La consommation de plantes médicinales augmente ces dernières années. Pourtant le métier d’herboriste n’existe plus depuis 1941. En vente libre sur internet, dans la plupart des officines et les magasins bio, ces plantes sont consommées sans prescription. Mais ce qui est naturel n’est pas sans danger. Comment encadrer cette pratique ? Faut-il reconnaître le métier d’herboriste ? La question est loin de faire consensus.
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Pour beaucoup, la consommation de plantes médicinales renvoie à des remèdes de grand-mère. Ces plantes seraient naturelles et donc inoffensives. Mais c’est oublier que 70% de notre pharmacopée moderne est issue de composantes végétales. Cette pratique est fondée sur des traditions populaires et des usages ancestraux. Au Moyen Âge, on opposait ainsi les « simples » aux remèdes complexes et plus coûteux. Ces produits simples étaient achetés chez l’herboriste, ancêtre du pharmacien, qui a toujours existé et a bénéficié d’un statut officiel dès 1803. C’est en 1941, sous le régime de Vichy, que le diplôme d’herboriste est supprimé par une loi qui réglemente l’exercice officinal. Dès lors le nombre d’herboristeries chute considérablement passant de 4.500 à une dizaine aujourd’hui. La résistance de ces herboristeries est fondée sur le diplôme obtenu par leurs fondateurs avant 1941. Si une tolérance est pratiquée à l’égard de leurs successeurs, il n’en demeure pas moins que légalement, la vente de plantes médicinales est aujourd’hui le monopole des pharmaciens. Mais, depuis un décret du 22 août 2008, 148 plantes bénéficient d’une dérogation au monopole pharmaceutique du fait de leur usage alimentaire.
Le succès de l’herboristerie, une réalité de fait
Il y a quelques jours le Le Figaro titrait « Ricola ouvre une herboristerie éphémère à Paris ». Les plantes médicinales ont le vent en poupe. Tisane de Mélisse, infusion à la camomille, huiles essentielles de romarin, bonbons à la violette, en poudre, en vrac ou en gélule, elles sont partout. Disponibles en magasin bio, dans la plupart des officines ou sur internet, prises en prévention d’une maladie, en complément alimentaire ou en plus d’un traitement médical, elles rencontrent un franc succès auprès des consommateurs français. Selon le rapport d’une mission sénatoriale sur le sujet, le marché de la santé et de la beauté naturelles représente plus de 3 milliards d’euros en France. Ce dynamisme est le reflet d’une aspiration profonde des français de revenir à des modes de consommation et de traitement plus naturels, traditionnels et doux. Mais, aux côtés des pharmaciens, qui ne sont pas toujours formés en phyto-aromathérapie, des herboristes de comptoir (en boutique) ou des paysans-herboristes (producteurs-cueilleurs) sont en attente de reconnaissance de leurs savoirs et compétences complémentaires.
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Vide juridique et pratique dans l’insécurité
C’est le combat de Michel Pierre, ancien préparateur en pharmacie, patron de l’Herboristerie du Palais Royal à Paris et président de Synaplante, le syndicat des herboristes. Le vide juridique sur le métier d’herboriste l’a placé dans une situation très délicate. Poursuivi pour avoir vendu des plantes faisant partie du monopole de la pharmacie, relaxé en première instance, il a finalement été condamné en appel en 2013. Le procureur général avait néanmoins énoncé dans son réquisitoire avoir « totalement conscience des limites de la loi » et se trouver « dans une impasse totale », appelant expressément le législateur à « trouver les moyens de régulariser les choses ». Aujourd’hui, Michel Pierre, interrogé par Aleteia, demande la reconnaissance de son métier et la mise en place d’une formation de deux années, sanctionnée par un diplôme officiel. Selon lui, l’herboristerie est complémentaire de la médecine traditionnelle. Ses clients viennent ainsi principalement le consulter pour « une demande de confort » ou en complément d’un traitement. Il se dit très prudent sur ses recommandations et se garde bien de « jouer au petit médecin ». Il concède par ailleurs qu’en cas de reconnaissance de son métier, « si une pharmacie était suffisamment grande, pourquoi ne pas avoir un conseiller en herboristerie en officine aux côtés du pharmacien ».
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Les réticences des professionnels de santé
L’engouement des français pour les plantes médicinales ne trouve pas toujours écho chez les professionnels de santé. Les représentants de ces professions considèrent ainsi que la réglementation en vigueur vise à protéger la santé publique, car « ce qui est naturel n’est pas sans danger ». Selon Claire d’Hautefeuille, pharmacienne interrogée par Aleteia, « il peut y avoir d’importantes contradictions entre un traitement médical et des plantes qui peuvent paraître inoffensives. Ainsi, la plante qui peut avoir le plus d’interactions avec d’autres molécules c’est le millepertuis, une plante utilisée pour soigner les états dépressifs qui peut avoir pour conséquence d’accentuer ou freiner certains effets médicamenteux ». Aussi, ce n’est pas parce que la plante est naturelle qu’elle n’a pas des effets puissants, beaucoup de médicaments ou de drogues sont d’ailleurs issus de végétaux naturels.
Sans notice d’utilisation, sans prescription médicale, une consommation de ces plantes pour traiter un désagrément isolé, sans apprécier l’état de santé global du patient, peut s’avérer dangereuse. Pour cette pharmacienne, les pharmaciens formés en phyto-aromathérapie paraissent donc les plus aptes à renseigner sur les conséquences de ces plantes sur notre état de santé. L’herboriste, aussi compétent soit-il, ne dispose pas de l’intégralité du dossier médical du patient. Néanmoins, précise Claire d’Hautefeuille « je ne pense pas que cette pratique vienne concurrencer la médecine traditionnelle, elle intervient davantage en complément d’un traitement médical ». Si la concertation se poursuit sur la reconnaissance du métier d’herboriste, pour Claire d’Hautefeuille « il ne faut pas envisager ces métiers dans une perspective de concurrence », mais plutôt étudier la possibilité d’une « complémentarité encadrée ».