ces mots !
Le travail heureux
Aujourd’hui, c’est surtout la souffrance psychique au travail qui fait la une des journaux. Burn-out (trop de travail), bore-out (trop d’ennui), brown-out (trop d’activités absurdes) en sont les tristes résultats, trop récurrents pour être ignorés. C’est dire que le travail heureux n’est pas si facile à réaliser. On peut sourire devant la nouvelle profusion du mot “happy” dans le jargon des entreprises : happy culture, happy managers, happy HR, chief happiness officer… Ces expressions révèlent pourtant le besoin de définir un nouveau rapport au travail qui ne soit pas d’abord pénible : une tendance forte se fait jour, qui revendique plus d’autonomie pour les salariés, plus d’”entreprise libérée”, plus de créativité, et pourquoi pas, plus d’inspiration.
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D’abord une œuvre
Rappelons-le : le travail n’est pas seulement une peine, il est aussi une œuvre ! J’associe volontiers l’œuvre et le travail, c’est-à-dire le résultat et la peine que l’on se donne pour l’obtenir. Ils sont décelables dans n’importe quelle activité professionnelle, même la plus infime, la plus dérisoire : le travail produit quelque chose de visible, de vérifiable, un service, une utilité qui a du sens. Le médecin guérit, le maçon bâtit un mur, le comptable révèle les résultats, le responsable marketing construit une marque, le chef entreprend…
L’œuvre serait donc le premier pas du sens du travail. En cristallisant une énergie personnelle sur une matière extérieure, le travail rend observable quelque chose qui vient de soi : on perçoit concrètement le produit de son effort, on peut en vérifier l’utilité. Le rapport au résultat du travail apporte l’évidence d’une contribution propre.
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Pour dépasser la souffrance
Un travail inspiré instaure un souffle entre le désir de la personne et l’œuvre poursuivie. Ce souffle s’appuie sur une vision, une adhésion, pour ne pas dire une passion, une vibration. Le travail inspiré voit ce qu’il veut produire, et renouvelle cette perception par des allers-retours passionnés entre l’écoute du client, la valeur ajoutée du produit ou du service, sa propre créativité…
Au-delà de la conformité, le travail inspiré apporte le sentiment d’agir avec intensité. Il n’enlève pas la part de souffrance inhérente à tout travail. Mais il la dépasse et lui donne un sens.