Si le vœu d’amour est totalement oublié de nos jours, il nous reste cependant le loisir d’en souligner la démarche, telle qu’elle est accomplie par Frédéric Ozanam, et de se demander quelle preuve d’amour pouvons-nous aujourd’hui offrir à notre conjoint.
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La récente édition de la Correspondance entre Frédéric et Amélie Ozanam (DDB), présentée par Don Léonard de Corbiac et incluant de manière inédite les lettres d’Amélie, fait plonger le lecteur dans le quotidien et l’intimité d’un couple hors du commun. Frédéric et Amélie, un an après leur mariage, se retrouvent séparés géographiquement plusieurs semaines durant l’été, puis l’automne 1842. La santé d’Amélie, affaiblie par une fausse couche en mai, exige du repos, qu’elle trouve dans une « campagne » louée par ses parents à Oullins, dans la banlieue lyonnaise. Les travaux de Frédéric, professeur de littérature étrangère à la Sorbonne, le retiennent à Paris. Leurs lettres, échangées quasi quotidiennement, témoignent d’un amour conjugal entier, dévoué et partagé, et révèlent le vœu d’amour de Frédéric.
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Bien qu’il soit sans doute gourmand, Frédéric Ozanam formule le vœu de se priver de gâteaux tant que dure la séparation avec sa femme. C’est à la fois une preuve d’amour, une preuve de sa capacité de renoncement et de sa volonté de faire passer sa gourmandise et ses tentations après sa femme. Une manière de dire qu’un plaisir n’est légitime que s’il est partagé, et une façon de la rendre présente à son esprit malgré l’éloignement temporaire.
« Quant à moi pour rester dans la tradition j’avais fait un vœu d’amour : celui de ne point acheter de petits gâteaux tant que je n’aurais pas le plaisir de les partager avec toi. »
(Lettre du 25 juillet 1842)
Cependant, il est confronté à un affreux dilemme lorsque que leur domestique lui sert pour le dîner une tarte aux cerises…
« Aujourd’hui encore j’avais résisté à toutes les tentations, bien que mes courses m’aient fait passer devant les plus riches expositions de cette appétissante industrie. Voilà qu’à dîner, Marie, qui a soin de moi, me sert une tarte aux cerises. Le cas était grave et la question des plus épineuses. Après un long et mûr examen où toutes les considérations économiques, gastronomiques et morales ont été comptées, j’ai résolu savamment le problème par une de ces distinctions dont je me fais honneur. Et attendu qu’au milieu des délices d’Oullins la tourte aux fruits te manque sans doute, j’ai, non point en mon nom personnel, mais comme ton fondé de pouvoir, comme chargé de toucher et de consommer tes revenus, touché et consommé la part qui te revenait, c’est-à-dire la moitié de l’objet du litige ; l’autre part est restée intacte, et j’ai renouvelé la promesse de ne remettre les pieds chez aucun pâtissier de la terre, jusqu’au jour où d’autres petits pieds mignons franchiraient le seuil avec moi. »
(Lettre du 25 juillet 1842)
Trois jours plus tard, Amélie lui répond, touchée, et le relève de son vœu :
« Tu me touches profondément par ton vœu. Maman nomme cela un vœu imprudent mais je suis très persuadée que tu es très capable d’un acte aussi héroïque. Je trouve ton épreuve jusqu’à ce jour assez concluante et je te relève de ton vœu et te prie de croquer sans remords bon nombre de petits gâteaux pourvu que cela soit à mon intention comme pour la tarte aux cerises. »
(Lettre du 28 juillet 1842)