Mgr Laurent Percerou, évêque de Moulins, fait partie des quatre évêques français nommés par le Pape comme délégués au synode sur « les jeunes, la foi et le discernement des vocations ». Celui-ci se tiendra à Rome du 3 au 28 octobre 2018. Aleteia : Vous avez été nommé par le Saint-Père comme délégué pour le prochain synode des jeunes. Quelle est votre expérience auprès de la jeunesse ?
Mgr Laurent Percerou : Je reste très marqué par le scoutisme depuis mon enfance. J’y suis entré à Dreux à l’âge de 9 ans et j’en suis sorti lorsque je suis devenu évêque de Moulins. J’ai aussi exercé comme professeur d’histoire-géographie auprès d’adolescents issus de milieux populaires et comme directeur de centre de vacances. Autrement, j’ai accompagné des jeunes dans des questions vocationnelles. Aujourd’hui, je découvre avec joie la pastorale étudiante.
D’après vous, qu’est-ce que les jeunes attendent de l’Église aujourd’hui ?
Ils nous disent : « Nous sommes l’Église et nous voulons en être acteurs. Nous souhaitons prendre notre place à l’intérieur. Laissez-nous apporter notre charisme ». C’est l’un des points forts du synode. Les jeunes ont une grâce propre à donner à l’Église : un enthousiasme, un élan, une volonté de croquer la vie à pleine dents, une transparence. L’avenir leur appartient. Ils sont prêts à servir, peut-être avec une certaine forme de naïveté, mais surtout avec générosité. Ils ont soif de Dieu. Tout cela, il faut bien sûr le canaliser et le former, mais ils sont là pour rappeler sa jeunesse à l’Église. J’aime parler de l’éternelle jeunesse de Dieu. L’Esprit saint vient faire toute chose nouvelle. Les jeunes demandent à l’Église de leur donner des repères pour croire, pour apprendre à aimer. Ils veulent comprendre pourquoi elle a un regard si beau et en même temps si exigeant sur l’amour humain. Ils s’interrogent : « Qui est ce Dieu en qui je crois ? Comment tracer mon chemin ? ».
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L’Église a-t-elle un rôle particulier à tenir auprès des jeunes ?
Le Pape nous rappelle que l’Église a une place particulière auprès des 16-30 ans. Nous vivons dans une société mondialisée dans laquelle l’avenir est difficile à voir. L’Église a une belle tradition d’éducation, une responsabilité particulière vis-à-vis de la jeunesse. Je pense à des figures comme les pères Daniel Brottier et Jean Bosco. Dans mon diocèse, j’ai à cœur que les diocésains soient partie prenante du synode et que cela ne repose pas uniquement les jeunes. Nous avons tous à vivre de la jeunesse du Christ ressuscité au cœur de nos communautés chrétiennes, les adultes compris. La question des paroisses revient souvent dans les demandes des jeunes. Ils ont l’impression de ne pas y avoir leur place. Certaines communautés ont compris qu’il fallait travailler l’intergénérationnel. Dans les paroisses et les diocèses, souvent, on ne l’a pas encore saisi. Une jeune femme de 26 ans me disait : « Lorsque je vais à la messe le dimanche, moi qui ne suis ni mariée ni consacrée, je n’ai pas de statut. Donc on ne me demande rien ». C’est symptomatique. D’une certaine façon, nous cloisonnons. Je vois également un autre défi : celui d’être une Église capable d’accueillir les jeunes au-delà du bocal.
Y a-t-il des ouvertures à attendre du synode ?
Je ne sais pas s’il y a des choses à attendre en plus, mais il faut souhaiter une Église en conversion. Le Pape nous rappelle que ce qui est premier, c’est l’annonce du Christ. Il parle de réforme systémique. Il ne faut pas hésiter à bousculer les structures. Qu’est-ce que nous sommes prêts à faire bouger ?
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Comment va se passer le synode, concrètement ?
Nous allons travailler à partir du document Instrumentum Laboris. Nous aurons une alternance entre des assemblées auxquelles seront présents tous les pères du synode – chacun prendra alors la parole durant quatre minutes sur un point précis du texte – et des temps en petits groupes au sein desquels nous proposerons des amendements afin de faire émerger des points qui n’apparaissent pas dans le texte, ou de bousculer celui-ci. Parmi les quatre évêques français délégués, chacun a une spécialité. Pour Mgr Gobilliard, il s’agit de la vie affective et de la sexualité, pour Mgr David Macaire, des communautés accueillantes et fraternelles, pour Mgr Bertrand Lacombe, de l’accompagnement des jeunes, et pour moi-même, de la dimension missionnaire. Des jeunes et des experts seront aussi présents comme auditeurs. Quelques mois après le synode sortira une exhortation apostolique avec une feuille de route pour l’Église universelle.
Avez-vous une parole particulière à porter ?
Ce que je peux vous dire, c’est que j’ai à cœur d’aller à la rencontre de ces jeunes que nous ne rejoignons pas. Je pense qu’ils seront touchés par les jeunes eux-mêmes. Cela implique de former des leaders, c’est-à-dire une jeunesse qui soit capable d’impulser un mouvement missionnaire auprès des jeunes de banlieues ou de milieux populaires. Il faut les rejoindre là où ils sont. On ne peut pas faire l’impasse sur la proximité. Ce n’est pas le désert, en France, et il me semble important d’en témoigner au synode. Nous voyons des initiatives fleurir un peu partout. Elles ont simplement besoin d’un peu de visibilité. Mgr Lacombe parle de créer un « label jeunes ». Les jeunes ont soif d’une reconnaissance, d’une légitimité de la part de l’Église. En Auvergne, certains jeunes se lancent dans l’agriculture. Il faut des chrétiens prêts à les rencontrer là où ils sont, à la table d’un bistrot ou autour d’une partie de belote. Il est important de montrer que l’Église est vivante.
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Votre devise épiscopale est : « Que tous soient un pour que le monde croie ». L’unité, où en sommes-nous ?
Nous avons à travailler la communion de ces différents mouvements de jeunesse qui ont chacun une originalité, une histoire, un public. Tous contribuent à l’évangélisation. Il est important de leur faire découvrir qu’ils sont l’Église. C’est parce que nous aurons un horizon commun que le monde pourra croire. Ensuite, il y a la question de l’unité des chrétiens. Je suis assez sensible à la spiritualité de Taizé. C’est un lieu où l’on se rappelle que nous sommes tous marqués du même baptême et que l’annonce de l’Évangile doit être portée par ceux qui se reconnaissent comme disciples du christ. Des rencontres comme celles de Bâle, en 2017, sont prophétiques. L’unité avance dans la rencontre et dans l’échange.